Histoire des Reines

Marie-Thérèse d’Autriche, dans l’ombre du Roi-Soleil

Fille du roi d’Espagne Philippe IV et d’Elisabeth de France, Marie-Thérèse d’Autriche naît le 20 septembre 1638, à l’Escurial. Bien qu’elle soit le neuvième enfant du couple royal, sa naissance est dignement fêtée car les six infantes précédentes, et l’un de ses deux frères aînés, sont morts au berceau. Il ne reste alors comme héritier mâle que le prince des Asturies, Balthazar-Carlos, né en 1629. 

On peut s’étonner que la jeune infante d’Espagne, et sa tante maternelle Anne (épouse de Louis XIII), soient dites « d’Autriche ». Pour comprendre, il faut remonter au XVIe siècle : à la mort de Maximilien de Habsbourg, en 1519, l’empire d’Autriche revient à son petit-fils aîné, Charles. Mais ce dernier, que nous connaissons sous le nom de Charles Quint reçoit, également la couronne de l’Espagne qu’il tient de sa mère, Jeanne de Castille et d’Aragon. Face à l’importance du territoire dont il est à la tête, Charles Quint (1500-1558) cède ses états autrichiens à son frère cadet, Ferdinand de Habsbourg (1503-1564), lorsqu’il abdique en 1556. Son fils, Philippe II, conserve l’Espagne ainsi que les Pays-Bas espagnols.  Depuis, les princes et princesses  espagnols sont donc infants et infantes d’Espagne, mais portent le nom de la Maison d’Autriche, rappelant ainsi leurs racines. 

L'infante Marie-Thérèse, par Juan Bautista Mazo Martínez ( vers 1643)
L’infante Marie-Thérèse, par Juan Bautista Mazo Martínez (vers 1643)

Dès sa naissance, on envisage de marier Marie-Thérèse à son cousin, Louis Dieudonné (futur Louis XIV), dauphin de France. La reine Elisabeth, sœur du roi Louis XIII, rêve de voir sa fille régner sur son pays natal et enseigne à sa celle-ci que seule la couronne de France est digne d’elle. Cette mère aimante disparaît prématurément en octobre 1644. Marie-Thérèse se rapproche alors énormément de son père, à qui elle voue une véritable adoration. L’infante reçoit une éducation stricte à la cour de Madrid mais n’est pas privée d’affection et de divertissements : elle est entourée d’animaux de compagnie, de nains et participe aux cérémonies officielles aux côtés de son père.

En 1646  l’infant Balthazar-Carlos décède d’une pneumonie. Marie-Thérèse devient alors l’unique héritière de Philippe IV. Dès lors, il n’est plus question de la marier à un prince étranger qui rattacherait l’Espagne à son royaume. L’éducation de l’infante est alors très soignée, afin qu’elle puisse succéder à son père. Marie-Thérèse est donc une princesse très cultivée, ce que la postérité ne retiendra malheureusement pas. 

L'infante Marie-Thérèse, par Diego Vélasquez (vers 1652)
L’infante Marie-Thérèse, par Diego Vélasquez (vers 1652)

Dans l’espoir d’avoir un héritier mâle, Philippe IV se remarie en 1649 avec sa nièce, la princesse autrichienne Marie-Anne de Habsbourg, qui compte seulement quatre ans de plus que l’infante. Marie-Thérèse, qui demeure pour l’heure l’unique héritière du royaume d’Espagne, est toujours associée aux apparitions de son père, effaçant ainsi la nouvelle reine. L’infante s’entendra bien avec sa jeune belle-mère, jusqu’à que celle-ci donne enfin un fils à Philippe IV en 1657, après la naissance de la petite infante Marguerite-Thérèse en 1651, et qui a pour marraine sa demi-sœur aînée. Après la naissance de l’infant Philippe-Prosper, Marie-Thérèse est de nouveau une princesse à marier. Elle a alors de nombreux prétendants dont le duc de Savoie, le futur roi du Portugal Alphonse VI, ainsi que l’empereur Léopold Ier (frère de sa belle-mère). Mais depuis toujours, l’infante d’Espagne espère épouser son cousin Louis XIV, désormais roi de France. Depuis 1635, les deux pays sont en guerre. Une union entre les deux cousins mettrait fin au conflit et Marie-Thérèse apparaît alors comme un gage de paix. Après de longues négociations, le traité des Pyrénées est signé en novembre 1659, mettant fin au conflit et sellant l’union de Louis XIV avec l’infante. 

