Enigmes de l'Histoire

La mystérieuse naissance du Roi-Soleil

La naissance de Louis-Dieudonné, survenue vingt-trois ans après l’union de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, a suscité bien des hypothèses. Comment se fait-il que le couple soit resté stérile durant tout ce temps ? Louis XIV est-il véritablement le fils légitime de Louis XIII ? Entre légende et réalité, les hypothèses se multiplient. 

Le 5 décembre 1637, Louis XIII rend visite à son ancienne favorite, Louise de La Fayette, devenue Sœur Angélique, au couvent des filles de Sainte-Marie, rue Saint-Antoine à Paris. Le roi revient de Versailles et doit se rendre ensuite à Saint-Germain. De ce que les deux anciens amants se sont dit dans le parloir, personne n’en saura jamais rien. Mais peut-être Louise de la Fayette a-t-elle fait comprendre à Louis que la situation est grave : s’il vient à mourir sans laisser de fils, la couronne passerait à son frère cadet, l’intriguant Gaston d’Orléans. Au sortir du couvent, un orage s’abat sur la ville. Le roi décide d’attendre que le temps se calme, en vain. Encouragé par son capitaine des gardes, Guitaut, et peut-être suite à sa conversation avec Louise, le roi prend la décision de passer la nuit au Louvre où se trouve justement la reine Anne d’Autriche. Louis XIII partage le repas de son épouse… ainsi que son lit. Il repart le lendemain. Neuf mois après, jour pour jour, naît le futur Louis XIV.

Louise de La Fayette (gravure du XIXe siècle)
Louise de La Fayette (gravure du XIXe siècle)

La reine n’est pas stérile puisqu’elle a fait au moins deux fausses-couches en 1622 et 1625. Après ces tentatives manquées, le roi abandonne, lassé de son épouse. Il faut dire que Louis XIII n’est pas porté –à l’inverse de son père Henri IV surnommé le « Vert-Galant »- sur les femmes et l’amour qu’il porta à Marie de Hautefort, puis à Louise de la Fayette, fut purement platonique. Anne d’Autriche déçoit le roi, par ses grossesses qu’elle ne parvient pas à mener à terme. Or, la principale mission d’une reine est de donner un héritier au royaume. A partir de 1625, Louis XIII côtoie peu Anne, qui risque d’être répudiée. La révolte de Montmorency, en 1632, achève de séparer le couple : le roi se dit « très dégoûte d’elle » et la reine « très peu satisfaite de lui ».

Lors de la naissance du dauphin, le roi est à table est n’arrive qu’après la délivrance de la reine. Louis XIII est ravi d’avoir enfin un fils et pourtant, il le regarde tristement. La cour commence à jaser : le roi douterait-il de sa paternité  ?

Anne d'Autriche, par les frères Beaubrun (1638) : il s'agit d'un rare portrait où une reine apparaît enceinte
Anne d’Autriche, par les frères Beaubrun (1638) : il s’agit d’un rare portrait où une reine apparaît enceinte

Cela reviendrait à dire que la reine a été  infidèle au roi. D’un côté, il y a ceux qui attestent de la piété d’Anne d’Autriche, qui ne lui aurait jamais permis de commettre l’adultère. D’un autre, il y a ceux qui avancent plusieurs noms de gentilshommes qui auraient été les amants de la reine. L’affaire du Val de Grâce, survenue en 1637, a fortement tachée la réputation d’Anne d’Autriche. Aux dires des rumeurs, c’est avec l’aide de son amie, Mme de Chevreuse, que la reine voyait ses soupirants. Si elle ne succombe pas dans les bras du duc de Buckingham, la reine de France a peut-être été la maîtresse de prince de Montmorency (décapité en 1632… à cause de cette liaison ?) et d’Antoine de Bourbon (né de la liaison d’Henri IV avec Jacqueline de Bueil). Encore plus surprenant : d’après certains, Anne d’Autriche aurait été la maîtresse du propre frère de Louis XIII, Gaston d’Orléans, avant son mariage avec Marie de Bourbon-Montpensier en 1626. C’est en tout cas ce qu’avance Guy Breton (qui n’est pas historien) dans son ouvrage  « Histoire d’amour de l’histoire de France ». Reste maintenant à trouver des preuves concrètes de ceci.

Si le petit dauphin qui vient de naître n’est pas le fils de Louis XIII, ne serait-ce pas également parce que le roi est impuissant ? Car en effet, en septembre 1630, le monarque souffre d’un « abcès au bas ventre ». Beaucoup pensent que ce mal mystérieux pourrait être  à l’origine de l’impuissance du roi. Plus troublant encore : à la mort de Louis XIII en 1642, les médecins auraient  découvert -non sans effroi – au cours de l’autopsie, que « le roi ne pouvait avoir d’enfants » (Pierre Vernadeau). Si cette thèse est un jour confirmée, cela remettra également en doute la paternité de Louis XIII pour Philippe d’Anjou, qu’Anne d’Autriche met au monde en 1640.

