Favorites Royales

Marie-Angélique de Fontanges, l’étoile filante du Soleil

Fille du comte de Roussille, Jean Rigaud de Scorailles, et d’Aimée-Eléonore de Plas, Marie-Angélique naît en Auvergne – sans doute à Cropières – en juillet 1661. Son père est lieutenant du roi en Auvergne et compte bientôt sept enfants dans son foyer. Marie-Angélique prendra le titre de demoiselle de Fontanges, nom de sa grand-mère paternelle, Guillemine de Fontanges, fief dont le comte de Roussille a hérité. Ayant remarqué la grande beauté de Marie-Angélique, un cousin – César de Grolée, baron de Peyre – se charge de la faire entrer à la cour de Louis XIV en octobre 1678, comme fille d’honneur de la duchesse d’Orléans, belle-sœur du roi. Celle-ci se montre vite enchantée de Mademoiselle de Fontanges, écrivant à son sujet : « On ne pouvait voir rien de plus merveilleux. Elle avait le meilleur caractère du monde, mais pas plus d’esprit qu’un petit chat ».  La jeune Marie-Angélique vient tout juste d’être remarquée par le monarque lorsque le peintre Pierre Mignard réalise son portrait « vestue d’un manteau bleu, assise et appuyée sur un carreau de velours cramoisi, tenant des roses et une anémone dans ses mains « . 

Mademoiselle de Fontanges, par Pierre Mignard (1678)
Mademoiselle de Fontanges, par Pierre Mignard (1678)

A cette époque, Louis XIV est tiraillé entre la marquise de Montespan et Madame de Maintenon. Athénaïs de Montespan voit en Marie-Angélique le moyen de reconquérir son royal amant : séduit par la beauté et la timidité provinciale de la demoiselle, le roi délaissera la marquise de Maintenon. Sachant que, malgré son charme physique, Marie-Angélique est dite « sotte comme un panier » (d’après l’abbé de Choisy), Athénaïs est certaine que Louis XIV se lassera vite de la jeune fille et qu’il reviendra vers elle rapidement. La marquise de Montespan favorise donc les rencontres entre le roi et Mademoiselle de Fontanges, qui émue Louis XIV par son innocence. Si toute la cour loue la grâce de Marie-Angélique, on ne lui reconnait que peu d’esprit et la jeune fille passe pour être naïve. 

Au printemps 1679, le roi  fait de Mademoiselle de Fontanges sa nouvelle favorite et multiplie les divertissements en son honneur. Il montre grandement son attachement pour elle, en portant bien souvent des rubans assortis à ceux de Marie-Angélique. Bientôt, il apparaît qu’elle est enceinte, ce qui provoque la colère d’Athénaïs, qui ne pensait pas le roi si épris de sa jeune conquête. Elle confie à la marquise de Maintenon : « Le roi a trois maîtresses : moi de nom, cette fille de fait et vous de cœur ». Marie-Angélique crée bientôt, malgré elle,  la célèbre mode de la coiffure  « à la Fontanges » : lors d’une promenade à cheval dans la forêt de Fontainebleau, ses cheveux s’accrochent à une branche et elle apparaît devant le roi retenant sa coiffure à l’aide d’un ruban, ce que Louis XIV trouve tout à fait charmant. Le lendemain, toutes les dames de la cour adoptent cette coiffure… sauf la marquise de Montespan qui trouve cela de « mauvais goût ».

Mademoiselle de Fontanges (anonyme)
Mademoiselle de Fontanges (anonyme)

Devenue favorite officielle, Marie-Angélique se met à dénigrer la reine se montre hautaine avec Mme de Montespan. Sa nouvelle place au sommet de la cour lui fait perdre la tête et le respect qu’elle doit à certaines personnes.  En décembre 1679, Marie-Angélique met au monde un fils, né avant terme. Les avis des historiens divergent sur cet enfant : la plupart indiquent que celui-ci est mort à la naissance. Cependant, il semble que l’enfant ait vécu quelques jours  : le 1er janvier 1680, la favorite du roi paraît à la messe « toute radieuse d’être mère », ayant compris combien la naissance d’un bâtard royal peut renforcer sa position auprès du souverain. Si on se réfère à une lettre de Mme de Sévigné, le fils de Marie-Angélique disparaît au début du mois de janvier 1680 : la favorite est absence lors du mariage de Mademoiselle de Blois et du prince de Conti, « triste de la mort d’une petite personne ». En février, Marie-Angélique accompagne la cour à la rencontre de la dauphine, Marie-Anne de Bavière. On la voit dans un carrosse somptueux, tirés par huit chevaux, quand la marquise de Montespan n’en a obtenu que six au temps de sa faveur. 

Si elle doit paraître aux côtés du monarque, Marie-Angélique est mal remise de son accouchement et souffre  « d’une perte de sang très désobligeante », qui la force souvent à l’aliter. A la cour, on murmure cruellement qu’elle a été « blessée au service du roi » et Mme de Sévigné note : « Elle commence même à enfler ; son beau visage est un peu bouffi ». Or, Louis XIV ne supporte pas que ses maîtresses soient malades. Dès lors, la faveur de Marie-Angélique décline, sa grâce enfantine ne pouvant retenir le roi, qui aime les femmes ayant de l’esprit. En avril 1680, Louis XIV élève la jeune femme au rang de duchesse et lui octroie une pension annuelle de 80 000 livres.  Toute la cour voit dans cette marque d’honneur un cadeau « de remerciement », indiquant la fin de la faveur de Marie-Angélique.  