 Tandis que Louis XIV et sa suite font route vers Saint-Jean-de-Luz, où doit avoir lieu la cérémonie du mariage, Marie-Thérèse renonce solennellement à l’héritage de son père, le 2 juin 1660 . Le lendemain l’infante épouse Louis XIV par procuration, lequel est représenté par Don Luis de Haro. Le 9 juin, elle est unie au roi de France en l’église de Saint-Jean-de-Luz. Les adieux entre Marie-Thérèse et Philippe IV sont déchirants mais le roi d’Espagne insiste bien auprès de sa fille sur le fait qu’elle est désormais française,  avec ces termes : « Vous devez oublier que vous avez été infante pour vous souvenir seulement que vous êtes reine de France ». Marie-Thérèse ne rechigne pas lorsqu’elle doit laisser derrière elle sa suite espagnole mais elle demande à Louis XIV de pouvoir demeurer toujours auprès de lui. Cette requête ne doit pas être interprétée comme une soumission de la jeune reine mais comme un engagement qu’elle exige de son époux. Louis XIV tiendra cette promesse, emmenant son épouse lors de tous les déplacements de la cour. Le 26 août, la jeune reine fait son entrée dans Paris où elle est acclamée, le peuple français la voyant comme la princesse qui a permis de mettre fin à une longue guerre entre la France et l’Espagne.

Marie-Thérèse, tenant en sa main Notre-Dame de Paris, par Charles Beaubrun (1660)
Marie-Thérèse, tenant en sa main Notre-Dame de Paris, par Charles Beaubrun (1660)

Bien qu’Anne d’Autriche fasse tout pour faciliter l’intégration de sa nièce Marie-Thérèse au sein de la cour de France, la nouvelle reine ne s’habitue pas aux coutumes de son pays d’adoption : durant sa jeunesse, elle a vécu dans ses appartements privés, apparaissant peu en public et sans grande proximité avec les courtisans. En France, les souverains se mêlent aux membres de la cour, qui viennent baiser la main de la jeune reine (alors qu’en Espagne on avait à peine le droit d’effleurer sa robe). Cette proximité nouvelle dérange Marie-Thérèse qui trouve cela indigne de sa personne. Aux salons fréquentés par les courtisans, elle préfère sa chambre où elle se réfugie avec ses dames de chambre et ses naines. On en conclut trop vite que la reine ne s’intéresse pas la vie de cour et qu’elle est effacée. Le 1er novembre 1661, Marie-Thérèse met au monde un premier enfant, le dauphin Louis. Tout au long de sa grossesse, puis au cours de son accouchement, Louis XIV n’a cessé de se montrer attentionné envers son épouse. Dans le même temps en Espagne, l’infant Philippe-Prosper décède mais la reine, enceinte en même temps que Marie-Thérèse, donne naissance à un nouveau fils le 6 novembre 1661, l’infant Carlos.

En France, Louis XIV s’est rapproché de sa cousine et belle-sœur, Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans. Contrairement à Marie-Thérèse, la jeune princesse anglaise a été complètement préparée à vivre à la cour de France et n’ignore rien des coutumes françaises et de l’étiquette. La reine souffre de la proximité de son époux et de la duchesse d’Orléans et s’en plaint auprès d’Anne d’Autriche. Celle-ci sermonne Louis XIV, ce qui n’empêche pas ce dernier de continuer à voir sa belle-sœur régulièrement avant de tomber sous le charme de l’une de ses filles d’honneur, Louise de La Vallière. Cette jeune fille de 17 ans est la première d’une longue liste de maîtresses pour Louis XIV. La jeune reine ne comprend pas comment son mari peut lui préférer une autre femme. Elle a été élevée dans l’idée qu’elle était le parti le plus prestigieux d’Europe, a eu de nombreux prétendants et a été le gage de la paix entre la France et l’Espagne. Dans l’esprit de Marie-Thérèse, il est inconcevable que Louis XIV puisse être attiré par d’autres femmes, certes issues de la noblesse de cour mais de naissance inférieure à la sienne.