Le cardinal  Jules Mazarin, attribué à Mathieu Le Nain (XVIIe siècle)
Le cardinal Jules Mazarin, attribué à Mathieu Le Nain (XVIIe siècle)

Il faut néanmoins rappeler que, du temps où le roi Louis XIII est en vie, personne n’émet de doutes sur sa paternité. Ce n’est que bien plus tard, pendant la régence compliquée d’Anne d’Autriche et de Mazarin, que les rumeurs se répandent, lors de la Fronde (1648-1653). C’est dans ce contexte que Jules Mazarin est « désigné » comme père de Louis XIV. Proche de la reine (avec qui il se serait marié secrètement –mais on ne peut l’affirmer), il est le parrain de Louis XIV, un modèle voire un père spirituel pour le jeune roi. Un argument renverse  cependant cette hypothèse : le cardinal Mazarin est à Rome de 1636 à 1639. Il est donc absent lors de la conception de Louis XIV. 

François de Bourbon-Vendôme, duc de Beaufort (petit-fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées) aurait été l’amant de la reine en 1637, ce qui est suffisant pour que certains en fassent le géniteur de Louis XIV. De là, vient d’ailleurs la légende du masque de fer qui serait le duc de Beaufort, lequel est officiellement mort lors de la bataille de Candie, en 1669 (cependant son corps ne fut jamais retrouvé). Aujourd’hui, il est admis qu’il est peu probable que François de Beaufort soit le prisonnier masqué mais ce fait ne décourage pas ceux qui en font le père biologique de Louis XIV.

François de Bourbon, duc de Beaufort, par Jean Nocret (1649)
François de Bourbon, duc de Beaufort, par Jean Nocret (1649)

On évoquera également le cardinal de Richelieu, qu’Anne d’Autriche déteste. On voit mal comment,  dans ces conditions, ce dernier pourrait être le père du dauphin Louis-Dieudonné. Néanmoins, après l’affaire du Val de Grâce où la reine est menacée d’être répudiée pour avoir correspondu avec l’Espagne, le cardinal aurait pu lui faire du chantage. De là, jaillit une histoire incroyable, que l’on se transmet sous le manteau durant la Fronde : la reine aurait cédé à Richelieu pour ne pas être renvoyée en Espagne. Enceinte, elle aurait accouché d’un fils en mars 1638. Cet enfant –futur Louis XIV- aurait été présenté en septembre 1638 comme le fils du roi. Pourtant, si la reine avait accouché en mars, comment aurait-elle fait pour paraître enceinte jusqu’en septembre ? D’ailleurs, le 5 septembre, plusieurs témoins ont assisté à la naissance du dauphin. Il aurait été bien difficile de faire passer un enfant de six mois pour un bébé qui vient de naître. L’hypothèse  – et l’histoire farfelue – s’écroule.

Pour faire taire les rumeurs sur l’impuissance de Louis XIII, quoi de mieux que d’évoquer la naissance de son second fils, le duc d’Anjou, en 1640, suite à laquelle  Louis XIII paru tout en joie. L’aurait-il été s’il avait été convaincu  que cet enfant n’était pas de lui ?

Si l’on voit dans ce soir d’orage du 5 décembre 1637 un coup du destin qui a réuni le roi et la reine, et qui a donc permis la naissance d’un fils, notons que certains médecins prévoyaient la naissance pour la fin août 1638, prenant  la période du 22 au 28 novembre 1637 comme date de conception. C’est ici la preuve que, si Louis XIV a bien été conçu le 5 décembre 1637, le couple royal tentait depuis déjà quelques temps d’avoir un enfant.

Louis XIV dans les bras de sa première nourrice, Elisabeth d'Ancel, par les frères Beaubrun  (1638)
Louis XIV dans les bras de sa première nourrice, Elisabeth d’Ancel, par les frères Beaubrun (1638)

En 2013, l’ADN permet d’établir un lien direct entre Henri IV et Louis XIV, grâce à une comparaison entre le crâne du Vert-Galant et le sang de Louis XVI conservé sur un mouchoir. Par conséquent, il est désormais certain que les rois qui se succèdent de 1589 à 1793 appartiennent tous à la même famille, celle des Bourbon. Cela semble exclure définitivement l’hypothèse selon laquelle Louis XIV n’est pas le fils de Louis XIII. Cependant, si le Roi-Soleil ne peut avoir pour père Richelieu ou Mazarin, il ne faut pas oublier que le duc de Beaufort descend, comme Louis XIII,  d’Henri IV…

Bibliographie :

– Les reines de France au temps des Bourbons : les deux régentes, par Simone Bertière
Histoires d’amour de l’histoire de France, par Guy Breton (livre III)
Anne d’Autriche : la jeunesse d’une souveraine, par Marie-Catherine Vignal Souleyreau
Le médecin de la Reyne :  docteur Pardoux Gondinet, médecin d’Anne d’Autriche, par Pierre Vernadeau 

Article associé :
Anne d’Autriche eut-elle des grossesses non désirées ?

Laisser un commentaire