Favorites Royales

Gabrielle d’Estrées, la presque reine

Jamais favorite ne fut aussi près de devenir reine de France ! Gabrielle naît entre 1571 et 1573. Son enfance est « endeuillée » par le départ de sa mère, Françoise de la Bourdaisière, qui s’enfuit avec son amant en laissant son mari avec ses sept enfants, lorsque Gabrielle n’a que 10 ans. La fillette est élevée par sa tante maternelle, Isabelle de Sourdis. Belle « comme une perle », elle se fait remarquer par Roger de Saint-Lary de Bellegarde, dont elle tombe amoureuse. Il est l’ami et le Grand Ecuyer d’Henri IV, à qui il décrit sa fiancée. Le roi, charmé  par la description de Gabrielle, veut la rencontrer et tombe fou amoureux de la jeune femme. Mais « le bel ange » se refuse au roi, qui a vingt ans de plus qu’elle, et demeure la maîtresse de Bellegarde. Gabrielle va jusqu’à dire au roi  – qui se montre insistant auprès d’elle – qu’elle ne l’aimera jamais. C’est son père qui lui fait comprendre les avantages d’être la maîtresse du roi. De son côté, Isabelle de Sourdis fait comprendre à sa nièce que Bellegarde ne tient pas véritablement à elle puisqu’il s’efface rapidement pour laisser la place au roi. Pour Gabrielle, devenir la favorite d’Henri IV serait l’occasion de se venger de son amant. Pour la dégager de la tutelle de son père, Antoine d’Estrées, le roi marie Gabrielle avec Nicolas d’Armeval, seigneur de Liancourt, en avril 1592. On ne sait pas exactement quand Gabrielle devient la maîtresse d’Henri IV, probablement entre 1591 et 1592. Cependant, le bel ange est toujours la maîtresse de Bellegarde, qui manque à plusieurs reprises d’être surpris par Henri dans le lit de sa maîtresse. Avec l’assassinat de sa mère, le 9 juin 1592, Gabrielle sombre dans un profond chagrin et s’engage pour de bon avec Henri IV.

Gabrielle d'Estrées en "Diane chasseresse", d'après Ambroise Dubois (XVIe siècle)
Gabrielle d’Estrées en « Diane chasseresse », d’après Ambroise Dubois (XVIe siècle)
 

Ce serait sur les conseils de sa favorite que le roi consent à se convertir à la religion catholique en 1593. Après la naissance du premier enfant que Gabrielle donne à Henri IV, le roi entreprend de faire annuler l’union de sa favorite pour « impuissance »  de l’époux. Nicolas d’Armeval, qui a eu des enfants d’un premier mariage, doit alors prétexter une chute de cheval qui l’aurait  empêché de pouvoir consommer sa seconde union. De son côté, Gabrielle prétend s’être mariée à la demande de son père, tout en  ignorant le problème physique de son mari. Le 24 décembre 1594, le bel ange est libre. Dans son testament, le seigneur de Liancourt avouera avoir menti, pour ne pas déplaire à son roi, et reviendra sur toutes les affirmations qu’il a  faites et qui ont abouti à l’annulation de son union avec la demoiselle d’Estrées. Malgré son rang de favorite royale, Gabrielle est toujours la maîtresse de Bellegarde. Certains murmurent même que le fils qu’elle met au monde en 1594 est le sien, et non celui du roi. Afin d’éloigner définitivement Bellegarde de Gabrielle, Henri IV lui fait épouser une certaine Anne de Bueil en 1596. Bientôt, le bel ange du souverain reçoit le titre de marquise de Monceaux. Après cette distinction, Henri IV entreprend de demander l’annulation de son propre mariage avec Marguerite de Valois.  Il se heurte au pape, Clément VIII, qui refuse d’accéder à la demande du roi si d’est pour qu’il épouse ensuite Gabrielle d’Estrées. Le souverain pontife consent à faire annuler le mariage d’Henri IV à la condition qu’il ne convole pas ensuite avec  sa maîtresse, qui deviendrait alors reine de France. Henri refuse le « chantage » de Clément VIII et poursuit sa liaison avec Gabrielle, que toute la cour surnomme « la presque reine ». Malgré toutes les attentions et les démonstrations amoureuses que lui témoigne Henri IV, la jeune femme n’est pas aimée du peuple car elle est la cause de nombreuses dépenses (robes, bijoux). Henri et Gabrielle auront trois enfants, tous légitimés par le roi :