Louis XIV, Marie Thérèse d'Autriche et le Dauphin (anonyme, 1662)
Louis XIV, Marie Thérèse d’Autriche et le Dauphin (anonyme, 1662)

Malgré sa liaison avec Mlle de La Vallière, le roi rejoint Marie-Thérèse chaque soir et la reine lui donne régulièrement d’autres enfants après la naissance du dauphin. Hélas, tous décèdent en bas âge, à l’exception de l’aîné, victimes de la consanguinité ou de maladies infantiles :

 – Louis (1661-1711), dauphin de France (dit « Monseigneur »), épouse en 1680 Marie-Anne de Bavière 
– Anne-Elisabeth (née et morte en 1662)
– Marie-Anne (née et morte en 1664)
– Marie-Thérèse (1667-1672), la « Petite Madame »
– Philippe (1668-1671), duc d’Anjou
– Louis-François (né et mort en 1672), duc d’Anjou

Chaque décès de l’un de ses enfants est un déchirement pour Marie-Thérèse, qui ne trouve du réconfort que dans la religion. Elle voit dans la mort de ceux-ci un signe du ciel et se soumet, priant pour leurs âmes. Dans ces moments-là, Louis XIV joint ses larmes à celles de la reine avant d’aller retrouver sa maîtresse. Marie-Thérèse est à nouveau enceinte en 1675 mais fait une fausse-couche. Par la suite, plus aucune grossesse ne sera évoquée pour la reine, ce qui laisse penser à une ménopause précoce ou à une stérilité consécutive à sa fausse-couche. 

Anne d'Autriche (en Minerve)  la reine Marie-Thérèse (la paix), par Simon Renard de Saint André (1664)
Anne d’Autriche (en Minerve) la reine Marie-Thérèse (la paix), par Simon Renard de Saint André (1664)

Le 17 septembre 1665, le roi d’Espagne, Philippe IV, décède à l’âge de 60 ans, laissant le trône à un enfant chétif, Charles II, âgé de 4 ans. Anne d’Autriche, minée par un cancer du sein, ne tarde pas à suivre son frère dans la tombe : la reine mère s’éteint le 20 janvier 1666, laissant Marie-Thérèse privée de son principal soutien à la cour. Même si la disparition d’Anne d’Autriche afflige énormément la jeune reine, elle lui permet d’occuper seule la première place auprès du roi : en effet, jusqu’à sa mort, la mère de Louis XIV était considérée comme la véritable reine de France, bien que Marie-Thérèse ait la préséance sur elle. Mais, respectueuse et reconnaissante, la reine s’est effacée volontiers au profit de sa tante et, si dans les cérémonies officielles Marie-Thérèse occupait la première place, elle s’inclinait en coulisse face à Anne d’Autriche si bien que les courtisans continuaient de s’adresser à la reine-mère, et non à l’épouse de Louis XIV, pour leurs requêtes. Avec la disparition d’Anne d’Autriche, Marie-Thérèse devient la seule souveraine du royaume.

En 1667, la guerre de Dévolution éclate entre la France et l’Espagne : en effet, Louis XIV revendique des territoires espagnols car la dot de Marie-Thérèse n’a pas été réglée. Or, la renonciation de l’Infante à ses droits sur l’héritage de son père, n’était valide que si la dot était intégralement versée ! De plus, l’Espagne possède des territoires dans le Brabant et, selon le « droit de dévolution », seuls les enfants nés du premier mariage peuvent en hériter : Marie-Thérèse est donc, légalement, la seule héritière de ces territoires, ce que conteste, naturellement, la mère et régente de son demi-frère, le petit Charles II.  Dans cette guerre contre son pays natal, Marie-Thérèse approuve Louis XIV, obéissant ainsi à la promesse faite à son père lors de son mariage : se consacrer entièrement à sa position de reine de France, quitte à oublier qu’elle fut infante d’Espagne.

La reine Marie-Thérèse et le dauphin, par Charles Beaubrun (vers 1665)
La reine Marie-Thérèse et le dauphin, par Charles Beaubrun (vers 1665)

Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 2 mai 1668, met fin au conflit, célébrant la puissance de Louis XIV qui y gagne une douzaine de villes flamandes. Si la reine est fière des conquêtes faites en son nom, elle ignore encore que le roi a fait de la marquise de Montespan, l’une de ses  dames d’honneur, sa nouvelle maîtresse. Bientôt elle doit partager jusqu’à son propre carrosse avec Mlle de La Vallière, favorite officielle, et Athénaïs de Montespan, nouvelle conquête de Louis XIV, qui va régner sur le cœur du monarque durant près de douze ans. A ses maîtresses, le roi fait des enfants qui sont d’abord tenus à l’écart de la cour et élevés dans l’ombre. Vient ensuite le temps de leur légitimation, ce qui ne choque pas Marie-Thérèse : en Espagne, celle-ci a été habituée à ce que les souverains, à l’exemple de son père, aient des bâtards. Ce qui la perturbe davantage, c’est que Louis XIV partage son amour entre sa famille légitime et celle qu’il forme avec ses enfants naturels et leurs mères. 

