Histoire des Rois

Henri III : Quand l’absence d’héritier met en danger le pouvoir royal

Le 30 mai 1574, le roi Charles IX meurt de la tuberculose, sans laisser d’héritier mâle. La couronne passe alors à son frère cadet, le duc d’Anjou, qui prend le nom d’ Henri III. Celui-ci n’est pas encore marié et espère faire annuler l’union de la belle Marie de Clèves avec le prince de Condé, afin de l’épouser lui-même. Hélas, la jeune femme, enceinte, meurt lors de son accouchement, le 30 octobre 1574.  Sa mort rend le nouveau roi fou de douleur. Durant plusieurs jours, il est alité, refusant de s’alimenter et de parler. Lorsqu’il réapparaît en public, Henri III, empli de pensées macabres, porte sur ses vêtements des petites têtes de mort, qui font craindre à Catherine de Médicis que son fils n’ait été ensorcelé. Au fils des mois, le roi s’entoure également  de fréquentations douteuses, qui déplaisent fortement à sa mère. Afin de détourner son fils du « vice italien », et face au danger que représente l’absence d’héritier au sein de la famille royale, Catherine de Médicis décide de marier son fils. 

Bien que de nombreuses princesses étrangères lui soient proposées, Henri III arrête son choix sur Louise de Lorraine-Vaudémont. Il avait rencontré la jeune fille l’année précédente, à Nancy, et avait été touché par la douceur et la modestie de celle-ci,  qui lui rappelle certains traits de Marie de Clèves. Dès lors, et bien que  Louise de Lorraine n’ait pas de fortune et aucun appui politique à apporter à la famille royale, Henri III décide de l’épouser, indiquant qu’il souhaite « prendre une femme de sa nation qui fût belle et agréable […] sans aller en chercher d’autres au loin, comme ses prédécesseurs avaient fait ».  D’abord contrariée de savoir que son fils désire épouser une jeune femme de si modeste condition, Catherine de Médicis est ensuite soulagée de constater que la perte de Marie de Clèves n’a pas rendue le roi insensible au beau sexe.

Henri III, Catherine de Médicis et Louise de Lorraine (détail du tableau représentant le mariage du duc de Joyeuse), par l'Ecole française, XVIe siècle
Henri III, Catherine de Médicis et Louise de Lorraine (détail du tableau représentant le mariage du duc de Joyeuse), par l’Ecole française, XVIe siècle

Le mariage est célébré à Reims, le 15 février 1575, deux jours après le sacre d’Henri III.  En célébrant son union avec Louise juste après la cérémonie du sacre, le roi espère attirer sur lui la bénédiction de Dieu « qui lui fera la grâce d’en avoir bientôt des enfants ».  Pour l’occasion, le roi a cousu des perles et des pierres précieuses sur la robe de sa future épouse. Il insiste également pour la coiffer lui-même. Ce comportement inquiète les contemporains d’Henri III, qui jugent son mariage précipité et « inégal » du fait des origines modestes de Louise de Lorraine. Lors de la cérémonie, le roi semble ailleurs, animé d’une curiosité amusée. On aurait presque cru, à voir le comportement d’Henri III, qu’il s’agissait d’une farce plutôt que d’un mariage royal.

La fonction principale de la nouvelle reine est de donner rapidement un héritier mâle à la couronne. De ce fait, durant les premiers mois qui suivent le mariage, tous les regards sont posés sur Louise et la moindre alerte donne l’espérance d’une future naissance. Ainsi, lorsqu’en avril 1575 la reine est victime de violents vomissements et de douleurs aux seins,  les médecins croient à une grossesse. Désillusion. En juillet, Louise est souffrante et « l’espoir de sa grossesse augmente ». C’est encore une fausse alerte. En avril 1576, la reine souffre de maux de ventre et les médecins, croyant à une indigestion, prescrivent une purgation. Dans la précipitation, on ne se pose pas la question de savoir si la reine pourrait être enceinte… ce qui est pourtant le cas.  Ainsi, la purge entraîne malheureusement une fausse-couche. Le chancelier de Cheverny relate l’incident dans ses Mémoires : « Une malheureuse médecine lui fit vider l’enfant, que les sages femmes disaient être déjà tout formé ». Dans cette perte, on croit reconnaître un embryon de sexe masculin…

On ne s’alarme pas de cette fausse-couche, comptant sur le jeune âge de la reine – 23 ans – pour bientôt mener une grossesse à terme. Cependant, les médecins prescrivent des cures et des pèlerinages aux souverains. Rien n’y fait : Louise de Lorraine ne parvient pas à être à nouveau enceinte. Cette situation n’est malheureusement pas inédite à la cour des Valois : Catherine de Médicis n’est tombée enceinte qu’au bout de dix ans de mariage et l’épouse de Charles IX, Elisabeth d’Autriche, n’a eu qu’une fille, morte à l’âge de 5 ans.

