Les 30 batailles qui ont fait et défait la France
Cet été, le magazine Historia revient sur les trente batailles qui ont marqué la France, d’Alésia aux conflits du XXe siècle. Victoires ou défaites, elles font partie de l’Histoire de notre pays, ont renforcé nos frontières ou fragilisé le régime gouvernemental alors en place. Dans les deux cas, ces affrontements ont contribué à resserrer les liens entre français, soudés face à l’ennemi. Aujourd’hui encore, certains paysages portent l’empreinte de batailles décisives…
Depuis la « Guerre des Gaules », les peuples bataillent pour agrandir leur territoire. Pour les chefs de guerre, c’est l’occasion d’asseoir leur pouvoir, à l’exemple de Jules César qui rédige le récit de ses campagnes militaires après la défaite de Vercingétorix à Alésia, en 52 avant JC. Son but : rassembler autour de lui grâce à ses glorieuses conquêtes.
Si Vercingétorix est le vaincu d’Alésia, l’Histoire en fait un héros, qui se sacrifie pour sauver la Gaule. Bien que les détails de l’affrontement soient assez maigres, le chef des Gaulois en ressort magnifié par la postérité : dès lors, les manuels scolaires de la IIIe République présentent les français comme descendants des Gaulois et d’un illustre chef de guerre. Cette image est aujourd’hui ancrée dans la conscience collective et contribue à l’unification des français.
Les victoires participent à l’unité nationale, comme l’a compris très tôt le roi Louis-Philippe Ier. A Versailles, il aménage la Galerie des Batailles, afin de célébrer les victoires françaises, associant à chaque bataille un héros auquel s’identifier. Même Napoléon Bonaparte a sa place parmi les rois de France mais n’est pas perçu comme l’empereur : il devient un chef de guerre, au même titre que les rois qui l’ont précédé, ne représentant ainsi qu’une étape dans la chronologie de l’Histoire de France.
De grandes batailles, telles que Bouvines (1214) le siège d’Orléans (1429) ou Austerlitz (1805) sont synonyme de glorieuses victoires, qui contribuent à forger le mythe des protagonistes qui leur sont attachés ( ici Philippe Auguste, Jeanne d’Arc et Napoléon Ier). Au fil des siècles, des artistes-peintres mettent leur talent au service de l’Histoire, afin de mettre en scène ces batailles décisives. Les tableaux sont pourtant peu réalistes et obéissent surtout à une volonté de monter une vue d’ensemble de l’affrontement, et de mettre l’accent sur l’héroïsme individuel ou collectif. Découvrez comment la guerre est représentée depuis le Moyen-Age, ainsi que l’évolution du style du « tableau de bataille », qui finira par être détrôné par la photographie. Celle-ci donnera alors une vision beaucoup plus tragique et moins « romantique » de la guerre et livrera toutes les atrocités qui vont avec.
Certaines victoires non décisives ont également marqué notre Histoire car elles ont révélé le génie ou le courage d’un chef de militaire. Ainsi la bataille de Rocroi (1643), où l’armée française écrase les Habsbourg, n’est qu’une étape dans la guerre franco-espagnole (1635-1659). Cependant, le jeune duc d’Enghien s’illustre par son côté stratège et gagne le surnom de « Grand Condé » ou de « Monsieur le Prince le héros ». De même, si on évoque souvent la victoire de Charles Martel à Poitiers (732), on sait peu de choses sur la bataille, à commencer par sa localisation exacte ! Si la défaite des musulmans n’a pas entraîné la fin des raids des « sarrasins », Charles Martel a largement profité de sa victoire (et de la mort du chef ennemi Abdérame Ier) pour conforter son statut de protecteur de la chrétienté.
Les guerres sont aussi parfois synonyme de défaites, qui marquent la mémoire collective. Le désastre d’Azincourt (1415) est le parfait exemple d’une grande désorganisation de la part de la chevalerie française, face à une armée anglaise moins importante en nombre. C’est un tournant dans la Guerre de Cent Ans, qui vient ébranler la monarchie, endeuillée par la disparition de plusieurs grandes figures de la noblesse (parfois plusieurs membres d’une même famille), à l’exemple des frères du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. La défaite française redistribue les cartes et devient une bataille héroïque pour l’Angleterre.
D’autres défaites vont contribuer au mythe de l’homme qui a mené le combat : la bataille de Waterloo (1815) sonne le glas pour Napoléon Ier. Le vainqueur d’Austerlitz, le stratège qui fait trembler l’Europe, est contraint à d’abdiquer quelques jours après la victoire des anglais et des prussiens. Vaincu, l’empereur des français n’a pourtant pas démérité, se montrant brave et courageux, refusant de quitter le champs de bataille. C’est cette attitude qui est retenue, plus que l’échec de l’armée française, et qui fait de Waterloo une « défaite glorieuse » pour la France.
La bataille de Sedan (1870) marque durement la mémoire collective. Vaincu, Napoléon III est même capturé par l’ennemi et écrit à son épouse : « Grand désastre, l’armée est défaite et captive, moi-même je suis prisonnier ». Pour les français, la défaite est dure à digérer : un empereur déchu et un échec militaire total dû à une succession de mauvaises décisions. Les français se sentent humiliés, honteux face à la Prusse victorieuse pour qui Sedan est un symbole de gloire. En France, la défaite de Sedan aura pour conséquence la chute du Second Empire et la proclamation de la IIIe République, quelques mois plus tard. Reste le souvenir d’un combat héroïque, dont les atrocités seront « gommées » de la mémoire collective. Blessés dans leur amour-propre, les français se « réjouiront », quatre décennies plus tard, de pouvoir prendre « leur revanche » sur les « Bosch » (terme péjoratif pour désigner les allemands pendant la guerre de 1870 !) quand éclatera la Première Guerre Mondiale.
Revivez les grandes batailles qui ont eu un impact sur notre unité nationale, et dont les artistes et écrivains se sont emparés pour toujours mettre en valeur le génie militaire, la bravoure des soldats et les comportements héroïques des hommes au premier plan. Tableaux flatteurs, récits glorieux, reconstitutions historiques, tout est mis en œuvre pour que les français restent fiers de leur Histoire, malgré des débâcles militaires. Découvrez les conséquences géopolitiques, diplomatiques mais aussi économiques de ces victoires et de ces défaites, à partir desquelles la France s’est construite.
mensuel N° 895 / juillet-août 2021 (n° double 895 et 896)