A la cour, un grand nombre de courtisans reproche à Marie-Thérèse de ne pas participer activement à la distribution des grâces et des faveurs royales. C’est un rôle qu’elle laisse volontiers à son époux mais qui la fait passer pour une souveraine faible et totalement soumise, n’osant aller contre la volonté de son mari. Or, la reine s’est faite entendre plusieurs fois lorsque Louis XIV avait un avis contraire au sien : quand, en 1670, la cousine du roi, la Grande Mademoiselle, demande la permission d’épouser le duc de Lauzun, Marie-Thérèse s’interpose alors que le roi allait donner son consentement : la fille de Philippe IV tient a ce que l’image de la famille royale ne se pas entachée par un mariage entre une princesse et un gentilhomme, qui ferait rire toute l’Europe. Dans cette affaire, elle n’hésite pas à s’entourer de nobles et de princes opposés à l’union que souhaite la Grande Mademoiselle, affichant clairement sa désapprobation. Face à tant d’oppositions et sans le soutien de son épouse, Louis XIV plie et revient sur la promesse faite à sa cousine. En 1673, la reine lutte également pour conserver auprès d’elle l’une des dames de sa suite espagnole : alors que Louis XIV décide du renvoi de toutes celles qui ont accompagné Marie-Thérèse en France, la souveraine demander à la marquise de Montespan de l’aider à ce qu’une certaine Felipa Abarca demeure à la cour (celle-ci est l’épouse d’un français mais également la demi-sœur bâtarde de la reine). Il ne faut pas voir le geste de Marie-Thérèse comme rabaissant pour elle : si elle cherche l’appui de la favorite contre Louis XIV, c’est parce qu’elle sait que sa cause est juste. Devant son épouse et sa maîtresse, le roi cède une nouvelle fois. Ces exemples nous montrent que Marie-Thérèse respecte généralement les décisions du roi en bonne épouse, mais qu’elle sait également s’opposer et rassembler autour d’elle des appuis de taille lorsqu’elle considère que le roi prend une décision injuste ou indigne de leurs royales personnes.

« Le triomphe du bonheur et de la gloire en France » (anonyme, 1667) : sur cette gravure, la reine apparaît enceinte
« Le triomphe du bonheur et de la gloire en France » (anonyme, 1667) : sur cette gravure, la reine apparaît enceinte

Si Louis XIV n’admet pas son épouse lors de ses Conseils avec ses ministres, il connaît les capacités de celle-ci, Marie-Thérèse ayant été préparée à régner sur l’Espagne. Aussi, lorsque le monarque s’absente en temps de guerre – et bien qu’il n’utilise pas le mot de « régente »- il laisse la reine à la tête de son Conseil, et celle-ci est amenée à signer des actes, au nom de Louis XIV. Dans le document par lequel le roi confie temporairement les affaires de l’Etat à son épouse, Louis XIV note qu’il a une « entière confiance » en Marie-Thérèse  : « Nous l’établissons pour représenter notre personne en toute l’étendue de notre royaume, pays et terres de notre obéissance pendant le temps que nous serons absent ». La reine semble s’acquitter  parfaitement de sa mission, puisque son époux renouvelle cette marque de confiance à plusieurs reprises : ainsi, pendant les campagnes militaires, entre 1667 et 1677, Marie-Thérèse préside au Conseil du roi et reçoit les ambassadeurs.  Louis XIV honore son épouse et le rôle qu’elle joue en tant que reine et en tant que princesse perpétuant la dynastie des Bourbon : sur la gravure « Le triomphe du bonheur et de la gloire en France » (ci-dessus), Marie-Thérèse est représentée aux côtés du roi et du dauphin : elle est ainsi associée au triomphe du monarque. Le ventre arrondi arrondi de la reine annonce une prochaine grossesse et renvoie à la fertilité de la souveraine. 

