Shoah : Ceux qui savaient, ceux qui pouvaient, ceux qui taisaient
Le magazine Historia consacre son mensuel aux silences qui ont entouré la Shoah, au cours de la Seconde Guerre Mondiale.
On a longtemps cru que l’extermination des Juifs avait été tenue secrète. En effet, il semble étonnant qu’aucune action n’ait été entreprise, pour arrêter ce massacre. L’hypothèse la plus vraisemblable était donc celle selon laquelle les nazis et le gouvernement d’Hitler avaient tenu leur programme d’anéantissement de tout un peuple secret. Simone Veil avouera elle-même « Je n’ai jamais entendu parler de chambre à gaz, de fours crématoires ou de mesures d’extermination ». Mais si certains ignorent ce qui se passe, de nombreuses archives prouvent aujourd’hui que les politiciens savaient mais qu’ils ont laissé faire, en choisissant de se taire…
Après avoir assassiné un grand nombre de Juifs, suite à la victoire de l’Allemagne sur la Pologne, Hitler décide, en 1942, de mettre en place un plan d’extermination à plus grande échelle, et qui laisse le moins de traces possibles, tout en permettant un véritable génocide. Ce sont six millions de Juifs qui vont être victimes de la barbarie nazie, dont 76 000 en France. Seuls 4 300 déportés de notre pays seront rescapés des « camps de la mort ».
Lorsque les soviétiques et les anglo-saxons libèrent les camps, ils sont choqués par ce qu’ils y trouvent : des « survivants » malades, à l’agonie, victimes de violences et de malnutrition. Certains soldats témoigneront avoir cru à des « mensonges de propagande » lorsqu’ils entendaient parler des atrocités commises sur les Juifs.
Les gouvernements des différentes nations ont-ils feint l’ignorance ? Et si oui, pourquoi ? On remarque qu’à l’époque, les crimes contre les Juifs, s’ils sont signalés par les médias, ne sont pas développés. Lors de certains rapports, on évite soigneusement d’employer le mot « juif » lorsque l’on évoque des crimes de guerre ou des assassinats.
En France, le gouvernement de Vichy va se rendre coupable de la déportation de milliers de Juifs afin de « donner des gages de bonne volonté » à l’Allemagne. Aussi, tout est fait pour que la population ignore le sort qui attend les personnes raflées et celles-ci pensent « être acheminées en Allemagne pour y travailler très dur » (Simone Veil). Le gouvernement a donc connaissance très tôt du sort réservé aux Juifs, comme en témoigne le diplomate et écrivain Paul Morand : « On dit à Vichy qu’ils [les Juifs] ont été gazés dans leurs baraquements » (octobre 1942). Après la guerre, les politiciens français jugés pour collaboration avec l’Allemagne nazie déclareront que leurs actions contre les « Juifs étrangers » n’avaient été commises que pour sauver les Français.
Du côté des Alliés, Winston Churchill parle, dès 1941 de « crime sans nom » pour dénoncer les actes des nazis, et écrit que « nul ne souffre plus cruellement que les Juifs ». Pourtant, le Premier ministre du Royaume-Uni ne peut intervenir seul et est tenu de rester dans « les limites du consensus d’un gouvernement en temps de guerre ». Car en effet, Churchill doit composer avec les américains, pour qui des actions de sauvetage du peuple Juif « sont impossibles sans nuire à l’effort de guerre des Alliés ». Si le président Roosevelt pense que le public ne croira pas ces atrocités, il est surtout persuadé que tout cela aurait un « effet désastreux sur le moral de la résistance européenne ». Il semble donc que les Alliés refusent de songer à sauver les Juifs, pour ne pas « détourner l’effort de guerre de ses priorités ». Historia revient sur les projets de bombardements des chambres à gaz soumis aux gouvernements Alliés , grâce aux rapports faits par de rares évadés des camps de concentration… projets qui ne se concrétiseront jamais.
Dès lors que les chefs d’État ne se préoccupent pas du sort fatal qui attend les Juifs, des anonymes – qui ont compris le but des déportations – vont prendre des risques pour sauver des Juifs. Découvrez ces « héros de l’ombre » qui se sont révoltés contre la collaboration de leur pays, en cachant des Juifs au péril de leur vie. Des actes de bravoure qui ont donné de l’espoir à ce peuple pourchassé et persécuté à travers l’Europe.
A la lumière de rapports, télégrammes, témoignages, il apparaît clairement que, si certains ont refusé de croire qu’un tel acte de barbarie puisse être commis, beaucoup avaient connaissance de la Shoah mais ce sont tus, par peur, indifférence ou manque de moyens/d’appuis pour agir…
mensuel N°902 / février 2022