Marie Leszczynska, épouse discrète de Louis XV
Seconde fille de Stanislas Ier Leszczynski et de Catherina Opalinska, Marie Catherine Sophie Félicité naît le 23 juin 1703 en Pologne. Marie Leszczynska n’a que 6 ans lorsque Stanislas Ier perd la couronne de Pologne, au profit d’Auguste III. En 1717, Anne Leszczynska, sœur aînée de Marie, meurt à l’âge de 18 ans, laissant une sœur et une mère inconsolables. La princesse de Pologne se réfugie à Strasbourg en 1720 avec ses parents, grâce au soutien du Régent, Philippe d’Orléans. Marie est une princesse instruite : elle connaît le latin, parle plusieurs langues – dont le français – et a reçu l’enseignement de la musique, du chant et de l’histoire.
En 1723, le Régent meurt laissant le duc de Bourbon, cousin du jeune Louis XV, au pouvoir. Ce dernier, devenu Premier ministre, annule le mariage prévu entre le roi de France et l’infante Marie-Anne-Victoire d’Espagne. En effet, Louis XV et la fille du roi d’Espagne ont huit ans d’écart. La petite Marie-Anne-Victoire est encore une enfant, trop jeune pour se marier et pour donner des enfants au roi. Or, la France n’a pas le temps d’attendre que la fiancée de Louis XV ait atteint l’âge de la puberté : Louis XV n’a pas de frère, il est le seul héritier direct de Louis XIV et présente une santé fragile. Il faut qu’il ait sans attendre des héritiers pour assurer la dynastie. L’infante renvoyée, la France cherche une nouvelle princesse à donner en mariage au roi. Marie Leszczynska est retenue et épouse Louis XV le 5 septembre 1725. Son époux a sept ans de moins qu’elle. Bien qu’elle soit la fille d’un roi sans couronne et qu’elle n’apporte pas une dot importante à la France, Marie a bien des atouts qui lui font vite gagner la sympathie du peuple français : elle est dénuée d’ambition, dotée d’une grande bonté et d’une profonde religiosité, sans compter sa nature douce et aimable avec tout le monde. Elle est pieuse, intelligente, et elle ne jouera pas de rôle politique.
Marie Leszczyncka est vite confrontée à l’étiquette de la cour de France, qui n’a rien à voir avec les contraintes qu’elle a pu connaître en Pologne. La reine a le tort de ne pas se tisser un réseau de liens au sein de la cour, car ce n’est pas une intrigante. Elle est toute dévouée à son époux et l’aime de tout son cœur, remerciant chaque jour le ciel pour l’avoir tant gâtée. Dieu n’est point le seul que Marie remercie : le duc de Bourbon et sa maîtresse Madame de Prie, qui sont à l’origine du mariage de Louis XV et de Marie, sont également dans les bonnes grâces de la reine. Si bien que, quand le duc demande à la reine de lui organiser un entretien privé avec le roi, celle-ci s’exécute et sans rien dire à son époux : elle l’invite dans ses appartements où Louis XV se retrouve nez à nez avec son cousin Bourbon, qui espérait des faveurs du monarque. Malheureusement pour lui, c’est un ordre d’exil qui tombe. Quand à la reine, Louis XV, fâché d’avoir été abusé, lui retire sa précieuse confiance. Marie Leszczyncka doit maintenant compter avec l’homme fort du moment, le cardinal Fleury, ancien précepteur du roi et désormais Premier ministre. C’est un homme autoritaire et ambitieux qui tient à garder Louis XV sous sa coupe, et ne souhaite en aucune façon que Marie ait la moindre influence sur son royal époux. La reine ne l’appréciera jamais, le tenant en partie pour responsable de l’éloignement du roi. Concernant son premier rôle de génitrice, Marie Leszczynska le remplit à merveille : en dix ans, elle met au monde dix enfants. Malheureusement, huit d’entre eux sont des filles – dont des jumelles – quand l’Etat a besoin d’héritiers mâles :
- Marie Louise Elisabeth (1727-1759), future duchesse de Parme
- Henriette Anne (1727-1752)
- Louise Marie (1728-1733)
- Louis-Ferdinand (1729-1765), dauphin de France
- Philippe (1730-1733), duc d’Anjou
- Marie Adélaïde (1732-1800)
- Victoire Louise (1733-1799)
- Sophie Philippine (1734-1782)
- Thérèse Félicité (1736-1744)
- Louise Marie (1737-1787) , religieuse carmélite
Si les premières années de mariage ont été calmes et heureuses, Louis XV finit par s’ennuyer que son épouse soit toujours indisposée par ses nombreuses grossesses. Dés 1733, il prend une maîtresse, Louise-Julie de Mailly, mais la reine ne l’apprendra qu’en 1738.
