Les enfants illégitimes de Louis XIV

09. Françoise-Marie, Mademoiselle de Blois

Dernière fille de la marquise de Montespan et du roi Louis XIV, Françoise-Marie naît le 4 mai 1677, au château de Maintenon, domaine de Françoise d’Aubigné. Celle-ci s’est occupée de ses frères et sœurs aînés mais, désormais marquise et châtelaine suite au bon plaisir du roi , la gouvernante des premiers enfants d’Athénaïs de Montespan refuse de prendre en charge la fillette, née d’un double adultère que Louis XIV, alors que s’était engagé à rompre avec sa favorite. Françoise-Marie est donc élevée par la marquise de Montchevreuil (née Marie Boucher d’Orsay) avec son frère Louis-Alexandre, né en 1678. Les deux derniers-nés de Mme de Montespan ne sont légitimés qu’en novembre 1681. Longtemps, leur mère a craint qu’ils ne soient pas reconnus par le roi, en raison de sa disgrâce. La fillette est titrée Mademoiselle de Blois, titre précédemment porté par Marie-Anne de Bourbon, une autre fille bâtarde du roi désormais princesse de Conti, et vit au château de Versailles avec ses frères et sœurs.

Mademoiselle de Blois, par Pierre Mignard, en 1685
Mademoiselle de Blois, par Pierre Mignard, en 1685

Dotée d’un caractère orgueilleux et fier, Françoise-Marie veut ce qu’il y a de mieux. Elle se montre  ravie lorsque le roi la fiance à son neveu, Philippe de Bourbon-Orléans, duc de Chartres (futur Régent) fils unique de Monsieur (frère de Louis XIV) et de la princesse Palatine. Ce n’est cependant pas un mariage d’amour : combien de fois met-on en garde la jeune fille, au sujet des nombreuses liaisons de son futur époux ! Ne cherchant qu’à s’élever, Mlle de Blois répond : « Peu m’importe qu’il m’aime pourvu qu’il m’épouse !« , bien consciente de contracter l’union la plus prestigieuse qui soit, en convolant avec un prince du sang.  Le mariage est célébré le 18 février 1692 à Versailles et donne à Françoise-Marie un rang supérieur à celui de sa sœur aînée, Louise-Françoise, devenue duchesse de Bourbon en 1685.

Françoise-Marie aime le jeu et les fêtes. Son caractère emporté la brouille souvent avec sa mère, la marquise de Montespan, et sa belle-mère, la duchesse d’Orléans, qui n’était pas favorable au mariage de son fils unique avec  une bâtarde. Envieuse de sa demi-sœur la princesse de Conti, qui a la préférence du roi, Françoise-Marie s’allie avec sa sœur Louise-Françoise pour critiquer sans cesse la fille aînée de Louis XIV.  Les bâtardes du roi, qui se disputent fréquemment la tendresse de leur père, jalousent bientôt la jeune Marie-Adélaïde de Savoie, qui arrive à la cour de Versailles en 1697, pour épouser le duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV. 

Françoise-Marie de Bourbon, par François de Troy (1692)
Françoise-Marie de Bourbon, par François de Troy (1692)

Bien que sachant son époux d’un naturel débauché, la jeune femme ne supporte qu’un temps d’être trompée et se plaint régulièrement au roi des infidélités du duc de Chartres : cela entraîne une violente dispute entre Louis XIV et Philippe d’Orléans, qui meurt peu de temps après d’une crise d’apoplexie. Son décès, survenue le 9 juin 1701, fait Françoise-Marie la nouvelle duchesse d’Orléans. Malgré un époux volage qu’elle n’aime guère, la duchesse est régulièrement enceinte mais ne met au monde que des filles, quand les maîtresses de Philippe accouchent de garçons.  La princesse Palatine, se désole de la situation dans l’une de ses nombreuses lettres : “C’est malheureux que tous les bâtards de mon fils soient des garçons et ses enfants légitimes des filles”. Malgré la naissance de huit enfants pour le couple d’Orléans, un seul sera de sexe masculin : 

