Mes fictions historiques

L’ultime espoir de Mme de Montespan

La fiction historique ci-dessous est l’oeuvre de Juliette Pacull, gagnante d’un concours d’écriture organisé par moi-même sur un forum d’Histoire. 

Thème du concours :  « Janvier 1679, château de Versailles : des cris s’échappent des appartements de la marquise de Montespan où celle-ci est enfermée avec ses dames. Tous les courtisans se regroupent devant les portes des appartements et les plus folles rumeurs commencent à circuler. Il se murmure que Mme de Montespan est en train d’accoucher ! Il est vrai qu’elle avait pris du poids ces derniers temps. Un dernier cadeau de la part du roi avant qu’il ne se tourne vers Mlle de Fontanges ? » 

Travail demandé aux participants du concours : Dans la peau d’un courtisan (réel ou fictif), qui a assisté à toute cette agitation, les participants au concours racontent, dans la correspondance fictive de notre témoin, ce qui s’est vraiment passé derrière les portes de la chambre de la marquise de Montespan.

Mme de Montespan, par Jean-Pierre Franque (1838)

« Versailles, 16 Janvier 1679

Ma chère Laura,

Voici déjà deux semaines que je suis revenue à la Cour suite à ma longue maladie et je me languis déjà de votre présence à mes côtés au service de la Reine. Elle est fort peinée du mal qui vous touche et à cause duquel je dus rester allongée un long moment. J’espère de tout cœur que vous vous rétablirez vite et que vous ne vous ennuyez point. Aussi pour vous divertir, j’ai là une histoire bien intéressante à vous conter. Elle n’est point amusante mais du moins vous serez au courant des événements pour votre retour à Versailles. Je vous avoue avoir eu grand peur !

Notre amie Athénaïs, vous le savez, voyait Sa Majesté s’éloigner de sa personne au profit de cette sotte de Fontanges. Elle eut cependant un regain de faveur suffisant pour que, quelques mois à peine après la naissance de ce petit garçon, Louis-Alexandre, l’an passé, le Roi lui fasse contracter cette maladie dont nous guérissons en neuf mois. Vous imaginez bien à quel point Athénaïs pesta lorsqu’elle apprit cette nouvelle : une dixième grossesse ! Elle aime tendrement ses enfants, vous le savez, mais en avoir autant en si peu de temps et vu son train de vie, vous imaginez fort bien l’épreuve que cela représente. Néanmoins, elle eut ainsi l’espoir de retrouver l’amour du Roi et ainsi le détourner de cette Fontanges dont il s’était fort toqué et qu’il avait grand peine à quitter. Sa Majesté aime tous les enfants que notre Marquise lui a donnés, et celui-ci n’aurait, j’en suis persuadée, pas failli à la règle. Par ailleurs, Louis XIV sembla ravi de la nouvelle.

Or voici qu’après quelques mois de grossesse, alors que tout se passait à merveille comme pour chacun de ses autres enfants, Athénaïs commença à se sentir lasse. Des douleurs et des fatigues la prenaient souvent, elle avait quelques vapeurs et dût, la semaine passée, quitter son jeu lors d’une partie de hoca, ce que vous le savez, elle n’aurait jamais fait en temps normal ! La vérité est que malgré sa grossesse – la huitième de notre Roi ! – celui-ci ne lâchait pour ainsi dire jamais la main de la Fontanges et s’affichait auprès d’elle, ignorant Athénaïs, d’une telle façon que même ce fantôme de Maintenon en grinçait des dents derrière son éventail. Cet affront à sa personne, à une Rochechouart-Mortemart, notre amie ne le put supporter. Elle comprit fort bien que ses fatigues lassaient le Roi : il n’aime pas les femmes malades dans son entourage… Notre Marquise resta alors quelques jours enfermée chez elle, dans son appartement, et prit un peu de repos que le Roi mit à profit pour ne plus se séparer de la Fontanges. Athénaïs fulminait, vous le pensez bien. Elle n’acceptait de recevoir chez elle que ses enfants, sa sœur, sa nièce la Duchesse de Nevers et moi-même. Je fus fort touchée par cette marque d’amitié et de confiance !

Malheureusement, il y a trois jours, Athénaïs fut prise de violentes douleurs au ventre. Elle resta alors allongée dans sa chambre où ses suivantes la veillaient en permanence et crut à sa mort prochaine ! Les médecins pratiquèrent des saignées, lui firent prendre des émétiques et finalement, en fin de journée, son travail commença alors que la naissance n’était prévue que pour le mois de Juin. Notre amie hurlait à tout rompre, les vitres de ses appartements tremblaient et je suis bien certaine que les sopranos des opéras de M. Lully hurlent moins fort ! Je ne pus me frayer un chemin entre les courtisans attroupés devant les portes de son appartements que parce que j’étais partie prévenir le Roi et que je revenais, annonçant son arrivée. Des murmures circulaient dans les couloirs, les pires vipères de la Cour s’en donnaient à cœur joie et les partisans de la Maintenon priaient pour le décès de notre malheureuse amie. Les scélérats !

Après des heures de souffrances durant lesquelles Athénaïs perdit une grande quantité de sang, les médecins purent extirper de son corps ce qui aurait dû hélas être un magnifique petit garçon, s’il était arrivé à terme. Une hémorragie commençait à se propager et ce fut par un grand miracle que notre amie fut sauvée à temps. Ce petit être a sauvé sa mère en naissant trop tôt au lieu de pourrir en son corps comme ce fut le cas jadis pour feue Madame Henriette d’Angleterre ! Le Roi sembla peu peiné par cette nouvelle. Il versa quelques larmes pour la forme, après tout ce petit aurait dû être son fils, mais sans même un regard vers Athénaïs, il repartit de l’appartement pour retrouver la Fontanges qui attendait chez elle.

Notre amie n’a pas supporté cet affront de la nature ni la réaction du Roi. Elle, le « Torrent », la fière et altière Montespan, perdre un enfant du Roi alors qu’elle en avait porté neuf sans jamais aucun problème de santé ! Elle m’a confié, entre deux crises de larmes, qu’elle y voyait là un signe de Dieu… Pour elle, ce fut l’annonce de la fin de sa grandeur. Le fait que le Roi n’ait pas eu un geste pour elle et son absence de chagrin lui ont causé de violentes crises : jamais il n’aurait agi ainsi auparavant ! Une nouvelle fois, les courtisans venaient écouter aux portes afin d’avoir quelques ragots croustillants à raconter ! En perdant cet enfant, Athénaïs a bien compris qu’elle avait perdu aussi l’amour du Roi, et qui sait, peut-être aussi son amitié. Elle était effondrée…

Aujourd’hui, elle tente de se rétablir au plus vite et de reparaître à la Cour et faire ravaler à ses détracteurs leur venin. « Une Rochechouart-Mortemart n’abandonne jamais ! » m’a-t-elle dit. Elle ne veut pas être comme cette pauvre La Vallière qui avait tant de mal à se remettre de ses couches et espère être bientôt sur pieds…

Ma chère Laura, priez avec moi pour la santé de notre amie. Je prie également pour la vôtre et espère grandement votre retour à Versailles, Athénaïs a plus que jamais besoin de l’amitié et de la présence de ceux qui lui sont chers. Je vous envoie mille pensées affectueuses et vous souhaite un prompt rétablissement.

Votre amie de toujours,

Margaux »

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