Henri III par François Quesnel (vers 1588)
Henri III par François Quesnel (vers 1588)
Louise de Lorraine-Vaudémont par l'Ecole française (XVIe siècle)
Louise de Lorraine, par l’Ecole française (XVIe siècle)

Il est pourtant dangereux pour l’image du roi que celui-ci ne parvienne pas à avoir d’enfant. En effet, le souverain est considéré comme le père de son royaume. Or, comment peut-il l’être s’il est incapable d’avoir une descendance ? L’image du pouvoir royal et de l’autorité du roi a déjà était mise à mal lorsque le mariage du dauphin Henri – fils de François Ier – et de Catherine de Médicis demeurait stérile. Cependant, la naissance d’un enfant naturel du dauphin avait convaincu l’opinion que Catherine de Médicis était la seule responsable de l’absence d’un héritier. En dépit de l’absence d’un héritier mâle, l’autorité de Charles IX n’a pas été remise en cause, puisque ce roi a eu une fille de son épouse, et deux fils naturels de sa maîtresse, Marie Touchet. En revanche, on ne connaît à Henri III aucun bâtard, qui viendrait confirmer que le roi est bien apte à procréer. Quant à Louise de Lorraine, elle n’a pas été sacrée et doit impérativement sécuriser sa place en donnant naissance à un enfant. A la mort du frère cadet d’Henri III, le duc d’Alençon, en 1584, le roi prend le problème de sa succession très au sérieux. En effet, avec la mort de son frère, resté célibataire, c’est son héritier qui disparaît. Le nouveau successeur d’Henri III est alors son cousin – et beau-frère – , Henri de Bourbon, roi de Navarre. Or, celui-ci est protestant et une guerre de religion menace la France. Bien qu’Henri III désire que le royaume de France demeure catholique, il ne peut choisir son successeur, malgré les rumeurs qui circulent au sujet de son neveu naturel, Charles d’Angoulême – fils de Charles IX et de Marie Touchet – pour qui le roi a beaucoup d’affection.

Henri III se fait ausculter par des médecins, qui ne trouvent rien d’anormal. Il semble bien que le problème vienne de la reine : suite à sa fausse-couche, Louise de Lorraine a sans doute développé une infection de l’utérus – une métrite –  qui l’a rendue stérile. Malgré ce malheureux constat, pas une seule fois Henri III ne songe à faire annuler son union pour stérilité. Il semble, en effet, que l’infécondité ait rapproché le roi et son épouse, qui forme un couple uni. Celui-ci finit par se persuader que Dieu lui a refusé descendance, et se soumet, guider par sa foi.

Henri III et Louise de Lorraine : un couple uni (détail de l'une des huit "Tapisseries des Valois", XVIe siècle)
Henri III et Louise de Lorraine : un couple uni (détail de l’une des huit « Tapisseries des Valois », XVIe siècle)

Cependant, l’absence d’enfants – même de bâtards – et le fait qu’Henri III s’entourent de mignons jettent le trouble sur la personne du roi. On a déjà vu le souverain parer son épouse pour leur mariage. Ses contemporains constatent qu’il fait de même avec les hommes, tous d’une grande beauté, qui l’entourent. Le roi aime l’extravagance, porte la fraise et des boucles d’oreilles. A l’inverse, il n’apprécie pas la chasse, activité favorite de la noblesse. Son comportement fait de lui un roi efféminé et l’absence d’enfants est rejetée sur lui.

Bien qu’il soit impossible d’attester de l’homosexualité d’Henri III, il faut admettre que ses agissements et ses préférences contribuèrent à forger l’opinion de ses contemporains, qui le rendirent responsable de la stérilité de son union. La dynastie des Valois s’éteindra ainsi avec Henri III, le 2 aout 1589, lorsque le roi est assassiné par un moine fanatique, Jacques Clément. 

Bibliographie : 

Les reines de France au temps des Valois : les années sanglantes, par Simone Bertière 
–  Fêtes & Crimes à la Renaissance : la cour d’Henri III
, sous la direction de Pierre-Gilles Girault et Mathieu Mercier
 Naissance et petite enfance à la cour de France (Moyen-Age – XIXe siècle), sous la direction de Pascale Mormiche et Stanis Perez

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