– une fille (1693-1694), Mlle de Valois
– Marie-Louise-Elisabeth (1695-1719), Mlle d’Orléans, épouse Charles de Bourbon, duc de Berry en 1710 (sans postérité)
– Marie-Louise-Adélaïde (1698-1743), Mlle de Chartes,  Abbesse de Chelles
– Charlotte-Aglaé (1700-1761) Mlle de Valois, épouse François d’Este, duc de Modène en 1720 (dont postérité)
– Louis (1703-1752), duc de Chartres puis d’Orléans, épouse Augusta de Bade en 1724 (dont postérité)
– Louise-Elisabeth (1709-1742), Mlle de Montpensier, épouse Louis Ier de Bourbon-Espagne en  1722 (sans postérité)
Philippine-Elisabeth (1714-1734), Mlle de Beaujolais (sans alliance)
Louise-Diane (1716-1736), Mlle de Chartres, épouse Louis-François de Bourbon-Conti en 1732 (dont postérité)
 

La duchesse d'Orléans et son fils, par Pierre Gobert (vers 1713)
La duchesse d’Orléans et son fils, par Pierre Gobert (vers 1713)

En 1710, Françoise-Marie se brouille presque définitivement avec la duchesse de Bourbon, lorsque chacune des deux sœurs souhaite marier sa fille aînée au duc de Berry, dernier petit-fils légitime de Louis XIV. Dans cette lutte pour le parti prestigieux que représente le jeune Charles de Bourbon, la duchesse d’Orléans peut compter sur le soutien de la duchesse de Bourgogne, qui a l’oreille du roi.  C’est finalement Françoise-Marie qui voit sa fille devenir duchesse de Berry, le 6 juillet de cette année-là.

Si la duchesse d’Orléans se démène pour établir ses filles, les relations qu’elle a tissées avec elles sont désastreuses.  Leur naissance a été une déception et leur éducation a été négligée. La gouvernante à qui on les a confiées a vite été dépassée, ne trouvant aucun soutien auprès du duc et de la duchesse d’Orléans. La princesse Palatine note au sujet de ses petites-filles : “Ces enfants sont élevées d’une façon qui est un objet de dérision et de honte.” Les princesses termineront finalement leur éducation au couvent de Chaillot, où on espère que leur caractère orgueilleux sera atténué. La nouvelle duchesse de Berry reprochera toute sa vie à sa mère d’être le fruit d’un double adultère. Le duc de Saint-Simon rapporte : “On s’aperçut bientôt de son mépris d’être née d’une mère bâtarde, à laquelle elle devait tout, pour qui sa haine éclatait à tout moment”. Le duc d’Orléans, qui adore sa fille aînée, se montre plus en plus dur avec son épouse, uniquement pour être agréable à celle qui a sa préférence.

Philippe d’Orléans, par Jean Baptiste Santerre (1717) et Françoise-Marie de Bourbon, par Pierre Gobert (1700)
Philippe d’Orléans, par Jean Baptiste Santerre (1717) et Françoise-Marie de Bourbon, par Pierre Gobert (1700)

La mort de Louis XIV, en 1715, ne protège plus ses enfants légitimés de la colère des princes du sang. Le statut des frères de Françoise-Marie, le duc du Maine et le comte de Toulouse, est remis en cause. Épouse de celui qui est désormais le Régent de France, la duchesse d’Orléans se retrouve dans un camp opposé, tout comme Louise-Françoise, qui, veuve, défend les intérêts de son jeune fils, le prince de Condé. Désormais première dame de la cour, désabusée par le comportement scandaleux de ses filles, Françoise-Marie s’abandonne à l’oisiveté : « C’était la plus indolente et la plus indifférente des princesses. et elle était bien peu faites pour maintenir dans le devoir un débauché tel que le Régent ». Au XIXe siècle, l’écrivain Arsène Houssaye dressera de la duchesse un portrait peu flatteur : « Elle n’aimait que son lit et son miroir. Elle demeurait toujours couchée, c’était la plus altière et la plus paresseuse des femmes. Elle se levait pour aller à la messe et se faire belle ; mais dès qu’elle avait prié Dieu, elle se couchait sur un sofa d’où rien ne pouvait l’arracher ». Quant à Philippe d’Orléans, il surnomme son épouse « Madame Lucifer » et celle-ci, consciente de son caractère, convient « que ce nom ne lui déplaît pas ».

