Favorites Royales

Marie de Hautefort, favorite platonique de Louis XIII

Septième enfant du marquis Charles de Hautefort et de Renée du Bellay, Marie naît le 7 janvier 1616, au château de Hautefort, en Dordogne. Son père, maréchal des camps et des armées du roi, gentilhomme de la Chambre, décède prématurément deux mois après sa naissance, le 4 mars. A l’âge de 10 ans, Marie est confiée à sa grand-mère maternelle, Catherine de La Flotte-Hauterive, gouvernante des filles d’honneur de la reine mère, Marie de Médicis. La jeune fille entre à son service dès 1628. En avril 1630, Marie de Hautefort, alors âgée de 14 ans, attire l’attention du roi Louis XIII. D’ordinaire porté sur les amitiés masculines, le monarque a un coup de foudre pour la jeune femme. Le jeune roi demande alors la permission à la reine mère de pouvoir courtiser Marie de Hautefort, en tout bien tout honneur, lui si peu disposé envers le beau sexe. Son amour platonique avec la jeune demoiselle profite d’ailleurs à la reine Anne d’Autriche puisque Louis XIII, qui s’était dit dégoutté par son épouse, recommence à partager sa couche. 

Gravure représentant Marie de Hautefort
 Gravure représentant Marie de Hautefort

Suite à la « journée des Dupes », le 11 novembre 1630, qui voit la montée en faveur du cardinal Richelieu et la disgrâce de Marie de Médicis, Marie de Hautefort passe au service d’Anne d’Autriche. Discret dans sa relation avec la jeune femme, le roi semble avoir trouvé en elle une compagne idéale, sage et vertueuse. Si Louis XIII a tendance à fuir les mondanités de la cour autant que possible, Marie de Hautefort, qui a de l’esprit, apprécie la vie en société. Bien que se sachant aimée du roi, elle ne cherche pas à tirer profit de sa situation enviée, et respecte la personne de la reine. Bien qu’ambitieuse, Marie de Hautefort aspire à parvenir à ses fins par ses propres moyens et ne réclame jamais de faveurs déraisonnables, allant parfois jusqu’à donner ses robes et ses meubles aux plus démunis. Mais à de nombreuses reprises, des disputes éclatent entre le roi et sa favorite :  la jeune femme se sait belle et constate, avec dépit, que Louis XIII ne peut se résoudre à quelques actes charnels ! Quant au roi, il donne à la jeune femme le surnom de « l’inclination » lorsque leur rapports sont bons et celui de « la créature » en temps de fâcheries ! Provocatrice, Marie de Hautefort défit un jour Louis XIII de venir récupérer une lettre dans son corsage. Si le roi s’y soumet – en usant des pincettes de sa cheminée pour fouiller le corsage ! – les courtisans finissent par rire de la timidité de leur souverain et François de la Rochefoucauld témoigne dans ses Mémoires que la vertu de Marie « ne fut jamais attaquée » par le roi ! 

Miniature de Marie de Hautefort (anonyme) conservée au château de Chantilly (XVIIe siècle)
Miniature de Marie de Hautefort (anonyme) conservée au château de Chantilly (XVIIe siècle)

Avec Anne d’Autriche, les rapports sont tout d’abord tendus, la reine se méfiant de Marie lorsqu’elle entre à son service. Mais bien vite, les deux femmes nouent une relation d’amitié et de confiance, au grand mécontentement du cardinal de Richelieu qui entendait que Mlle de Hautefort serve sa politique. Au lieu de cela, la jeune femme soutient Anne d’Autriche face au cardinal. Peu de temps après, celui-ci introduit la jeune Louise-Angélique de La Fayette auprès du roi, se méfiant de plus en plus de l’influence que pourrait avoir Marie sur Louis XIII. De ce fait, entre 1635 et 1637, Marie de Hautefort connaît la défaveur royale à cause de son amitié avec la reine. Malgré les espoirs de Richelieu, le roi est cependant  trop attaché à la jeune femme  pour ne pas finir par se réconcilier avec elle.  En 1638, la jeune femme est courtisée par le marquis de Gesvres, capitaine des gardes du roi, qui la demande en mariage. Lorsque Louis XIII apprend la chose, il exige du marquis qu’il y renonce. Lorsque naît le dauphin, le 5 septembre 1638, Marie de Hautefort convoite la place de gouvernante des enfants royaux pour sa grand-mère. Le fait que le roi l’octroie à une autre, Françoise de Lansac, blesse profondément Mlle de Hautefort qui bat froid à son amant platonique. Afin de l’apaiser, Louis XIII la nomme dame d’atours de la reine et lui accorde le droit de péage du pont de Neuilly. Pourtant, Marie espérait bien le titre de duchesse, promis jadis par le roi. Frustrée, la jeune femme renoue avec les intrigues jusqu’à ce qu’Anne d’Autriche lui demande de faire la paix avec Louis XIII. Toujours épris de Marie, le souverain lui accorde alors une pension de 1200 écus. Cependant Richelieu, toujours méfiant vis-à-vis de Mlle de Hautefort, décide de la perdre aux yeux du roi en se servant d’Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, qui a de plus en plus l’écoute de Louis XIII. Après avoir parlé en mal du nouveau favori du roi, Marie de Hautefort est remerciée par son ancien amant platonique : « Madame, je ne désire plus vivre avec vous comme je l’ai fait dans le passé […] Mes affections sont désormais pour M. de Cinq-Mars ». Furieuse, la jeune femme décide de quitter la cour définitivement. La reine lui fait cadeau de boucles d’oreilles, regrettant le départ de son amie.

