Marie-Antoinette était-elle coupable ?
Ce mois-ci, le magazine Historia consacre son mensuel à la dernière reine de France, qui ne cesse de faire couler de l’encre.
Depuis son exécution, Marie-Antoinette suscite toujours des débats chez les historiens. D’abord considérée comme celle qui a conduit la monarchie absolue à sa perte, la dernière reine de France est dépeinte comme une femme dépensière et vaniteuse, qui a collectionné les amants…et les amantes ! Les historiens chercheront ensuite à justifier l’exécution de la reine. N’était-elle pas une intrigante qui espionnait pour le compte de l’Autriche ? D’où le surnom – qui ne la quittera jamais – d’ « autrichienne » ? Certains voient en elle la tête pensante, qui aurait contrôlé un époux faible, parfois qualifié de « simplet » par ses propres courtisans.
Depuis le milieux du XXe siècle, les historiens tentent de réhabiliter l’image de Marie-Antoinette, grâce à des travaux de recherche dans les Archives Nationales, et celles de Vienne. Au delà de la reine, on s’intéresse davantage à la femme : arrachée à sa famille à l’âge de 14 ans, la jeune archiduchesse arrive dans une cour qui lui est en grande partie hostile. L’absence d’héritier durant les premières années de son mariage fragilise sa position et l’image la monarchie. Déçue de ne pas avoir de points communs avec le roi, peut-on reprocher à Marie-Antoinette de s’être entourée d’ami(e)s plus ou moins influents ? Aujourd’hui beaucoup voient d’abord en elle la mère de famille : refusant d’avoir plus de quatre enfants pour mieux se consacrer à eux, l’image que nous avons de Marie-Antoinette est celle d’une mère aimante et attentionnée, qui se battra jusqu’au bout pour protéger ses enfants des horreurs de la Révolution. Lors de son procès, la reine sera accusée d’espionnage, d’avoir trahi la France et surtout, d’inceste avec son fils. C’est cette dernière accusation qui scandalise Marie-Antoinette, qui en appellera « à toutes les mères » qui se trouvent dans l’assistance. Parce qu’elle s’attirait soudain la sympathie de l’assemblée, ce chef d’accusation, qui touchait davantage la femme que la souveraine, sera finalement abandonné…
Aujourd’hui, le procès de Marie-Antoinette n’est pas terminé. En effet, le journaliste Jean-François Kahn (dont l’ouvrage « M la maudite, la lettre qui permet de tout dire » paraîtra en octobre 2018) condamne la reine pour le double jeu qu’elle a mené dès lors que le peuple cherche à imposer la Constitution à Louis XVI. Les nombreuses correspondances – récemment mises à jour – que Marie-Antoinette ou ses partisans entretenaient avec les puissances étrangères sont la preuve que la reine a trahi ses sujets et a comploté contre l’État. Pire encore : la reine, de part ses manigances, a creusé la tombe de la monarchie.
Evelyne Lever, auteur de plusieurs biographies sur la dernière reine de France, contredit Jean-François Kahn, en exposant son point de vue, afin de nous offrir l’image d’une reine dont l’influence politique doit être nuancée.
Élevée dans l’idée que le pouvoir royal ne se partage pas avec le peuple, inquiète pour sa propre sécurité et celle de ses enfants, incomprise de la noblesse comme du tiers état, Marie-Antoinette n’a-t-elle pas été victime de la Révolution Française ? Haïe des français, qui la surnomme « Madame Déficit » et méprisée par les courtisans parce qu’elle déroge à l’Etiquette, Marie-Antoinette n’était-elle pas le bouc-émissaire parfait pour justifier la fin de la royauté en France ?
A vous de vous faire votre propre opinion, après avoir confronté les différents points de vue qu’Historia vous livre.
mensuel N°858 / juin 2018