Les 72 jours de la Commune : Quartier par quartier
A l’occasion du 150e anniversaire de la Commune de Paris, le magazine Historia revient sur ces 72 jours d’insurrection populaire, dans un climat tendu par la récente défaite de la France face à la Prusse (1870-1871). Dans les quartiers, la colère gronde, des barricades sont érigées. Bientôt, la capitale est à feu et à sang, au bord de la guerre civile…
La Commune « naît » le 18 mars 1871, dans les quartiers populaires de la capitale. Les parisiens s’insurgent devant l’ordre d’Adolphe Thiers – chef du gouvernement provisoire – à l’armée de récupérer les canons de la ville. La toute nouvelle IIIe République est encore fragile et les parisiens sont déjà traumatisés d’avoir vu les troupes prussiennes défiler dans la capitale, début mars. Alors que Jules Vallès parle d’un « viol » de Paris, pour Victor Hugo la décision de Thiers, intervenue quelques jours plus tard, est « l’étincelle dans la poudrière ». La « Commune » sera proclamée le 28 mars et marque le début d’une révolution qui s’achèvera dans le sang.
Si, dans un premier temps, Adolphe Thiers n’accorde que peu d’importance au soulèvement populaire, le gouvernement décide ensuite de le réprimer par des massacres qui ont pour effet de faire riposter le camp adverse : la Commune exécute ainsi des otages, par vengeance, en réponse au sang versé par l’armée. L’archevêque de Paris fera partie des victimes. C’est une capitale déchirée par les affrontements et les destructions de bâtiments symboliques (la colonne Vendôme, le Palais de Justice…) qui fait parler d’elle. Découvrez la médiatisation de ce soulèvement, à un moment où la presse se développe, qui va être suivi jusqu’à l’autre bout du monde.
La Commune entend s’opposer aux « ennemis du peuple » et combattre les inégalités sociales en améliorant le sort des travailleurs pour en finir avec la misère et la spéculation dans les hautes sphères de la société : interdiction du travail de nuit, fixation de la journée de travail à 10 heures… Les femmes profitent également des mesures proposées par la Commune pour s’émanciper. Dès lors que l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes est à l’ordre du jour, celles-ci prennent une part importante dans les clubs qui se multiplient dans la capitale. Les propos qui y sont tenus sont parfois violents : on rend le clergé, les magistrats et l’armée responsables des maux du prolétariat avec la « tyrannie » qu’ils exercent sur le peuple. Découvrez ces lieux de réunions et d’échanges, parfois surprenants, à l’exemple des églises que les fidèles doivent céder à la Commune le soir venu.
Car au-delà des mesures sociales, la Commune prône la séparation de l’Église et de l’État, l’enseignement laïc (« l’éducation du peuple par le peuple »), le divorce et la suppression de la distinction entre les enfants naturels et légitimes. En s’attaquant à l’image de la famille « traditionnelle », la Commune s’attire les foudres d’écrivains tels que Flaubert ou Zola. La presse communarde riposte, en diffusant des journaux à bas prix (et donc accessibles à tous), qui se veulent les héritiers de la Révolution Française, à l’image de « l’ami du peuple » qui reprend le nom du journal de Marat (1789-1792).
Mais en prenant pour exemple la Révolution de 1789, la Commune fait peur. Certains craignent que l’anarchie ne conduise qu’à l’instauration d’une dictature. De même, le « Comité de Salut public » que les communards veulent mettre en place divise à cause de la période de la « Terreur » qui en a découlé au XVIIIe siècle.
Écrasée lors de la « semaine sanglante », le soulèvement de la Commune s’achève le 28 mai, avec la chute de la dernière barricade. Des années – des décennies – plus tard, cet épisode suscite encore des polémiques et son souvenir reste vif comme en témoignent les nombreuses célébrations, de la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours.
Ce numéro vous propose une immersion dans le Paris de 1871, quartier par quartier, pour revivre les 72 jours de la Commune au plus près des parisiens. Si ce moment de notre Histoire se révèle particulièrement sanglant, il met aussi en avant des idées visionnaires (séparation Église/État, éducation des jeunes filles, laïcité, unions libres…) qui seront reprises et mises en application au cours du XXe siècle.
mensuel N°893 / mai 2021