C’est une période trouble que celle de la transition entre les règnes de Louis XIV et de Louis XV. Le Régent est attaqué de partout, y compris par des membres de la cour. La duchesse douairière de Bourbon, sœur de Françoise-Marie, encourage ainsi la rumeur selon laquelle le duc d’Orléans entretient une relation incestueuse avec la duchesse de Berry Les bruits vont courir jusqu’à la mort de celle-ci, en 1719.  D’autres princesses d’Orléans vont également se comporter de manière scandaleuse : Mademoiselle de Valois devient la maîtresse du duc de Richelieu, avant qu’on ne la marie, en hâte, au duc de Modène. Quant à Mademoiselle de Montpensier, éphémère reine d’Espagne, elle sera renvoyée en France à cause de son comportement grossier. 

Louise-Françoise et Françoise-Marie de Bourbon, par l'atelier de Pierre Gobert (XVIIIe siècle)
Louise-Françoise et Françoise-Marie de Bourbon, par l’atelier de Pierre Gobert (XVIIIe siècle)

Françoise-Marie se retrouve veuve le 2 décembre 1723 et se réconcilie avec sa sœur aînée. Elle est, comme tous les enfants naturels de Louis XIV, fort bien avec le jeune Louis XV. A la mort de son époux, la duchesse d’Orléans se retire à Saint-Cloud. Lorsque son frère, le comte de Toulouse, annonce qu’il a secrètement épousé Marie-Victoire de Noailles, d’un rang inférieur au sien, Françoise-Marie tempête, comme le rapporte son contemporain, le juriste Mathieu Marais : « La cour a été bien surprise de cette déclaration [de mariage]. La duchesse d’Orléans est désespérée des malheurs de toute sa famille ». D’autres « malheurs » s’abattent encore sur elle, puisque la duchesse douairière d’Orléans perd tragiquement ses deux plus jeunes filles, âgées de 20 ans (la première de la variole, la seconde en couches). Après la disparition du Régent, Françoise-Marie avait également organisé de son fils avec la princesse Augusta de Bade. Mais la jeune duchesse meurt tragiquement en 1726, à cause de la négligence de sa belle-mère, qui tient absolument à ce qu’elle accouche à Versailles : déplacée alors qu’elle est en plein travail, l’épouse de Louis ne survit pas à son accouchement.  La jeune douairière voit alors son fils se retirer progressivement du monde et organise elle-même le mariage de son petit-fils, Louis-Philippe de Chartres, avec Louise-Henriette de Bourbon-Conti, petite-fille de sa sœur Louise-Françoise.  Brouillée avec ses frères depuis  la « querelle des princes » qui a suivi la mort de Louis XIV,  Françoise-Marie ne se montre pas à leurs obsèques, lorsqu’ils décèdent en 1736 et 1737. Dernière survivante des enfants naturels du Grand Roi, la duchesse douairière d’Orléans s’éteint à Saint-Cloud, le 1er février 1749 à l’âge –  avancé pour l’époque – de 71 ans. 

Françoise-Marie de Bourbon est l’arrière arrière grand-mère du roi des Français, Louis-Philippe Ier, par son fils Louis d’Orléans, mais également par sa fille, Charlotte-Aglaé. Alors qu’il n’est pas encore roi, Louis-Philippe d’Orléans confiera un jour à son secrétaire (Alexandre Dumas) : « Apprenez, Monsieur, que lorsqu’on ne descendrait d’un roi de France que par les bâtards, c’est encore un assez grand honneur pour que l’on s’en vante ».

Bibliographie : 

Les reine de France au temps des Bourbons : les Femmes du Roi-Soleil, par Simone Bertière
Les bâtards du Soleil, par Eve de Castro
Histoire des d’Orléans d’après les documents et mémoires légitimistes et orléanistes, par Théodore-Paul Gazeau de Vautibault
Madame de Montespan, par Jean-Christian Petitfils
Le Régent par Jean-Christian Petitfils 

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