Les enfants royaux

12. Marie-Zéphyrine, sœur de Louis XVI

Epouse du dauphin Louis-Ferdinand depuis février 1747, le premier devoir de la jeune Marie-Josèphe de Saxe, âgée de 16 ans, est de donner un fils à la dynastie des Bourbons. Après avoir fait deux fausses-couches en mars 1748 et janvier 1749, on commence à émettre des doutes quant au fait que la dauphine puisse mener une grossesse à terme.  Marie-Josèphe va prendre les eaux à Forges, et l’on « ne doute pas qu’elle devienne incessamment enceinte ». Lorsqu’il apparaît qu’une nouvelle grossesse se confirme, toutes les précautions sont prises pour que la princesse se ménage le plus possible.  A la cour de France, tout le monde attend la naissance d’un garçon pour assurer la dynastie, le dauphin étant fils unique.  Malgré les prières, Marie-Josèphe accouche d’une petite fille, le 26 aout 1750. La dauphine réalise de suite qu’il ne s’agit pas du garçon tant attendu, à voir le visage des personnes présentes. Si la naissance du premier-né de la dauphine donne lieu à quelques festivités, « cela n’a fait aucun mouvement de joie et de plaisir dans Paris ».  Titrée « la Petite Madame », la princesse est confiée à  la duchesse de Tallard (née Marie-Isabelle de Rohan), gouvernante des « Enfants de France ». Ondoyée à la naissance, elle reçoit le prénom de Marie-Zéphyrine ( en référence au Saint de son jour de naissance).  

En prévision de la naissance d’un petit duc de Bourgogne, Louis XV avait commandé à Charles-Joseph Natoire un tableau allégorique représentant l’enfant à venir. Trop confiant sur le sexe de l’enfant à naître, le peinture  commet l’imprudence de réaliser, avant la délivrance de la dauphine, un portrait allégorique où la déesse Junon (présidant aux accouchements) confie le fils du dauphin à l’Hymen, qui le présente à la France. Sur le tableau, le nouveau-né porte même le cordon bleu, réservé à l’héritier du trône. Après la naissance de la Petite Madame, Natoire doit retouche son tableau et faire disparaître ce symbole. Le duc de Luynes souligne que « on aperçoit encore quelque petit reste du cordon bleu qu’on lui avait mis ». Ce tableau est aujourd’hui exposé au château de Versailles et la trace du royal cordon bleu, effacé à la hâte, est d’ailleurs toujours visible.

"Allégorie de la naissance de Marie-Zéphyrine de France", par Charles-Joseph Natoire
« Allégorie de la naissance de Marie-Zéphyrine de France », par Charles-Joseph Natoire

La Petite Madame est bientôt rejointe par trois frères, les ducs de Bourgogne (1751), d’Aquitaine (1753) et de Berry (1754). Selon les témoins, Marie-Zéphyrine ressemble à sa mère « comme deux gouttes d’eau ». La dauphine compare sa fille, avec amusement, à un petit dragon : « Elle est fort petite et encore plus délicate, elle est fort laide, on dit qu’elle me ressemble comme deux gouttes d’eau, du reste fort volontaire et méchante, comme un petit dragon ». Les contemporains de Louis XV me mentionnent que rarement Marie-Zéphyrine dans leurs écrits. C’est principalement grâce aux lettres que Marie-Maximilienne de Silvestre (amie et lectrice de la dauphine) écrit à Maurice de Saxe (l’oncle de Marie-Josèphe) que nous connaissons quelques détails de la vie de la Petite Madame à la cour de Louis XV. Ainsi, en juin 1751, Mlle de Silvestre note « Madame a huit dents, elle est vive et jolie, se porte très bien et nous donne le meilleur espoir pour ce qui va suivre. » (une manière d’annoncer que la dauphine met au monde des enfants en bonne santé, celle-ci étant à nouveau enceinte). A travers la correspondance de sa lectrice, Marie-Josèphe apparaît comme une mère aimante, soucieuse de ses enfants. Ainsi, en septembre 1753, alors qu’elle vient d’accoucher pour la troisième fois, Marie-Josèphe « se fait une fête de faire apporter ses trois enfants sur son lit […] Elle a été comblée de caresses »

En février 1754, Marie-Zéphyrine « jouie de la plus parfaite des santés » et assiste parfois en public au dîner de la famille royale. C’est une enfant charmante et vive d’esprit, qui a très vite un penchant pour la danse. Elle s’entend particulièrement bien avec son frère, le duc de Bourgogne, d’un an plus jeune qu’elle. Un jour que la Petite Madame regarde avec envie le ruban rouge de la Toison d’or, présent destiné à un prince que Louis XV remet à l’ambassadeur d’Espagne, son frère veut lui faire cadeau de son propre ruban bleu du Saint-Esprit. 

Marie-Zéphyrine de France jouant avec son chien et un hochet, par Jean-Marc Nattier (1751)
Marie-Zéphyrine de France jouant avec son chien et un hochet, par Jean-Marc Nattier (1751)

En mai 1754, Mlle de Silvestre note tout de même que « sans perdre le sommeil et l’appétit, [Marie-Zéphyrine] a cessé de marcher et ne se soutient nullement sur ses jambes. Cela donne beaucoup d’inquiétude car, d’autant plus que les médecins ne disent pas positivement à quoi l’on peut attribuer un changement si prompt et si inquiétant. Cela est d’autant plus douloureux qu’il n’y a rien de plus intéressant et de plus spirituel que cette aimable et chère enfant ». La Petite Madame souffre peut-être d’un problème de croissance ou de l’arthrite juvénile. Les médecins se montrent impuissant face au mal dont elle souffre. On ignore si Marie-Maximilienne de Silvestre donne, par la suite, d’autres indications sur l’état de santé de la princesse. 

Marie-Zéphyrine est prise de convulsions le 30 aout 1755, victime d’une « courte maladie » d’après le duc de Luynes (sans doute une péritonite aiguë). Elle est baptisée en hâte le 1er septembre et décède quelques heures plus tard, le 2 septembre à minuit et demi, à Versailles. Le dauphin et la dauphine sont « accablés par la vive douleur ». La disparition de la princesse a également  dû marquer le jeune duc de Bourgogne, son fidèle compagnon de jeux. Le corps de Marie-Zéphyrine prend le chemin des Tuileries, le lendemain. Les funérailles de la Petite Madame se déroulent selon le même cérémonial que pour la fille aînée du dauphin, Marie-Thérèse de France, décédée en 1748. Marie-Zéphyrine est inhumée à Saint-Denis. Si elle est pleurée par sa famille, la princesse est vite oubliée des membres de la cour, puisque Marie-Josèphe de Saxe met au monde un quatrième garçon – le comte de Provence, futur Louis XVIII –  en novembre 1755. 

Bibliographie : 

Maurice Comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, Dauphine de France :  Lettres et documents inédits des Archives de Dresde (édition de 1867)
 Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV  volume 10 (1749-1750) et volume 14 (1755-1756)
La mère de Louis XVI, Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France, par Yvonne Brunel