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Catherine-Charlotte de Gramont, petite maîtresse de Louis XIV

Fille du duc de Gramont, Antoine III (1604-1678) et de Françoise-Marguerite de Chivré (1608-1689), Catherine-Charlotte naît en 1639. Le père de l’enfant, d’issue de l’ancienne noblesse, est un personnage important à la cour. Maréchal de France, le duc de Gramont est également  Conseiller d’Etat depuis 1637. Quant son épouse, elle est une petite-cousine du cardinal de Richelieu. Catherine-Charlotte est élevée avec les nièces du cardinal de Mazarin, Premier ministre de Louis XIV. Elle devient une ravissante jeune femme cultivée, avec beaucoup d’esprit. Grâce à l’appui de Mazarin, le duc de Gramont parvient à unir sa fille au petit-fils et héritier d’Honoré II Grimaldi, prince de Monaco. Né en 1642, le jeune fiancé, Louis Grimaldi, est un garçon timide et ignorant des usages de la cour de France. Aussi, Catherine-Charlotte n’est pas des plus ravies lorsqu’elle l’épouse le 30 mars 1660, d’autant qu’il se murmure que la jeune femme lui aurait préféré son lointain cousin, le marquis de Puyguilhem et futur duc de Lauzun, amant de la Grande Mademoiselle. Par son mariage, Catherine-Charlotte devient duchesse de Valentinois. Cela ne change en rien l’opinion qu’elle a sur son mari, au sujet duquel elle dit :  « Je ne l’aime guère, il n’est point à la mode ».

Catherine-Charlotte de Gramont, par Pierre Mignard (1660)
Catherine-Charlotte de Gramont, par Pierre Mignard (1660)

Bientôt, Catherine-Charlotte prend des amants, dont Antoine de Caumont, marquis de Puyguilhem (1633-1723). A la cour, la duchesse de Valentinois est très proche de la jeune duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre. Mais dès l’année suivant son union, Louis Grimaldi exige que son épouse le rejoigne à Monaco. Le 10 janvier 1662, Honoré II s’éteint et le duc de Valentinois devient le prince souverain, sous le nom de Louis Ier. Catherine-Charlotte est désormais princesse de Monaco et se doit de donner des héritiers à la couronne. Elle accomplira fort bien son devoir en ayant six enfants :

– Antoine Ier (1661-1731), duc de Valentinois, épouse Marie de Lorraine, en 1688 (père de Louise-Hyppolite Grimaldi
– Jeanne Marie (1662- 1754), religieuse sous le nom de Sœur Louise-Marie-Thérèse à la Visitation (Monaco)
– Aurélie Thérèse Marie  (1663-1675), Mademoiselle de Baux (sans alliance)
– Anne Hyppolite (1667-1700), épouse  Jean-Charles de Crussol, duc d’Uzès, en 1696
– François Honoré (1669-1748), archevêque de Besançon
– Marie Thérèse Charlotte (?- 1738), religieuse à la Visitation (Monaco)

Louis Ier Grimaldi, prince de Monaco, par François de Troy (XVIIe siècle)
Louis Ier Grimaldi, prince de Monaco, par François de Troy (XVIIe siècle)

A Monaco, Catherine-Charlotte s’intéresse à la décoration intérieure du palais princier, en faisant construire un grand escalier, sur le modèle de celui de Fontainebleau, dans la cour d’honneur. Elle participe également à la fondation d’un couvent de visitandines où ses filles seront élevées. La princesse de Monaco revient à la cour de France en 1664, date à laquelle Henriette d’Angleterre la nomme surintendante de sa Maison. Au cours de l’été 1665, Catherine-Charlotte, alors âgée de 26 ans, est remarquée par Louis XIV. En effet, sa maîtresse officielle, Louise de  La Vallière, enceinte, a quitté la cour pour cacher sa grossesse. La beauté de la princesse de Monaco, que l’on dit « fraîche comme un sorbet » séduit le roi, qui en fait sa petite maîtresse. Roger de Bussy-Rabutin, un contemporain de l’époque, note au sujet du roi : « Quoiqu’il aimât passionnément Mlle de la Vallière, il se sentait épris quelquefois de la beauté de quelques dames, et était bien aisé de satisfaire son envie. C’est ainsi qu’il distingua la princesse de Monaco ». Celle-ci est surnommée « le Torrent » par les courtisans. Cependant, Catherine-Charlotte ne sera qu’une passade amoureuse pour Louis XIV, qui durera le temps de l’été. Le monarque l’oublie ensuite, retournant vers Louise de La Vallière. Témoin de l’aventure entre sa cousine et le roi, le duc de Lauzun en serait devenu jaloux. En 1666, cherchant à se venger de Catherine-Charlotte, qui lui avait préféré le roi, il marche délibérément sur l’une de ses mains, cachée par sa robe, alors que la princesse s’est accroupie un instant. La jeune femme, furieuse, s’en plaint à Louis XIV qui doit intervenir pour que la princesse de Monaco obtienne les excuses « feintes » du duc de Lauzun.