– César de Bourbon (1594-1665), duc de Vendôme, marié à Françoise de Lorraine en 1609 (dont postérité)
– Catherine Henriette de Bourbon (1596-1663), Mademoiselle de Vendôme, mariée à Charles II de Lorraine en 1619 (dont postérité)
– Alexandre de Bourbon (1598-1629), chevalier de Vendôme, Grand prieur de de France de l’ordre de Malte (sans alliance)

Gabrielle d’Estrées et sa soeur, la duchesse de Villars, par l’Ecole de Fontainebleau (XVIe siècle)
Gabrielle d’Estrées et sa sœur, la duchesse de Villars, par l’Ecole de Fontainebleau (XVIe siècle)

Le couple voit déjà  en César le futur roi de France, qui deviendra dauphin une fois le mariage de ses parents prononcé. Quant à Marguerite de Valois, elle n’acceptera jamais que « la putain du roi » prenne sa place sur le trône de France. Imitant le pape, la reine consent à l’annulation de son mariage avec Henri IV si le roi épouse une princesse digne de son rang,  tandis que Gabrielle d’Estrées se comporte déjà comme la future souveraine. En 1595, Diane d’Andouins – première favorite d’Henri IV – revient à la cour pour recommander son fils au roi et se fait humilier par la favorite. En 1597, Henri installe son bel ange dans un hôtel relié au Louvre par un passage privé, qui permet aux amants de se voir régulièrement. En juillet, Gabrielle est faite duchesse de Beaufort. L’année suivante,  le roi laisse entrevoir à sa maîtresse l’idée d’un mariage entre eux mais entreprend secrètement des négociations avec l’Italie pour la main de la nièce du grand-duc de Toscane, Marie de Médicis… ce qui déplaît fort à Gabrielle lorsque celle-ci découvre le double jeu de son royal amant.

Au début de l’année 1599, le roi tombe malade et la duchesse de Beaufort le soigne avec tendresse. Il n’en faut pas plus à Henri IV pour déclarer qu’avec ou sans l’accord du pape, il épousera Gabrielle. Néanmoins, il trouve sage de quitter sa maîtresse durant la semaine Sainte. Le roi pense que ce geste fera revenir Clément VIII sur sa décision. Le mariage est prévu pour la Saint-Quasimodo. Avec beaucoup de peine et de noirs pressentiments, Gabrielle quitte Henri le 6 avril 1599 pour Paris, tandis que le roi demeure à Fontainebleau. La future reine est alors  enceinte de sept mois. A Paris, la duchesse de Beaufort retrouve l’une de ses sœurs, Diane d’Estrées, et rend visite à un banquier italien, du nom de Sébastien Zamet. Le 8 avril, Gabrielle dîne chez Zamet qui la traite en reine. Après avoir mangé un citron (ou une orange), la duchesse de Beaufort se sent mal et se rend compte qu’elle va accoucher prématurément. Prévenu, le roi ne se déplace pas, pensant qu’il est trop tôt. Le 9, Gabrielle est au plus mal, et les médecins doivent lui arracher du ventre un fils mort-né. Dans la nuit du 9 au 10, la jeune femme perd la vue et l’ouïe, avant d’être prise de convulsions qui la défigurent. Informé, Henri IV veut aller la retrouver mais on lui déconseille car Gabrielle est à l’agonie, méconnaissable. Elle meurt au matin du 10 avril sans avoir revu son amant.

Gabrielle d'Estrées, duchesse de Beaufort (anonyme, XVIIIe siècle)
Gabrielle d’Estrées, duchesse de Beaufort (anonyme, XVIIIe siècle)

Certains pensent alors que Gabrielle a été empoisonnée par le citron qu’elle a mangé, victime d’un complot mené par les conseillers du roi, qui la détestaient et qui entrevoyaient déjà des conséquences néfastes pour la France si Henri IV épousait sa maîtresse. Dans les rues de Paris, le peuple laisse exploser sa joie à l’annonce de la mort de la duchesse et les mauvaises langues murmurent que Gabrielle d’Estrées est morte pour avoir pactisé avec le diable. Dés qu’il apprend que sa fille est passée de vie à trépas,  Antoine d’Estrées s’empresse de  mettre la main sur tous les objets de valeurs de Gabrielle, tandis qu’Henri IV pleure son amour perdu. Ironie du sort, à l’annonce de son mariage avec le roi, Gabrielle avait dit  « Il n’y a plus que dieu et la mort du roi pour m’empêcher d’être reine de France » . 

Bibliographie :

– Favorites et dames de cœur : quand l’amour triomphe de la raison d’Etat, par Pascal Arnoux
– Henri IV, le passionné, par André Castelot
– Gabrielle d’Estrées, le grand amour d’Henri IV, par Michel de Decker

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