Après que Louis XIV ait renoncé à la marquise de Montespan, la reine se rapproche de celle-ci, qui est devenue surintendante de sa maison, en 1679. Marie-Thérèse espère profiter davantage de son époux mais ce dernier passe de plus en plus de temps avec Mme de Maintenon  – ancienne gouvernante des enfants naturels qu’il a eus de Mme de Montespan – dont Marie-Thérèse se méfie. Lorsque Louis XIV revient vers elle, la reine n’est dupe qu’à moitié : influencé par Mme de Maintenon, le roi se montre plus attentionné avec son épouse mais ne lui accorde pas davantage de sentiments qu’autrefois. Il a un profond respect pour elle mais il n’est pas question d’autre chose que d’amitié pour le monarque. Lorsqu’il est question du mariage du dauphin, Marie-Thérèse ne cache pas son souhait qu’il convole avec la princesse autrichienne Maria-Antonia de Habsbourg, fille de sa demi-sœur l’impératrice Marguerite-Thérèse. C’est finalement une autre de ses cousines que le dauphin épouse : Marie-Anne-Christine de Bavière. Très vite, la reine devient jalouse de sa belle-fille, jugeant que les festivités données pour son mariage, puis pour la naissance de son fils en 1682, sont moins grandioses que ce que l’on a fait pour elle. Les membres de la cour entourent désormais davantage la dauphine – leur future reine – que Marie-Thérèse et celle-ci admet avec beaucoup de difficultés qu’après ses maîtresses, Louis XIV consacre maintenant beaucoup de temps à sa belle-fille. 

Marie-Thérèse d'Autriche, par Jean Nocret (XVIIe siècle)
Marie-Thérèse d’Autriche, par Jean Nocret (XVIIIe siècle)

Le 26 juillet 1683, la reine est incommodée par un abcès sous l’aisselle gauche. Son premier médecin, Fagon, parle d’une tumeur mais ne semble pas inquiet : une saignée et un emplâtre guériront la malade. Mais alors que Marie-Thérèse est prise par la fièvre et que son abcès se colore « d’une manière pourpre », Fagon et d’Aquin (premier médecin du roi) tiennent à pratiquer une nouvelle saignée, contre l’avis du chirurgien Gervais, qui n’est pas écouté. Saignée une seconde fois, et soulagée avec de (trop ?) fortes doses d’émétique, la reine décède à Versailles, le 30 juillet, à l’âge de 44 ans, probablement d’une septicémie. La mort soudaine de Marie-Thérèse surprend tout le monde et il est certain que son trépas aurait pu être évité, si l’on avait tenu compte de l’avis de son chirurgien : Marie-Thérèse meurt à cause de l’ignorance et de la maladresse des médecins qui, aux dires de la princesse Palatine, « ont fait périr la reine comme s’ils lui avaient passé l’épée au travers du cœur ». Lorsque l’on prévient Louis XIV de la mort de son épouse, celui-ci répond : « C’est le premier chagrin qu’elle m’ait causé. Le ciel me l’avait donnée comme il me la fallait, jamais elle ne m’a dit non. » Il ne faut pas voir ici de l’indifférence ou un détachement de la part du roi face à la disparition de Marie-Thérèse car tous les témoins affirment que Louis XIV est affligé de la perte de la reine, au point de rester trois jours enfermé à Saint-Cloud, chez Monsieur, sans recevoir personne. La duchesse d’Orléans est également peinée de la disparition de Marie-Thérèse, « car dans tous mes chagrins la bonne reine m’a témoigné la plus grande amitié du monde ». Le 2 août, le cœur de la reine est déposé au Val-de-Grâce tandis que son corps rejoint la crypte de Saint-Denis, le 10 août. 

Née infante d’Espagne, Marie-Thérèse a su devenir tout à fait français et se conformer à son rôle principal en donnant un héritier à la couronne. Mais au final, même en se pliant à tout ce que l’on attendait d’elle, la reine a toujours souffert du même mal : ne pas être la favorite ! Son père lui a rapidement préféré sa jeune demi-sœur et son époux ses nombreuses maîtresses. Au moment où elle aurait pu s’affirmer au château de Versailles, où la cour venait de se fixer pour de bon, la mort l’en a empêchée.

Pour en savoir plus : Louis XIV et les reines de cœur  

Bibliographie :

Les reines de France au temps des Bourbons : les Femmes du Roi-Soleil, par Simone Bertière  
Marie-Thérèse d’Autriche : épouse de Louis XIV, par Joëlle Chevé
Madame Louis XIV, par Bruno Cortequisse
– Donner vie au royaume : grossesses et maternités à la cour (XVIIe – XVIIIe siècle), par Pascale Mormiche