 
Catherine Charlotte de Gramont, princesse de Monaco, par l'Ecole française (vers 1670)
Catherine Charlotte de Gramont, princesse de Monaco, par l’Ecole française (vers 1670)

En 1669, le prince Louis Ier arrache sa femme à la cour de France pour l’emmener à Gênes, avant de rejoindre Monaco. L’année suivante, Catherine-Charlotte apprend le décès brutal de son amie, Henriette d’Angleterre. En 1672, la princesse rompt ouvertement d’avec Louis Grimaldi. Elle estime avoir fait son devoir en donnant naissance à de nombreux enfants et s’ennuie de Paris. Le prince de Monaco, trompé et rejeté par sa femme, noie son chagrin en multipliant les liaisons. Parmi ses maîtresses, on compte notamment la belle Hortense Mancini. Mais les aventures galantes de Louis Grimaldi  scandalisent bientôt la principauté de Monaco, l’époux bafoué dépensant des fortunes pour ses conquêtes. 

La princesse quitte Monaco en septembre 1672. De retour à Paris, Catherine-Charlotte se rapproche de la seconde épouse du duc d’Orléans, Elisabeth-Charlotte de Bavière (1652-1722). Avec le temps, les deux dames nouent des liens d’amitié. Philippe d’Orléans est, lui-aussi, charmé par l’esprit de la princesse de Monaco et se souvient avec plaisir de l’époque où elle était au service d’Henriette d’Angleterre. Il obtient que Catherine-Charlotte intègre la Maison de son épouse, en tant que première dame d’honneur, dès 1673. Avec sa nouvelle charge, la princesse occupe désormais un logement au Palais-Royal.  Le duc d’Orléans étant porté sur les hommes, Catherine-Charlotte entreprend alors de trouver un amant pour Elisabeth-Charlotte de Bavière. Mais Madame ne semble pas rechercher les plaisirs de la chair, et écriera au sujet de la princesse de Monaco : « [Elle] disait souvent qu’elle ne comprenait pas ma nature, puisque je ne m’intéressais ni aux femmes ni aux hommes. La nation allemande est apparemment plus froide que les autres »

Catherine Charlotte de Gramont, attribué à Charles Beaubrun (XVIIe siècle)
Catherine Charlotte de Gramont, attribué à Charles Beaubrun (XVIIe siècle)

Si tout semble sourire à Catherine-Charlotte, celle-ci tombe malade en 1675. Les médecins évoquent une phtisie (tuberculose pulmonaire) et ont recours à la traditionnelle saignée. La princesse ne se remet pas : elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, minée par ce qui se révèle être une tuberculose osseuse. Au fil des mois, Catherine-Charlotte ne parvient plus à remplir ses fonctions à la cour, en proie à de grandes douleurs autour des os. En 1678, la princesse met de l’ordre dans ses affaires, souhaitant être inhumée dans le caveau des Gramont. Bien que séparé d’elle depuis des années, le prince de Monaco vient la visiter, alors qu’elle se meurt.

Catherine-Charlotte décède au Palais-Royal, à Paris, le 4 juin 1678, à l’âge de 39 ans. Madame de Sévigné écrit à propos de ses derniers instants : « Mme de Monaco est partie de ce monde, avec une contrition fort équivoque et fort confondue avec la douleur d’une cruelle maladie. Elle a été défigurée avant que de mourir. Son dessèchement a été jusqu’à outrager la nature humaine par le dérangement de tous les traits de son visage. La pitié qu’elle faisait n’a jamais pu obliger personne de faire son éloge… ». Selon son souhait, Catherine-Charlotte de Gramont est inhumée au couvent des Capucines, à Paris, tandis que son cœur est porté à Monaco. Son décès entraîne « une révolution heureuse » dans la conduite de Louis Grimaldi, qui, sans doute frappé par la mort prématurée de son épouse, se consacrera désormais pleinement à sa principauté. 

Bibliographie 

Lettres de Madame de Sévigné, par Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
La saga des Grimaldi, par Jean des Cars
– Scandaleuses Princesses, par Philippe Delorme
Menton & Monaco, par Abel Rendu

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