Louise de La Vallière, l’amoureuse sincère de Louis XIV
Fille de Laurent de La Baume Le Blanc, seigneur de La Vallière, et de Françoise Le Provost, Françoise Louise naît le 6 août 1644, à Tours. On prendra l’habitude de l’appeler par son second prénom : Louise. En 1651, la petite fille se retrouve orpheline père. Sa mère se remarie avec Jacques de Courteval, marquis de Saint-Rémy, en 1655. Elle néglige dès lors les deux enfants issus de sa première union (Louise et Jean-François, né en 1642). Son nouvel époux est proche de Gaston d’Orléans, frère du défunt Louis XIII, et occupe la fonction de Premier maitre d’hôtel de la duchesse son épouse. Très vite, Louise devient demoiselle de compagnie des filles de Gaston d’Orléans. Ce dernier en a eu trois de son second mariage avec Marguerite de Lorraine : Marguerite-Louise née en 1645, Elisabeth-Marguerite née en 1646 et Françoise-Madeleine née en 1648. C’est avec l’aînée que Louise tisse de solides liens d’amitié.
A l’âge de 17 ans, Mademoiselle de La Vallière entre à la cour comme fille d’honneur de la nouvelle duchesse d’Orléans (Gaston d’Orléans étant mort en 1660 son titre passe au frère cadet de Louis XIV), Henriette d’Angleterre. Très vite, Louise sert de paravent aux amours du roi et de sa jolie belle-sœur. En effet, la reine Marie-Thérèse et le duc d’Orléans se plaignent du comportement de leurs conjoints à la reine-mère, Anne d’ Autriche. Pour calmer les choses, Louis XIV fait mine de s’intéresser à la jeune Mademoiselle de La Vallière, afin pouvoir se rendre chez la duchesse d’Orléans sans que cela ne paraisse suspect. Mais il se trouve que Louise est secrètement amoureuse du roi et ce dernier finit par tomber sous le charme de la timide et charmante jeune femme. Dés 1661, Louis XIV devient l’amant de Louise. Celle-ci semble être honteuse d’être la maîtresse du monarque et serait sans doute soulagée si Louis était un simple gentilhomme plutôt que le roi de France. Mademoiselle de La Vallière éprouve pour lui un amour pur et désintéressé, ce qui fera dire au duc de Saint-Simon : « Heureux le roi qui n’eût que des maîtresses semblables à Mme de La Vallière ».
Au mois de décembre 1663, Louise met au monde le premier des enfants qui vont naître de ses amours avec le roi, dans le plus grand secret. C’est un fils qui naît au palais de Brion, que le monarque a acheté pour sa maîtresse. L’enfant est confié à Mme Colbert, Louis XIV ayant mis son ministre au courant de la situation. Personne d’autre, et surtout pas la famille royale, ne doit être dans la confidence. C’est à cette époque que Louise cesse son service auprès de la duchesse d’Orléans, qui ne supporte pas que le roi puisse la délaisser pour l’une de ses filles d’honneur. D’ailleurs, Henriette d’Angleterre cherche à se venger de Louise en mettant sous le nez de Louis XIV la jeune Anne-Lucie de La Mothe-Houdancourt et la princesse de Monaco. Pourtant, si le roi a quelques passades amoureuses avec les demoiselles d’honneur de la duchesse d’Orléans et de la reine, il revient toujours vers Louise. Celle-ci donne au moins cinq enfants au roi :
– Charles (1663-1666)
– Philippe (1665-1665)
– une fille (mort jeune en 1666)
– Marie-Anne (1666-1739) Mademoiselle de Blois, qui épouse en 1680 Louis-Armand de Bourbon-Conti
– Louis (1667-1683) comte de Vermandois
La reine-mère désapprouve la liaison extra-conjugale de son fils. C’est pourquoi le roi et sa maîtresse se voient le plus souvent dans des endroits secrets (tel que la grotte de Téthys, à Versailles). Les enfants de Louise sont également éloignés et élevés loin de la cour, baptisés sous de fausses identités. Mlle de La Vallière accepte cette situation par amour pour le roi, qu’elle refuse de perdre.
Après la mort d’Anne d’Autriche, en janvier 1666, Louis XIV affiche sa favorite : ou qu’il aille, elle le suit, précédant parfois même le carrosse de la reine Marie-Thérèse. Consciente qu’elle est timide et peu cultivée, Louise fait venir de plus en plus souvent dans ses appartements la marquise de Montespan, qui a le don d’amuser le roi. Louis XIV, subjugué par la beauté et l’esprit de la marquise, ne va bientôt plus chez sa maîtresse que pour voir Mme de Montespan. En 1667, Louise est faite duchesse de La Vallière et de Vaujours et sa fille Marie-Anne est légitimée. Certains y voient un cadeau d’adieux car le roi semble de plus en plus proche de Françoise-Athénaïs de Montespan. Celle-ci devient probablement la maîtresse de Louis XIV dés cette année-là. Néanmoins, le roi garde la duchesse de la Vallière à ses côtés pour faire paravent au double adultère qu’il commet avec la marquise de Montespan, celle-ci étant mariée.
