Les enfants naturels de Louis XV

Ont-ils pour père le Bien-Aimé ?

Julie et Adélaïde Filleul : 

Marie-Françoise Julie Constance et Adélaïde Marie Emilie naissent en 1751 et 1761, officiellement d’Irène du Buisson de Longpré et de Charles-François Filleul. Leur mère est la maîtresse de Louis XV au début des années 1750 et le destin de sa fille aînée, Julie, a fait dire qu’elle devait avoir pour père Louis XV. En effet, en 1767, lorsqu’elle est âgée de 16 ans, Julie Filleul épouse François-Abel Poisson, marquis de Ménars et de Marigny, frère de la défunte marquise de Pompadour. Ce dernier a vingt-six années de plus que cette fiancée qu’il s’est choisie. Le marquis de Ménars se marie en effet très tardivement, après avoir refusé plusieurs beaux partis. Les contemporains avancent que le marquis ne pouvait vouloir s’allier à la fille d’un écuyer-conseiller secrétaire du roi, charge occupée par Charles-François Filleul :  « Cette Madame de Ménars est fort jolie et fort aimable, fille naturelle de Louis XV, et pour cela encore plus considérée par l’ancienne cour ». Ainsi, pour ses contemporains, si François-Abel Poisson a choisi de s’unir à Julie  Filleul, c’est qu’il la savait fille de Louis XV.  D’ailleurs, lors du baptême de Julie, son père légal était absent. Il n’en faut pas davantage pour attribuer la paternité de l’enfant au Bien-Aimé. Néanmoins, force est de constater que les arguments en faveur d’une filiation entre Louis XV et Julie Filleul sont minces. En épousant la jeune femme, François-Abel Poisson veut réaliser  le rêve de la défunte favorite du roi : unir sa famille à celle des Bourbon.  De cette union naît une fille en 1771, qui décède l’année suivante. Le couple n’aura pas d’autre enfant et se sépare. A sa mort en 1822, Julie Filleul est déjà oubliée de tous. Il ne semble pas que la famille royale se soit intéressée à elle, ce qui tend à montrer que la marquise de Ménars n’était pas la fille de Louis XV. 

Quant à Adélaïde Filleul, née en 1761, c’est tout naturellement sur le modèle de sa sœur aînée, que l’on a attribué sa naissance à l’œuvre du roi. Pourtant, la naissance de la seconde fille d’Irène du Buisson de Longpré coïncide avec la période de sa liaison avec le fermier général Etienne-Michel Bouret, à une époque où rien ne permet d’affirmer  qu’elle est encore la maîtresse de Louis XV. En effet, l’épouse de Charles-François Filleul collectionne les amants et a fait de son époux, « l’un des hommes les plus trompés du siècle ». Là encore, le père officiel est absent lors du baptême : « Par une inconcevable infortune, le sieur Filleul, comme toujours, était absent et le choix du parrain – un frère de M. Bouret – donna aux esprits malveillants l’occasion de méchamment gloser et de dire que l’enfant avait été tenue sur les fonds baptismaux par son oncle » . Ainsi, si Charles-François Filleul peut encore douter de sa paternité, celle-ci reviendrait davantage à Etienne-Michel Bouret, plutôt qu’au roi de France qui n’entretenait, à priori, plus de liaison avec Irène du Buisson de Longpré. En 1779, Adélaïde Filleul épouse Charles François, comte de Flahaut, maréchal de camps et intendant des jardins du roi.  Malheureuse dans son mariage, elle collectionne les amants dont Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. De cette liaison, naît un fils, Charles (1785-1870) que le comte de Flahaut reconnaît comme étant le sien. L’époux d’Adélaïde périt sur l’échafaud en 1793, tandis que celle-ci a fuit à l’étranger. Remariée en 1802 avec le baron José-Maria de Souza, Adélaïde publie plusieurs romans sous son nom d’épouse. Elle meurt en 1836.  Son fils unique, Charles de Flahaut, deviendra l’amant d’Hortense de Beauharnais – belle-fille de Napoléon Ier – dont il aura un enfant, le duc Charles Auguste de Morny. Ainsi, à défaut d’être liée au Bourbon, Adélaïde Filleul aura mêlé sa descendance à la famille de l’empereur des français. 

