La bague de fiançailles d’Elizabeth II, reine de Grande-Bretagne
Elizabeth II s’est éteinte le 8 septembre 2022, à l’âge de 96 ans. Le 9 avril 2021, elle avait perdu son époux, Philip Mountbatten, duc d’Édimbourg, âgé de 99 ans. Le couple a contracté un mariage d’amour, mais Philip n’a pas fait l’unanimité dans la famille royale. S’il est apprécié par son beau-père, George VI, le prince de Grèce est mal considéré par la mère de son épouse, Elizabeth Bowes-Lyon, ainsi que par la reine douairière, Mary de Teck, qui ne trouvait pas Philip d’assez bonne naissance pour convoler avec l’héritière du trône d’Angleterre, et ce malgré le fait qu’il ait également pour ancêtre la reine Victoria Ire.
En effet, Elizabeth et Philip descendent tous les deux de Victoria Ire et du prince Albert, leurs arrière arrière grands-parents. Elizabeth fait partie de branche aînée, par son arrière grand-père le roi Edward VII. Philip descend de Victoria Ire par les femmes : son arrière grand-mère, la princesse Alice (1843-1878) est la sœur d’Edward VII. Celle-ci a donné naissance à Victoria de Hesse-Darmstadt (1863-1950), elle-même mère d’Alice Mountbatten-Battenberg (1885-1969). C’est de l’union de cette princesse allemande avec André de Grèce que naît Philip en 1921.
La princesse Elizabeth étant plus jeune que Philip, le roi George VI accorde la main de sa fille au prince de Grèce en 1946, à la condition que l’annonce officielle des fiançailles soit reportée à l’année suivante, lorsque la princesse aura atteint ses 21 ans. En effet, le roi veut laisser à sa fille le temps de réfléchir à sa décision d’épouser Philip, confiant à sa mère, Mary de Teck , à propos du prince : « Il est intelligent, il a du bon sens, de l’humour, et pense bien sur les bonnes choses. Mais Elizabeth est trop jeune pour cela. Elle n’a jamais vraiment rencontré de garçons de son âge ».
Entre l’accord du roi et l’annonce des fiançailles, Philip renonce à ses titres royaux grecs et se convertit à l’anglicanisme, la religion de sa future épouse. Il est naturalisé britannique en mars 1947. C’est à ce moment là que Philip adopte le nom de sa mère, « Mountbatten », afin de faire oublier aux anglais ses origines allemandes (qui ne jouent pas en sa valeur après les deux Guerres Mondiales).
Mais Philip met également à profit le temps entre sa demande au roi et les fiançailles officielles pour partir en quête d’une bague qu’il offrira à Elizabeth et qu’elle pourra afficher lors de l’annonce de leur mariage. Mais la famille de Philip, qui a été bannie de Grèce alors que le prince n’était qu’un bébé, ne possède pas de fortune lui permettant de rivaliser avec les joyaux de la couronne britannique. C’est la mère de Philip, Alice de Mountbatten-Battenberg, qui va transmettre à son fils un bijou unique, lui permettant de créer une bague – toute aussi unique – pour Elizabeth : un diadème offert en 1903 à l’occasion de son mariage, par le tsar de Russie, Nicolas II, et son épouse l’impératrice Alexandra (née Alix de Hesse-Darmstadt, elle était également la tante de la jeune mariée).
Si Philip souhaite offrir à Elizabeth une bague digne d’une future reine, il la veut également confortable, intemporelle et quelque peu discrète, compte tenu de la situation économique de l’Angleterre après la Seconde Guerre Mondiale. Aussi, tous les diamants du diadème ne sont pas utilisés pour cette création. C’est le joaillier londonien Philip Antrobus qui est chargé par la famille Mountbatten de réaliser la bague de fiançailles de la princesse Elizabeth, à l’allure à la fois sobre et élégante. La dite bague se compose d’un anneau de platine avec, en son centre, un diamant central de 3 carats (relativement modeste pour une future reine) tenu par huit griffes et accompagné de dix diamants (cinq de chaque côté) de différentes tailles, incrustés dans la monture. C’est cette bague que la princesse Elizabeth arbore fièrement le 10 juillet 1947, au lendemain de l’annonce de ses fiançailles.
Depuis cette date, ce présent de Philip Mountbatten (titré duc d’Edimbourg lors de son mariage) n’a plus quitté le doigt d’Elizabeth II, qui a porté sa bague toute sa vie, par dessus son alliance en or gallois. D’autres reines ont pourtant remplacé leur bague de fiançailles par une autre, à l’exemple de sa mère, Elizabeth Bowes-Lyon, qui avait reçu une bague sertie d’un saphir lors de ses fiançailles. Après la mort de George VI, en 1952, la reine mère porte, toujours avec son alliance, une autre bague composée d’une perle entourée de diamants.
A l’inverse, la bague créée pour Elizabeth par Philip Mountbatten n’a jamais quitté la reine, et on peut l’admirer jusque sur les portraits officiels. Durant son règne, la souveraine utilise même sa bague lorsqu’elle souhaite écourter une conversation qu’elle juge ennuyeuse, en la faisant tourner plusieurs fois : c’est le signal indiquant aux domestiques qu’il est temps de mettre un terme à l’entrevue. Après le décès de son époux, en avril 2021, Elizabeth II ne change rien à son habitude de porter son alliance et sa bague de fiançailles.
D’abord inhumé sous la chapelle Saint-Georges, le 17 avril 2021, le cercueil du prince Philip rejoindra la chapelle du mémorial George VI après les funérailles d’Elizabeth II, le 19 septembre 2022. Les deux époux reposeront aux côtés des parents d’Elizabeth II – George VI et Elizabeth Bowes-Lyon – et de la princesse Margaret.
Contrairement à la reine Victoria Ire, qui s’est faite enterrée avec sa bague de fiançailles, Elizabeth II n’aurait pas choisi être inhumée avec la sienne. En effet, depuis quelques générations, les bijoux familiaux se transmettent de génération en génération chez les Windsor. On a ainsi vu le roi Charles III offrir en 2005 à sa seconde épouse, Camilla Shand, une bague sertie de diamants portée jadis par sa grand-mère, Elizabeth Bowes-Lyon. De même, pour ses fiançailles avec le prince William en 2010, Catherine Middelton a reçu la célèbre bague « marguerite » avec un saphir bleu nuit de Diana Spencer.
Quant à la bague portée pendant soixante-seize ans par la défunte reine, elle sera peut-être un jour offerte par le petit prince George, arrière petit-fils d’Elizabeth II, à sa future épouse. Ainsi, dans quelques décennies, nous pourrions revoir au doigt d’une jeune femme ce bijou chargé de symboles et d’amour…
Bibliographie :
– Philippe d’Edimbourg : une vie au service de Sa Majesté, par Philippe Delorme
– Elizabeth II (édition « jubilé de platine »), par Jean des Cars
– Elisabeth II : La vie d’un monarque moderne, par Sally Bedell Smith