Pourtant, la duchesse de Fontanges ne tient pas à laisser sa place. Craignant « un éclat » de sa jeune maîtresse, Louis XIV prie Mme de Maintenon d’aller la convaincre de quitter la cour. Après avoir écouté « l’amie du roi », Marie-Angélique lui répond : « Mais, Madame, vous me parlez de me défaire d’une passion comme de quitter une chemise »

portrait équestre de la duchesse de Fontanges (XVIIIe siècle)
portrait équestre de la duchesse de Fontanges (XVIIIe siècle)

Il faut l’intervention de son confesseur pour faire entendre raison à Marie-Angélique : toujours malade, et en proie à de nombreuses pertes de sang depuis son accouchement, la jeune femme finit par accepter de se retirer, à pâques, à l’abbaye de Maubuisson, près de Pontoise, pour y être soignée, loin du roi qui n’aime pas « être gêné ». La duchesse de Fontanges réapparaît  à la cour en mai 1680, visiblement guérie de son mal, à en juger par les marques attentions que le roi lui montre à nouveau. Durant ce retour de faveur, Marie-Angélique obtient pour sa sœur Jeanne l’abbaye de Chelles. La favorite y accompagne son aînée en juillet, pour pouvoir assister à sa prise de fonction. Il est certain que la duchesse de Fontanges manque être victime d’une tentative d’assassinat lorsqu’elle séjourne à Chelles : six bouteilles d’eau de source lui sont apportées, sur recommandation médicale. Avant que Marie-Angélique ait bu leur contenu, son médecin assure ne rien avoir commandé pour sa patiente et fait ouvrir les bouteilles, qui contiennent… du poison. Lorsque la duchesse de Fontange réapparaît à la cour, Mme Sévigné rapporte, le 1er septembre : « On dit que la belle beauté a pensé être empoisonnée […] elle est toujours languissante ».  Marie-Angélique se trouvait pourtant mieux en mai…

Quelques mois après son retour à Saint-Germain,  la duchesse de Fontanges se trouve à nouveau alitée et ne quitte plus ses appartements. Il semblerait qu’elle soit une nouvelle fois enceinte. Déjà affaiblie et négligeant sa santé pour conserver sa place auprès de Louis XIV, Marie-Angélique de Fontanges accouche prématurément d’une fille mort-née, en mars 1681. Mme de Caylus écrira : « Cette fille s’est tuée pour avoir voulu partir de Fontainebleau le même jour que le roi quoiqu’elle fut en travail et prête à accoucher. Elle fut depuis toujours languissante ».  La faible constitution de Mademoiselle de Fontanges ne lui permet décidemment pas de mener une grossesse à bien. Quant au roi, il s’est définitivement détourné d’elle. 

Portrait posthume de Marie-Angélique de Fontanges (anonyme)
Portrait posthume de Marie-Angélique de Fontanges (anonyme)

Victime de fortes fièvres, suite à son accouchement malheureux, la duchesse de Fontanges quitte la cour le 23 mars pour l’abbaye de Port-Royal. Son mal empire, tandis que le roi fait prendre régulièrement de ses nouvelles.  Louis XIV aurait rendu visite à son ancienne maîtresse, encouragé par son confesseur. Celui-ci aurait espéré  qu’en visitant sa maîtresse mourante, le monarque retienne ce qu’il en coûte de se détourner du droit chemin. Devant les larmes du roi, la jeune femme aurait dit : « Je puis mourir contente, puisque mes derniers regards on vu pleurer le roi ». Durant les semaines qui précèdent sa mort, Marie-Angélique est veillée par son frère aîné Annet-Joseph, marquis de Rousille, et par deux de ses sœurs, Jeanne et Catherine. Crachant ses poumons durant plusieurs jours, la duchesse meurt dans la nuit du 27 au 28 juin 1681. Elle n’a pas vingt ans. 

Dès l’annonce du décès de Marie-Angélique, la rumeur accuse la marquise de Montespan de l’avoir fait empoisonner, pour expliquer son étrange maladie. Dès années plus tard – après la mort de Louis XIV –  la duchesse d’Orléans écrira également que, selon elle, Mme de Montespan avait fait empoisonner Mademoiselle de Fontanges, ainsi que son petit garçon. Le roi tente d’éviter l’autopsie, et l’indique au duc de Noailles, en charge des funérailles : « Sur ce qu’on désire de faire ouvrir le corps, si on peut l’éviter, je crois que c’est le meilleur parti ». Craint-il que Marie-Angélique n’eut été victime d’un empoisonnement ? Devant l’insistance de Jeanne de Scorailles, l’abbesse de Chelles, Louis XIV autorise finalement l’autopsie, qui conclue à une mort due à un abcès pulmonaire, ce qui n’empêchera pas le comte Primi Visconti de noter que la duchesse de Fontanges mourut « martyre des plaisirs du roi ».  

Bibliographie :
Favorites et dames de cœur,  de Pascal Arnoux
Madame de Montespan, de Jean-Christian Petitfils
– La duchesse de Fontanges, favorite de Louis XV, de Henri Pigaillem

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