En 1733, Marie a le chagrin de perdre sa fille Louise-Marie et son second fils, le duc d’Anjou, victimes de maladies infantiles. La France se désole que la reine ne donne plus naissance qu’à des filles. L’avocat Edmond Barbier, contemporaine des évènements, note que le ventre de la souveraine « est furieusement disposé de ce côté-là », la rendant ainsi responsable de ne pas renforcer la dynastie par la naissance de garçons. Fatiguée d’être constamment enceinte, Marie Leszczynska dira un jour : « toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher ». En cette même année 1733, Louis XV intervient dans la guerre pour la succession de Pologne, espérant remettre le père de Marie Leszczynska sur le trône. Stanislas ne récupère pas la couronne de Pologne mais obtient le duché de Lorraine jusqu’à sa mort. Marie étant sa seule héritière, la Lorraine reviendra à la France au décès de Stanislas. Les frontières seront ainsi élargies pacifiquement avec l’annexion d’une région importante d’un point de vue stratégique.
En 1735 et 1738, la reine a fait une fausse-couche, d’un garçon à chaque fois. La seconde perte de 1738 met un terme au devoir de procréation : les médecins conseillent à Marie de ne plus porter d’enfant, insistant sur le fait qu’il y a désormais un risque de mort pour elle. Dés ce moment, Louis XV dévoile ses liaisons amoureuses et délaisse son épouse. Celle-ci se réfugie dans la prière et obtient du roi de pouvoir tenir un petit cercle d’amis. Le couple royal vit sa vie chacun de son côté. Louis et Marie n’apparaissent plus ensemble que pour les cérémonies officielles, lorsque le protocole l’exige. Marie Leszczynska bénéficie alors d’une liberté incroyable pour une reine de France, sans pour autant déroger à ses obligations. Cette même année 1738, les quatre dernières filles de Marie Leszczynska partent pour l’abbaye de Fontevraud, pour y recevoir une éducation religieuse avant de revenir à Versailles, une dizaine d’années plus tard. Seule Félicité, de santé fragile, ne reverra pas ses parents, victime de maladie. En 1739, la fille aînée de Marie Leszczynska, Elisabeth, dite Madame Infante, épouse l’infant d’Espagne Philippe de Bourbon. Les autres filles de Louis XV ne se marieront pas.
A la cour, les maîtresses du roi se succèdent et Marie Leszczynska prie pour le salut de son époux. Cependant, si le souverain impose ses favorites à la reine, il fait en sorte de ne pas l’humilier davantage car, à l’inverse de son aïeul Louis XIV, il n’impose pas ses nombreux enfants illégitimes à la cour, et n’en reconnaîtra qu’un. En 1744, on croit Louis XV perdu lorsqu’il tombe malade à Metz. Il renvoie sa favorite et promet que, s’il guérit, il demeurera fidèle à la reine. Louis XV se rétablit…et reprend des maîtresses. Marie est résignée. Elle continue ses actions pieuses, se montre charitable envers les pauvres, écrit souvent à son père et se consacre à ses enfants. Elle aime le jeu où elle s’endette mais le roi paie, ce qui permet à la reine pour pouvoir donner des aumônes. En 1745, le dauphin épouse l’infante d’Espagne mais celle-ci meurt en couche l’année suivante. La nouvelle dauphine n’est autre que la fille d’Auguste III, celui qui a pris la couronne de Pologne au père de Marie. Cependant, la reine et Marie-Josèphe de Saxe parviendront à bien s’entendre.
En 1752, un deuil affecte Marie Leszczynska et Louis XV : leur fille Henriette meurt de la tuberculose. Elle était la préférée du roi. Le peuple y voit un châtiment de Dieu, pour punir le roi de sa nouvelle liaison avec la marquise de Pompadour. Marie n’aime guère cette favorite, qui restera vingt ans auprès du roi et jouera le rôle du Premier ministre, le cardinal de Fleury étant décédé en 1743. La marquise est à la fois la maîtresse, l’amie, la confidente, la politicienne. Les enfants du roi, scandalisés par le comportement de leur père, la surnomment « Maman putain ». Encore une fois, la reine trouve refuge dans la prière.
A partir de 1759, une série de deuils frappe le couple royal : Madame Infante, en visite à Versailles, meurt de la variole. Elle est suivie, en 1761, par le fils aîné du dauphin, qui décède de la tuberculose osseuse. En 1763, c’est au tour d’ Isabelle de Bourbon – fille de Madame Infante – de disparaître prématurément. Le 20 décembre 1765, le dauphin Louis-Ferdinand meurt, miné par la tuberculose. Son épouse Marie-Josèphe se laisse dépérir, atteinte elle-aussi du même mal, et le rejoint dans la tombe en mars 1767. En 1764, la marquise de Pompadour était morte d’un cancer, libérant Marie Leszczynska de sa présence à la cour et de son influence sur le roi. Pourtant, Louis et Marie vivent séparés depuis trop longtemps pour se rapprocher maintenant. Résignée, et fatiguée par les deuils, la reine s’éteint le 24 juin 1768 à Versailles, à l’âge de 65 ans.
Aimée par le peuple, Marie Leszczynska est vite oubliée par Louis XV qui reprend une nouvelle favorite, Jeanne Bécu. Marie laisse l’image d’une bonne reine mais qui fut discrète, mélancolique et malheureuse car trop vite délaissée par son époux qu’elle n’a pas réussi à s’attacher.
Bibliographie :
– Les reines de France au temps des Bourbons : la reine et la favorite, par Simone Bertière
– Louis XV et Marie Leczinska, par Pierre de Nolhac
– Marie Leszczynska, Madame Louis XV, par Jacques Levron