Marie-Thérèse-Raphaëlle de Bourbon-Espagne, belle-fille de Louis XV
Marie-Thérèse-Raphaëlle de Bourbon-Espagne naît le 11 juin 1726 à Madrid. Elle est la seconde fille du roi d’Espagne Philippe V et d’Elisabeth Farnèse. Philippe V, petit-fils de Louis XIV, tient à maintenir une bonne entente avec la France. Aussi, sa fille aînée Marie-Anne-Victoire, était jadis fiancée au roi Louis XV. Mais, âgée de huit ans de moins que le roi de France, celle que l’on surnommait « l’Infante Reine » était incapable de donner rapidement un héritier à la couronne. Aussi, elle avait finalement été remplacée par la princesse polonaise Marie Leszczynska. Le projet d’une alliance entre la France et l’Espagne avait ainsi échoué en 1725. Cependant, dès 1738, il est de nouveau question d’un mariage entre les deux royaumes. En 1739, lorsque la fille aînée de Louis XV se voit mariée à un Infant d’Espagne, Don Philippe (1720-1765), c’est tout naturellement que Philippe V propose à Louis XV une double alliance, en unissant sa seconde fille au dauphin de France, Louis-Ferdinand (né en 1729). Cette union est toutefois différée, le futur époux n’ayant alors que 10 ans. La jeune Infante reçoit cependant de son fiancé une lettre et un dessin, fait de sa main. Dans l’attente de son union avec l’héritier du trône de France, Marie-Thérèse-Raphaëlle reçoit la meilleure des éducations, afin de pouvoir assumer la tâche qui va être la sienne. N’oublions pas qu’elle est la fille d’Elisabeth Farnèse, une reine qui « gouverne dans le grand » d’après un contemporain. Le futur mariage entre le dauphin et l’Infante est finalement conclu en septembre 1743. Pour Philippe V, cette union est l’occasion de renouer avec le trône de France, auquel il a dû renoncer en 1700 au profit de la couronne d’Espagne, et qui a échappé à sa fille aînée en 1725.
De la future dauphine, on sait qu’elle a « beaucoup d’esprit, qu’elle sait plusieurs langues, et qu’on lui a donné une éducation au dessus de son sexe […], elle est haute avec dignité ». Si l’éducation de la princesse est parfaite, physiquement, Marie-Thérèse-Raphaëlle n’est pas jugée comme étant d’une grande beauté, desservie par « son nez, qui est grand et peu agréable ». En rencontrant sa future belle-fille, Louis XV découvre également que celle-ci est rousse, une particularité peu appréciée à l’époque, et que l’ambassadeur espagnol a volontairement cachée lors des négociations. La mode étant aux cheveux blonds, Marie-Thérèse-Raphaëlle sera toujours représentée blonde sur ses portraits. Cependant, l’apparence physique de l’Infante ne semble pas déplaire au dauphin.
Le mariage est célébré le 23 février 1745 dans la chapelle royale de Versailles. S’en suit une fête grandiose, comme au temps du Roi-Soleil. Les festivités durent une semaine. C’est d’ailleurs lors d’un bal que Louis XV, déguisé en if, courtise Madame d’Etiolles, future marquise de Pompadour. Si le roi s’amuse lors de ces réjouissances, et rappelle à toute l’Europe la grandeur de la France, la nouvelle dauphine montre vite son aversion pour les divertissements tels que les bals masqués, le théâtre ou l’opéra. Louis-Ferdinand ne peut lui en vouloir : contrairement à son royal père, il n’apprécie pas les mondanités données pour le plaisir des courtisans. Dès lors, entre les deux futurs époux, c’est le coup de foudre. Le couple princier délaisse rapidement toutes sortes de divertissements pour se réfugier dans des lectures pieuses. Dans ses appartements, Marie-Thérèse-Raphaëlle fait la lecture au dauphin, converse avec lui ou joue du clavecin. Il semble que le dauphin soit ravi d’avoir une épouse un peu plus âgée que lui, qui a reçu une éducation de future souveraine. Le duc de Luynes note que , pour l’héritier du trône, « le plaisir d’être avec Madame la Dauphine l’emporte sur tout autre ».
Quelques mois plus tard, le dauphin, âgé de 16 ans, accompagne Louis XV dans les Flandres. La dauphine peine à laisser partir son époux et partage son angoisse avec la reine et les sœurs de Louis-Ferdinand. La France est alors engagée dans la guerre de Succession d’Autriche et une bataille est livrée le 11 mai à Fontenoy. Celle-ci est gagnée par les français et le dauphin peut écrire à sa mère : « Je vous fais de tout mon cœur mon accomplissement sur la bataille que le roi vient de gagner […] Je vous supplie de vouloir bien embrasser ma femme et mes sœurs ». Le dauphin semble réellement épris de son épouse : « Ces deux cœurs enfantins s’étaient naïvement donnés l’un à l’autre […] ils songeaient ensemble à l’avenir, avec le sérieux précoce des enfants royaux ; ils se préparaient gravement à régner, à supporter, unis tous deux, le lourd fardeau du pouvoir ».
