Un Tableau, une Histoire

Le massacre de la Saint-Barthélemy

Ce tableau du massacre de la Saint Barthélemy est réalisé entre 1576 et 1584 par François Dubois (1529-1584), rescapé de la tuerie, alors que toute sa famille  – de confession protestante – a été assassinée par les catholiques, le 24 août 1572.

Le massacre de la Saint-Barthélémy, par François Dubois (XVIe siècle)
Le massacre de la Saint-Barthélémy, par François Dubois (XVIe siècle)

Le peintre souhaite que son œuvre reflète la réalité du massacre à travers les vêtements. Ainsi, les catholiques sont représentés en rouge et les protestants (ou huguenots) en noir ou en chemise de nuit, les massacres ayant débuté en pleine nuit, afin de surprendre les protestants dans leur sommeil. En distinguant ainsi les catholiques des huguenots, François Dubois a sûrement voulu afficher la vision qu’ont les catholiques vis à vis des protestants : ceux-ci, en noir, symbolisent les démons à tuer. Les catholiques, en rouge, sont les bourreaux, ceux qui versent le sang « impur » des huguenots.

Détail du tableau représentant des protestants assassinés, vêtus de noir ou en chemise de nuit
Détail du tableau représentant des protestants assassinés, vêtus de noir ou en chemise de nuit

Le sang est partout sur le tableau, même à des endroits vides : on peut observer certaines tâches de sang sans qu’il y ait de victimes à proximité. Les chiens, présents dans le tableau, représentent à la fois la fidélité – aux catholiques –  et la violence qu’ils peuvent montrer envers leurs ennemis. Au delà de la tuerie, on assiste également à des scènes de pillages, la plupart des protestants étant souvent aisés de part leurs fonctions ou leurs métiers. 

Chien et tâches de sang sans corps à proximité (détail du tableau)
Chien et tâches de sang sans corps à proximité (détail du tableau)

L’assassinat de Gaspard de Coligny est ici fort bien représenté, sur plusieurs scènes du tableau : on voit son corps à la fenêtre de sa demeure puis, en bas de celle-ci, l’image du corps de l’amiral, qui est émasculé et décapité, probablement par le duc de Guise. Les restes de Coligny sont ensuite jetés à la Seine comme s’il s’agissait de détritus. Les parties du corps que l’on retrouve sur la scène du crime sont symboliquement pendues au gibet de Montfaucon (représenté en haut, à l’extrême droite du tableau).  

Scène du tableau représentant, en trois actes, l'assassinat de l'amiral Coligny
Scène du tableau représentant, en trois actes, l’assassinat de l’amiral Coligny

Le Louvre (au fond au centre) conserve son aspect médiéval. La porte de Saint-Honoré est fermée par une porte de bois (la porte Lucy), gardée par des soldats : François Dubois a la volonté d’indiquer qu’il n ‘y a aucun point de fuite : on ne ressort du tableau – et donc de la ville de Paris – que mort. Prés du Louvre, on remarque Catherine de Médicis dans sa robe noire. A ses pieds, gisent les corps de protestants, nus, massacrés en masse. Si la reine mère n’a pas participé physiquement à la tuerie, François Dubois veut souligner sa responsabilité dans ce massacre. A la fenêtre droite du Louvre, Dubois a pu vouloir représenter le roi Charles IX tirant sur des huguenots. 

 
Détail du tableau représentant Catherine de Médicis et Charles X à sa fenêtre
Détail du tableau représentant Catherine de Médicis et Charles IX à sa fenêtre

Le peintre utilise le système du collage pour donner une vision totale de Paris et de l’horreur de la Saint-Barthélemy dans l’ensemble de la capitale française : ainsi, sur le tableau, la tour du Nesle et l’Eglise des Grands-Augustins sont proches du Louvre (à gauche du palais). Le gibet de Montfaucon ainsi que la montagne Sainte-Geneviève sont également représentés. Si François Dubois ne respecte pas la topographie de Paris, c’est pour exprimer le fait que le massacre de la Saint-Barthélemy touche l’ensemble de la capitale.  On a une impression de chaos, sans grands axes de direction de la part de François Dubois : il n’y a pas de parallélisme, les couleurs sont diverses et des lances partent dans tous les sens. Le massacre n’épargne personne : Dubois nous montre des vieillards, des femmes, des enfants morts, des bébés sortis du ventre de leur mère. On remarque même deux enfants (probablement catholiques) qui traînent un nourrisson au bout d’une corde, vers la Seine, désormais rouge du sang des protestants. 

Détails représentant une femme enceinte et un bébé tiré par deux enfants catholiques
Détails représentant une femme enceinte et un bébé tiré par deux enfants catholiques

Sur un toit, un homme cherche une échappatoire à cette tuerie mais semble déjà condamné… à moins que François Dubois ait choisi de se représenter discrètement dans son tableau, fuyant le massacre. 

Un huguenot cherchant à fuir
Un huguenot cherchant à fuir

Le sable, qui sert de support, ne semble pas pouvoir aspirer tout le sang répandu d’où certaines traces de sang sans qu’il y est de corps (qui ont sans doute été traînés, démembrés, déplacés…). Dubois donne l’impression que le sang sort du tableau : c’est une vision de « vrai sang » que nous percevons. La scène, vécue par François Dubois, s’inscrit dans une violence frénétique (massacre) mais également dans une violence dite « purificatrice » et universelle.

Dans un contexte de tension, de foi contre foi, Dubois peint le martyr de tous les protestants et la vision de deux camps irréconciliables. Tous les détails de cette terrible nuit de la Saint-Barthélemy se trouvent dans cette œuvre : les femmes transpercées, les pillages, l’assassinat de Coligny… afin de nous donner une véritable vision de ce massacre, qui marque un tournant dans l’Histoire de France.  

Article associé : 

– Marie Touchet et la Saint-Barthélemy

 

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