Louise, fatiguée par ses grossesses et par la vie à la cour où tout n’est qu’intrigue, s’efface, espérant toujours récupérer le cœur de son amant. En 1669, son dernier fils est légitimé. C’est l’époque des « trois reines » : Marie-Thérèse d’Autriche, épouse de Louis XIV, Louise et Athénaïs, maîtresses du roi. La duchesse de La Vallière, qui doit cohabiter avec la marquise de Montespan, exige alors du roi que les faveurs soient égales entre elles : ainsi, en 1670, Louise est de nouveau enceinte. Brusquement, elle tombe malade, perd l’enfant et on la croit elle-même condamnée. La duchesse survit mais cette épreuve l’a rapprochée de Dieu. Louise estime qu’elle a pêché en ayant une liaison avec un homme marié et qu’elle mérite une punition : elle porte des bracelets de fer sous ses jolies robes, ne mange plus et dort à même le sol. Finalement, elle s’enfuit dans un couvent. En 1662, Louise avait déjà quitté la cour en pleine nuit, après une dispute avec le roi. Ce dernier avait dû aller la chercher. Cette fois, le jeune amoureux a disparu et c’est le ministre Jean-Baptiste Colbert qui est dépêché par le souverain pour ramener la duchesse. A force de persuasion, Louise regagne la cour mais demande au roi l’autorisation de se faire religieuse. A cette date, plus personne n’ignore la relation de Louis XIV et d’Athénaïs, qui lui a déjà donné plusieurs enfants.
Il est bientôt de notoriété publique Louise de La Vallière va entrer au Carmel. La duchesse de Montpensier, cousine de Louis XIV, suggère dans ses Mémoires que la maîtresse du roi aurait été poussée à entrer dans cet ordre religieux très strict : « Mme de La Vallière avait encore la pensée de se retirer à Chaillot avec Mlle de la Motte, qui est fort son amie. Son incertitude ne plut pas au roi, qui voulait que sa retraite fut honorable pour ses enfants […] Tout à coup on dit « La duchesse de la Vallière va être Carmélite » ». Louis XIV aimant tout contrôler, il n’est pas impossible qu’il impose le Carmel à sa maîtresse, dès lors que celle-ci désire quitter la cour, contre la volonté du roi. En effet, si Louise s’était retirée au couvent de Chaillot, elle aurait pu en sortir à sa guise pour voir ses proches tandis qu’au Carmel, elle serait coupée du monde : « un couvent d’une grande réputation […] plus glorieux pour ses enfants ». Dès lors que la rumeur était lancée, Louise de La Vallière n’aurait pu qu’accepter.
Jusqu’au bout, le roi tente de faire revenir Louise sur sa décision, choisissant le mois de janvier 1674 pour produire la petite Mademoiselle de Blois devant toute la cour, lors d’un bal. Mme de Sévigné note alors au sujet de la fille légitimée du roi : « C’était un prodige d’agrément et de bonne grâce […] Mademoiselle de Blois est un chef-d’œuvre ». Mais la duchesse de La Vallière ne flanche pas. Louise demande également au peintre Pierre Mignard de réaliser un portrait d’elle, avec ses deux enfants survivants. Sur ce tableau (ci-dessus), la duchesse de La Vallière tient une rose qui perd ses pétales, signe d’un temps révolu. A ses pieds, gisent tout ce à quoi elle renonce à présent (divertissements, luxe…). Elle quitte la cour en avril 1674 après avoir sollicité le pardon de la reine en public et entre au Carmel à l’âge d’à peine 30 ans. Avant son départ, Louise confie ses enfants à la princesse Palatine (seconde épouse du duc d’Orléans). Pouvant disposer de l’usufruit de son duché, elle se montre généreuse avec sa famille en accordant une rente à sa demi-sœur, Catherine de Courtarvel, et à sa nièce, Louise-Gabrielle (née en 1665). Depuis le Carmel, la jeune femme continuera de veiller sur les enfants de son frère, qui décède en 1676. Elle sollicite ainsi le roi pour que son jeune neveu, Charles-François, conserve le gouvernement du Bourbonnais, que détenait Jean-François de La Baume Le Blanc.
L’ancienne maîtresse du roi prononce ses vœux le 3 juin 1675 et prend le nom de Sœur Louise de la Miséricorde. Au Carmel, elle fait pénitence, se lève tôt, effectue les corvées, jeûne souvent et reçoit rarement la visite de certains courtisans, dont la marquise de Montespan. Lorsque Mademoiselle de Blois épouse le prince de Conti, en 1680, Louise reçoit préalablement la visite du Grand Condé, de son fils et de son neveu (le fiancé), venus obtenir le consentement de la religieuse pour le mariage de sa fille.
Le petit comte de Vermandois visite également sa « belle maman », avec la princesse Palatine et souffre que sa mère ne puisse le prendre dans ses bras. Tombé en disgrâce à cause de ses mauvaises fréquentations, le jeune homme espère se racheter aux yeux du roi en rejoignant l’armée, en Flandres. Malade, il meurt en novembre 1683. En apprenant le décès prématuré de son fils, Louise ne s’épanche pas et aurait dit : « C’est trop pleurer la mort d’un fils dont je n’ai pas encore assez pleuré la naissance » ou encore « Il faut tout sacrifier, c’est sur moi seule que je dois pleurer ». Oubliée du roi, Louise meurt le 6 juin 1710 à l’âge de presque 66 ans, sans doute d’une occlusion intestinale. La princesse de Conti est autorisée par Louis XIV à porter le deuil de sa mère. En apprenant le décès de la duchesse de La Vallière, toute la cour semble touchée, à l’exception du roi, qui dit seulement : « Elle est morte pour moi le jour où elle est entrée au couvent ». Mme de Sévigné notera au sujet de Mme de La Vallière : « C’était une petite violette qui se cachait sous l’herbe, et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse. Jamais il n’y en aura sur ce moule-là ». La chapelle du Carmel, où est inhumée Sœur Louise de la Miséricorde, est détruite sous la Terreur, à la fin du XVIIIe siècle.
Pour en savoir plus : Louis XIV et les reines de cœur
Bibliographie :
– Favorites et « dames de cœur » , de Pascal Arnoux
– Les reines de France au temps des Bourbons : les Femmes du Roi-Soleil, de Simone Bertière
– Louise de la Vallière de Jean-Christian Petitfils