L'Histoire portée à l'écran

Louis XV : le Soleil noir

 Documentaire-fiction de Thierry Binisti, avec Stanley Weber, réalisé en 2009

 

L’histoire : La vie de Louis XV, souverain mélancolique. Il accède au trône à l’âge de 5 ans, avec l’ombre pesante de son aïeul, Louis XIV.  En ce jeune monarque, les français placent beaucoup d’espoir. Pourtant, ce roi qui avait été surnommé  par son peuple « le Bien-Aimé », finira  « le Bien-Haï »…

Les erreurs :

 – Lorsque Louis XV décide de se passer de Premier Ministre, nous sommes en 1726. Or, dans la scène qui suit, nous voyons la première fiancée du roi, l’Infante d’Espagne Marie-Anne-Victoire de Bourbon, quitter la France. Nous ne sommes alors qu’en en 1725. 

– On nous présente un Louis XV d’apparence adulte face à l’Infante d’Espagne encore enfant. La différence d’âge nous paraît ainsi énorme. En réalité, elle n’est que de 8 ans : en 1725, l’Infante a 7 ans et Louis, 15 ans. Mais le documentaire ne nous présente nullement un roi adolescence.

 – Le documentaire nous apprend qu’après avoir mis au monde dix enfants, la reine a fermé la porte de sa chambre à son époux, fatiguée d’être toujours enceinte. Or, la souveraine n’a pas choisi cette situation : en 1738, elle a fait une fausse-couche et ses médecins ont avancé qu’elle devait désormais éviter toute grossesse, qui pourrait lui être fatale ainsi qu’à l’enfant à naître. Marie Leszczynska n’a donc pas le choix. Son seul tort a été de n’avoir pas eu la force de mettre Louis XV au courant de la situation, et celui-ci a d’abord effectivement cru que la reine en avait assez du devoir conjugal.

Gabriel Hallali (Louis XV enfant)

  – On voit Louis XV s’afficher avec sa maîtresse, Louise de Mailly-Nesle, en présence de la reine et de ses enfants.  Dans cette scène, la favorite du roi apparaît allongée et fière aux côtés de Louis XV. En réalité, Madame de Mailly fut une favorite discrète et respectueuse de la souveraine.

– Dans la scène suivante, Louise présente au roi sa sœur Pauline, comtesse de Vintimille, alors qu’elle est au lit avec son royal amant ! On devine sans mal ce qui va suivre… En réalité, la comtesse de Mailly n’a pas présenté sa jeune sœur au roi pour qu’il en fasse sa maîtresse, et ne se résignera pas d’avoir perdu le cœur de Louis XV au profit de Mme de Vintimille.

– Scène des plus improbables : les trois sœurs Nesle posant dénudées dans le parc du château de Versailles ! Or, lorsque la duchesse de Châteauroux devient la maîtresse de Louis XV, Mme de Vintimille est morte, et la nouvelle maîtresse du roi n’entend sûrement pas partager la place avec sa sœur aînée, Mme de Mailly ! De plus, le tableau que l’on aperçoit, « les trois grâces », de Charles Van Loo a été réalisé en 1765, époque à laquelle les sœurs Nesle sont toutes décédées (Mme de Vintimille meurt en 1741,  Mme de Châteauroux en 1744 et Mme de Mailly en 1751).  Si ce tableau les représente, elles n’ont pu poser pour le peintre.

« Les Sœurs de Mailly-Nesle sous les traits des Trois Grâces », par Charles Van Loo (1765)

 – Nous sommes dans la période de faveur de Mme de Châteauroux (1742-1744) et pourtant, l’une des scènes suivantes nous montre les dernières filles de Louis XV quitter Versailles pour l’abbaye royale de Fontevraud. En réalité, cet épisode se passe en 1738.

– Dans le documentaire, la marquise de Pompadour est présentée comme étant « Mme d’Etiolles, veuve Poisson ». Or, la nouvelle favorite n’est pas veuve, et sûrement pas de Monsieur Poisson : la marquise de Pompadour est née Jeanne-Antoinette Poisson (c’est donc son nom de naissance). Elle épouse en 1741 Charles-Guillaume Lenormand d’Etiolles, d’avec qui elle se sépare peu après avoir débuté sa liaison avec Louis XV.

– Si le Parc aux cerfs a existé, ce n’était pas un harem où Louis XV allait se servir, comme le suggère le documentaire. En réalité, le roi y logeait sa petite maîtresse du moment, à l’écart de la cour. 

Louis XV (Stanley Weber), dans la galerie des glaces du château de Versailles

– On peut voir Mme de Pompadour au chevet du roi, après l’attentat de 1757. En réalité, la marquise n’a pu voir Louis XV durant plusieurs jours, la famille royale lui interdisant d’approcher le monarque. On fit même croire à la marquise qu’il était mourant et qu’elle devait se retirer de la cour.

– Erreur de la caméra  : dans la scène suivante, on voit Mme de Pompadour devant le portrait de la reine Marie-Antoinette et de ses enfants, peint par Mme Vigée-Lebrun entre 1786 et 1787. 

– Lorsque le dauphin Louis-Ferdinand est à l’agonie, il fait de nombreux reproches à Louis XV. En réalité, il semble que les conversations entre le père et le fils furent assez banales, l’un comme l’autre voulant éviter de se quereller alors que le dauphin vivait ses dernières semaines.

– Dans la même scène, on remarquera un buste de la reine Marie-Antoinette… qui n’est pas encore fiancée au fils aîné du dauphin à cette époque. 

– Dans le documentaire, la dernière favorite de Louis XV, Mme du Barry, semble ne rien connaître des usages de la cour, en raison de sa basse condition sociale. Pourtant, aux dires des courtisans, elle avait plus de grâce que la marquise de Pompadour, et appliquait mieux les codes des courtisans que celle qui l’avait précédée dans le lit du souverain.

Stanley Weber (Louis XV) et Coralie Revel (Jeanne du Barry)

 – Rien ne prouve que Louis XV ait voulu épouser Jeanne du Barry. Cette idée serait celle de certains proches du monarque et d’ailleurs, Louis XV dément cela en écrivant à Choiseul qu’il n’y aura pas de nouvelle « Mme de Maintenon » à Versailles (sous-entendu d’ « épouse secrète »).

Le documentaire-fiction met en avant le fait que roi de France est de plus en plus éloigné de son peuple : Versailles se referme sur Louis XV. Ce château était censé refléter la grandeur du monarque mais le successeur de Louis XIV n’a pas le même sens du devoir que son aïeul : écrasé par l’image du Grand Roi, Louis XV fuit le cérémonial de cour, qui marque la distance entre le roi et la noblesse. Le nouveau roi, dépressif, commence, par son comportement, à désacraliser l’image du monarque absolu. Il est cependant regrettable que ce documentaire-fiction donne du crédit à la légende noire de Louis XV, en faisant de lui un roi débauché, qui aurait entretenu un véritable harem. 

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