Julie Filleul et son époux, le marquis de Marigny, par Louis-Michel Van Loo (1769)
Julie Filleul et son époux, le marquis de Marigny, par Louis-Michel Van Loo (1769)

Marguerite Victoire Le Normant de Flaghac

Il est avéré que Marie-Louise O’ Murphy a donné une fille à Louis XV, Agathe-Louise de Saint-Antoine de Saint-André. Ce que l’on sait moins, c’est que Marguerite-Victoire, officiellement fille de Marie-Louise et de son deuxième époux, François Le Normand, comte de Flaghac, pourrait être, elle aussi, fille de Louis XV. En effet, Marie-Louise O’ Murphy épouse le comte de Flaghac en 1759. Cependant, la naissance de Marguerite-Victoire n’intervient que le 5 janvier 1768, après huit années de mariage stérile. Cette naissance tiendrait du miracle si Marie-Louise n’était pas redevenue la petite maîtresse du roi quelques temps avant de tomber enceinte.  En effet, il semblerait que Louis XV ait rappelé la jeune femme auprès de lui durant un temps, avant d’officialiser sa liaison avec la comtesse Du Barry, en 1768. Celle-ci devient d’ailleurs la maîtresse du roi alors que Marie-Louise se remet de ses couches. 

 Entre 1765 et 1768, on ne connaît pas de petite maîtresse à Louis XV, lequel se tourne de plus en plus vers la religion. Nostalgique, le monarque a très bien pu rappeler auprès de lui son ancienne maîtresse, qui est encore jeune. Argument en faveur d’un second enfant illégitime donné au roi par Marie-Louise : les dons du souverain à son ancienne maîtresse. Entre 1771 et 1772, la comtesse de Flaghac reçoit du roi 350.000 livres. Pourquoi Louis XV attend-il trois ans après la naissance de Marguerite-Victoire  pour faire des dons à sa mère ? Sans doute a-t-il voulu laisser passer le stade de la petite enfance, une période durant laquelle de nombreux enfants décèdent. Quoi qu’il en soit, François Le Normand reconnaît l’enfant comme étant le sien et il ne semble pas qu’il ait eu des doutes sur sa paternité. Ce qui peut expliquer pourquoi jusqu’à présent, les historiens ont tout naturellement considéré Marguerite-Victoire comme la fille légitime du comte de Flaghac. Après la mort de Louis XV, Marguerite-Victoire trouve un protecteur en la personne de l’Abbé Terray, ministre des finances et amant discret de sa mère. A sa mort en 1778, ce dernier lègue une forte somme d’argent à sa maîtresse mais également à Marguerite-Victoire : il est question de 120.000 livres « pour contribuer à son établissement ».

En 1786, la jeune fille épouse Jean-Didier Mesnard, comte de Chousy, capitaine au régiment Royal Navarre. Plusieurs gestes de la famille royale tendent à établir une filiation entre Marguerite-Victoire et Louis XV : tout d’abord, lorsque Louis XVI et les siens signent son contrat de mariage. Des années plus tard, sous la Restauration, Charles X lui fera verser une « indemnité annuelle » de 2.000 francs sur sa propre cassette. Cet acte venant d’un roi qui revient de l’exil, et qui a connu des privations, constitue une preuve assez solide de la royale naissance de Marguerite-Victoire. De son époux, celle-ci aura deux enfants : une fille morte jeune et un fils, Alfred-Louis (1792-1833). Lorsque, sous la Révolution, Paris n’est plus un lieu sûr pour les membre de la noblesse, Marguerite-Victoire suit sa mère au Havre, avec ses jeunes enfants. En 1793, son mari est arrêté par les révolutionnaires : Marguerite-Victoire s’en retourne alors à Paris pour y demander le divorce. Jean-Didier Mesnard sera exécuté le 18 mars 1794. En novembre de la même année, Marguerite-Victoire se remarie avec Constant Le Normant de Tournehem, qui prend en charge ses jeunes enfants.  De cette nouvelle union né un fils, Charles René Constant, baron de la Tournehem (1794-1860). La fin de la vie de Marguerite-Victoire est mal connue. On sait seulement qu’elle survécut à sa mère, décédée en décembre 1814. Peut-être est-elle morte en 1830, son inventaire après décès ayant été fait en juillet de cette année-là. 

A l’heure actuelle, seul le biographe de Marie-Louise O’ Murphy, Camille Pascal, s’est intéressé à la naissance de Marguerite-Victoire et en fait une bâtarde de Louis XV, non anoblie par la suite comme ses autres filles naturelles puisque officiellement fille d’un noble. Si Marguerite-Victoire a vraiment pour père Louis XV, le rêve de la marquise de Pompadour de voir sa famille liée à celle du roi s’est à moitié réalisé avec le mariage de Marguerite-Victoire et de Constant Le Normand de Tournehem. En effet, ce dernier était le fils naturel de Charles-Guillaume Le Normand, malheureux époux de la marquise de Pompadour. 

Bibliographie

– Le goût du roi : Louis XV et Marie-Louise O’ Murphy, par Camille Pascal
– Les bâtards de Louis XV et leur descendance, par Joseph Valynseele et Christophe Brun
–  Les enfants de Louis XV: descendance illégitime, par Henri Vrignault

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