Marie de Hautefort (anonyme, XVIIe siècle)
Marie de Hautefort (anonyme, XVIIe siècle)

Marie de Hautefort se retire au château de La Flotte, qu’elle tient de sa mère,  en décembre 1639. Protectrice des arts, elle accueille chez elle les poètes Jean Mairet et Paul Scarron. Marie aide ce dernier à plusieurs reprises en lui trouvant des mécènes et en usant de son amitié avec Anne d’Autriche pour qu’elle accorde à Scarron la charge de « malade de la reine » (le poète est infirme) ainsi qu’une pension. Après la mort de Louis XIII, en mai 1643, Marie revient à la cour où Anne d’Autriche lui accorde le privilège du tabouret, réservé aux duchesses. La jeune femme n’apprécie pas le cardinal de Mazarin, successeur de Richelieu qui a, cette fois, les bonnes grâces de la reine. Marie de Hautefort tente alors de faire tomber Mazarin et le couvre publiquement de moqueries. Anne d’Autriche ferme d’abord les yeux sur le comportement de son amie, puis s’en lasse. Après la découverte d’un complot visant à l’assassinat de Mazarin, le cardinal tente, sans succès, de rallier Marie à sa cause. La jeune femme n’a pas compris que la reine a changé et que, si par le passé elle a pu trahir la France pour son pays natal, elle compte désormais céder à son fils, Louis XIV, un puissant royaume. Le soutien qu’offre Marie de Hautefort aux ennemis de Mazarin la conduit à sa perte : en avril 1644, la reine renvoie son amie de la cour. Marie envisage un instant d’entrer en religion mais en est dissuadée par son ami, Paul Scarron. A l’âge de 28 ans, elle décide alors de se marier. Les prétendants de la jeune femme ne manquent pas (on en recense une douzaine) et c’est finalement Charles de Schomberg (1601-1656), Maréchal de France et duc d’Halluin, que Marie de Hautefort épouse le 24 septembre 1646. Le mariage est heureux mais le couple sera chagriné de ne pas avoir d’enfant.

Estampe anonyme représentant Marie de Hautefort (XVIIIe siècle)
Estampe anonyme représentant Marie de Hautefort (XVIIIe siècle)

Sous la Fronde, Marie reste neutre, tandis que son époux sert fidèlement le cardinal de Mazarin. Appréciés de tous, pieux et tolérants les époux Schomberg soutiennent les débuts d’un certain Bossuet. Veuve le 6 juin 1656, Madame la Maréchale fréquente les salons littéraires et fait partie des femmes « précieuses » sous le nom d’Hermione. Après la mort de Mazarin, en mars 1661, Marie paraît de nouveau à la cour où Louis XIV l’apprécie. A son sujet, il déclare :  « Je ne saurais répondre de la vertu d’aucune femme si ce n’est de la reine mon épouse et de Madame la Maréchale ».

Maîtresse platonique de Louis XIII, Marie reproche parfois au Roi-Soleil sa vie dissolue. Il faut dire que Louis XIV est davantage porté sur le beau sexe que ne l’était son père ! En mai 1684, le roi veut confier à la Maréchale la charge de dame d’honneur de la dauphine. Cependant, Marie décline l’offre en raison de son âge – 68 ans ! – et de ses problèmes de santé. Son refus est sans doute également motivé par la nouvelle face de la cour, qui n’a plus rien à voir avec celle qu’elle a connue jadis. Marie de Hautefort s’éteint à Paris le 1er août 1691, à l’âge de 75 ans. Celle que le poète Scarron appelait « l’incomparable Hautefort » reste un cas rare de maîtresse platonique dans l’Histoire des rois de France. Cette situation ambiguë fit de la favorite l’amie de la reine, plutôt que l’alliée du monarque aimé.

Bibliographie : 

Favorites et dames de cœur : d’Agnès Sorel à Madame de Pompadour, par Pascal Arnoux
– Les reines de France au temps des Bourbons : les deux régentes, par Simone Bertière
Marie de Hautefort : le grand amour de Louis XIII, par Jacques Magne