Hélas, Marie-Thérèse-Raphaëlle n’a pas réussi à charmer toute la cour : elle est d’un naturel timide et préfère ne pas parler, de peur de commettre un impair. Mais ses silences passent pour de la dureté aux yeux des courtisans. Le duc de Luynes témoigne : « Elle voit tant de monde et en connaît si peu, qu’elle craint peut-être de parler mal à propos […] elle néglige un peu trop les marques de bontés et d’attention à donner à ceux qui lui font leur cour ». A la décharge de la dauphine, il est d’usage en Espagne que les membres de la famille royale semblent inaccessibles. C’est donc tout naturellement que la princesse se met en retrait, sans se rendre compte que les codes de Versailles ne sont pas ceux de la cour de Madrid. Confinée dans ses appartements, entre le dauphin et ses femmes de chambre, l’absence de Marie-Thérèse-Raphaëlle aux jeux ou à l’opéra la dessert auprès de Louis XV, qui ne comprend pas le comportement de sa belle-fille. L’ambassadeur d’Espagne témoigne : « Le roi lui a marqué beaucoup d’amitié et l’a exhortée à lui parler à cœur ouvert et avec confiance. Elle a beaucoup de peine à prendre ce ton de confiance et d’ouverture avec le roi. Elle dit que sa timidité l’empêche totalement de lui parler ». Marie-Thérèse-Raphaëlle est d’autant moins disposée à se confier à Louis XV qu’elle désapprouve sa conduite : en effet, la dauphine a été élevée dans la religion et avec des principes, suivant le modèle de son père, qui fait de la fidélité un dogme familial. Dès lors, la jeune princesse très pieuse ne comprend pas comment le roi peut avoir des maîtresses et ne plus communier avec la reine. Le dauphin, qui supporte mal les humiliations que les favorites de Louis XV font subir à sa mère, ne peut que donner raison à son épouse.
Si Marie-Thérèse-Raphaëlle peine a nouer des liens avec le roi, elle se fait rapidement une place parmi les autres membres de sa famille d’adoption : la reine réunit régulièrement ses enfants dans ses appartements et témoigne de l’amitié à sa jeune bru, ce que font également les sœurs de Louis-Ferdinand. Bientôt, la dauphine dira aimer Marie Leszczynska « autant que la reine sa mère ».
Outre le fait qu’elle s’acclimate mal à la cour de France, Marie-Thérèse-Raphaëlle connaît un problème d’ordre intime : après plusieurs mois de mariage, celui-ci n’est toujours pas consommé, malgré l’affection que se porte les deux époux. Dès lors, des bruits courent sur l’éventuelle impuissance du dauphin, unique héritier du trône. Or, la première mission de la dauphine est de donner un héritier mâle à la couronne. Heureusement pour le couple princier, l’union est consommée en septembre 1745 et toute la cour attend désormais l’annonce d’une grossesse. Après cette « victoire », Louis-Ferdinand et son épouse semblent plus soudés que jamais : « Tous les jours qu’il ne va point à la chasse, le dauphin dîne avec Mme la dauphine ; ils paraissent vivre tous deux dans la plus grande union et M. le dauphin est le seul en qui Mme la dauphine ait une confiance entière ».
A la fin de l’année 1745, Marie-Thérèse-Raphaëlle est enceinte. La naissance est prévue pour le début du mois de juillet. Mais l’enfant tard à venir et cela agace le roi, qui doit demeurer à Versailles pour assister à l’accouchement… alors qu’il aimerait s’en aller retrouver sa favorite : « Il commence à s’ennuyer beaucoup de ce qu’elle [la dauphine] n’accouche point ; il disait il y a quelques jours qu’il aimerait mieux qu’elle n’accouchât que d’une fille et ce que fût pour tout de suite ». Le 18 juillet 1746, on apprend la mort du roi d’Espagne, survenue le 9 du mois. Louis XV ordonne que la nouvelle du décès de Philippe V ne soit pas communiquée à la dauphine, craignant d’éventuelles complications pour la fin de sa grossesse.
Le 19 juillet, Marie-Thérèse-Raphaëlle met au monde une fille. Pour le roi, et toute la cour, c’est une déception. En revanche, Louis-Ferdinand ne semble pas attristé de ne pas avoir eu de fils et se montre attentionné envers son épouse, qui se remet difficilement. En effet, suite à l’accouchement, la dauphine a quelques malaises, mais le 22 juillet, elle est au plus mal et demande à se confesser. Elle décède quelques heures plus tard, à l’âge de 20 ans. Pour expliquer cette mort brutale, les médecins émettent l’hypothèse d’une brusque montée de lait, qui aurait étouffé Marie-Thérèse-Raphaëlle. Louis-Ferdinand éprouve un vif chagrin face à la perte de son Infante d’Espagne : « La tendresse que le Dauphin avait pour son épouse n’avait pas de bornes : la douleur qu’il ressentit de sa perte, fut extrême ». Afin de lui rendre hommage, il choisit de donner le prénom de Marie-Thérèse à leur fille. Veuf à 17 ans, Louis-Ferdinand est plongé dans une grande souffrance et est incapable de se consoler, d’autant qu’il sait que, pour le bien du royaume, il doit à nouveau se marier : « La douleur du dauphin fut amère, plus amère encore lorsque, par raison d’Etat, il lui fallu la cacher, et se marier de nouveau pour assurer des héritiers à la couronne ».
Bien que son union avec Marie-Thérèse-Raphaëlle fut brève, le dauphin montrera encore son attachement à sa première épouse lors de sa propre mort, en 1765 : peu avant de rendre l’âme il demandera à ce que son cœur soit placé auprès du cercueil de l’Infante d’Espagne, qu’il avait épousée vingt ans plus tôt.
Article associé :
– Deux princesses pour un portrait
Bibliographie :
– Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV volumes 7 à 9
– Le Correspondant : recueil périodique volume 107
– Vie du dauphin, père de Louis XVI, par Mgr. L’Abbé Proyart
– Les reines de France au temps des Bourbons : la reine et la favorite par Simone Bertière
– La France sous Louis XV (1715-1774) par Alphonse Jobez