Favorites Royales

Jeanne de Pompadour, l’amie nécessaire de Louis XV

Fille de Louise Madeleine de la Motte, et officiellement de François Poisson, la petite Jeanne-Antoinette naît à Paris le 29 décembre 1721. D’une grande beauté, sa mère multiplie les liaisons amoureuses. L’absence prolongée de François Poisson – qui s’éloigne souvent pour ses affaires  étant commis de banques –  à l’époque de la conception de Jeanne-Antoinette rend peu plausible sa paternité. Le père biologique de Mademoiselle Poisson est peut-être son parrain, Jean Pâris de Marmontel, ou plus probablement le financier Charles-François Le Normant, sieur  de Tournehem, lequel  montrera toute sa vie une attention particulière à Jeanne-Antoinette. Après la naissance de cette première fille, Mme Poisson a encore deux enfants dont on ne peut garantir que François Poisson soit le père : Françoise Louise (née et morte en 1724) et Abel François (1725-1781). Impliqué dans une sombre affaire d’argent, François Poisson doit quitter la France en 1727, date à laquelle Louise Madeleine obtient la séparation d’avec son époux. La petite Jeanne-Antoinette est envoyée à l’âge de 8 ans au couvent des Ursulines de Poissy, à Paris, dont les pensionnaires sont issues des grandes familles. Jeanne-Antoinette y apprend à lire et à écrire. Choyée, Jeanne-Antoinette est cependant de santé fragile et ,en janvier 1730, sa mère doit la reprendre. C’est à ce moment là que Charles-François Le Normant de Tournehem prend en main l’éducation de la fillette en lui prodiguant les meilleurs professeurs de maintien, danse et déclamation de l’époque. Mademoiselle Poisson reçoit une éducation parfaite. D’un caractère joyeux, Jeanne-Antoinette enchante ses proches et manifeste très vite l’envie de fréquenter les salons. Belle, enjouée et douée pour l’art et la conversation, la jeune fille fait sensation.

Jeanne Antoinette "en Diane" par Jean-Marc Nattier (1746)
Jeanne Antoinette « en Diane » par Jean-Marc Nattier (1746)

Le sieur de Tournehem prend ensuite la décision de marier la jolie Jeanne-Antoinette. Il aurait pût épouser lui-même la jeune demoiselle Poisson mais, parce qu’il doit se douter d’en être le père, il la marie à son neveu, Charles-Guillaume Le Normand d’Etiolles, le 9 mars 1741. Le 26 décembre de la même année, Mme d’Etiolles met au monde un fils prénommé Charles Guillaume Louis. Hélas, l’enfant meurt en 1742. Le 10 août 1744, Jeanne-Antoinette donne naissance à une fille, Alexandrine Jeanne. Durant ses premières années de mariage, Mme d’Etiolles fréquente les salons, rencontre Voltaire ainsi que Diderot, et adhère à leurs idées nouvelles. Elle mène une vie effrénée dans un monde mondain rempli de plaisirs. Son mari, préoccupé par ses affaires – il est financier – est vite écarté par Louise  Madeleine de la Motte et Charles-François Le Normant . Les parents de Jeanne-Antoinette visent pour la jeune femme d’une grande beauté et d’un charme naturel une place au sommet : celle de favorite royale. Justement, la maîtresse en titre de Louis XV, la duchesse de Châteauroux, vient de mourir. C’est en 1745, alors que Charles-Guillaume d’Etiolles est loin de son épouse, que celle-ci croise le roi dans la forêt de Sénart lors d’une chasse (à moins que leur première rencontre n’ait lieu au carnaval donné pour le mariage du dauphin). Pour le roi de France, c’est le coup de foudre. Très vite, Jeanne-Antoinette devient la maîtresse de Louis XV. Dés cette année, le roi l’installe au château de Versailles et fait annuler son mariage avec Charles-Guillaume Le Normand d’Etiolles. Le 14 septembre, Mme d’Etiolles est officiellement présentée à la cour et à la reine Marie Leszczynska.

Mme de Pompadour et sa fille, par Pierre Allais (1753)
Mme de Pompadour et sa fille, par Pierre Allais (1753)

A la cour, la marquise ne compte  qu’une seule amie : Elisabeth-Alexandrine de Bourbon-Condé, cousine du roi, qui partage ses idées nouvelles. A Versailles, Jeanne-Antoinette organise fêtes et réceptions pour amuser le monarque. Celle qui est devenue marquise de Pompadour se fait bientôt surnommée « Maman Putain » par les enfants de Louis XV. En effet, ces derniers ne supportent plus les scandales amoureux de leur père, en particulier le dauphin et Madame Adélaïde. En juillet 1746, l’héritier de la couronne se retrouve veuf. Jeanne-Antoinette propose alors au roi de le remarier avec la princesse de Saxe Marie-Josèphe, contre l’avis de la reine. L’union a lieu en 1747, à la grande satisfaction de la marquise de Pompadour.

Si elle est la maîtresse en titre du roi, Jeanne-Antoinette n’en aura pas d’enfants. Entre 1746 et 1749 elle fait plusieurs fausses-couches, qui ont peut-être été provoquées. En effet, Louis XV ne désire pas avoir de bâtards de ses favorites. Quant à la marquise, elle sait qu’une grossesse l’éloignerait nécessairement, pour un temps, du devant de la scène. A partir de 1751, la favorite, qui est de santé fragile et souvent incommodée, comprend qu’elle ne peut plus retenir le roi. Cependant, elle tient à rester à sa place de favorite officielle.  Jeanne-Antoinette décide donc de choisir elle-même les petites maîtresses du roi, souvent des jeunes filles sans grande vertu qui ne retiennent pas longtemps le souverain. La seule qui l’inquiète plus qu’une autre, c’est la jeune Marie-Louise O’ Murphy, que Louis XV finit par délaisser, revenant vers la marquise. A la cour, Jeanne-Antoinette s’entoure d’artistes, d’écrivains et de philosophes, au grand scandale d’un grand nombre de courtisans : outre Diderot, Voltaire ou d’Alembert, la marquise convoque des peintres et des architectes pour donner un nouveau style aux appartements du château. C’est ainsi que naît le style « Louis XV » ou « Pompadour ». La marquise développe également la manufacture de porcelaine de Sèvres.

La marquise de Pompadour par Quentin de La Tour (1754)
La marquise de Pompadour par Quentin de La Tour (1754)

Si Jeanne-Antoinette n’est plus la maîtresse du roi, elle a su rester l’amie fidèle et s’intéresse bientôt aux affaires de l’Etat : elle prend des décisions politiques, nomme et renvoie les ministres. La marquise soutient, entre autre, la carrière du duc de Choiseul et celle du cardinal de Bernis. Son frère, Abel François Poisson, tire également profit de la situation de sa sœur et devient surintendant des Bâtiments. L’Impératrice d’Autriche Marie-Thérèse lui écrit personnellement, sollicitant l’appui de la France contre la Prusse. Jeanne-Antoinette pousse alors Louis XV à soutenir l’Autriche : il en résulte la guerre de sept ans, de 1756 à 1763. En 1752, la marquise reçoit les honneurs du tabouret, réservés aux duchesses. En 1756, elle est nommée dame du palais de la reine. Un drame vient secouer la marquise en 1754 : sa fille Alexandrine meurt d’une péritonite le 15 juin, loin de sa mère. Mme de Pompadour ne se remettra jamais de la perte de sa fille. Il s’avère bientôt que Jeanne-Antoinette n’est pas une fine politicienne, même si elle occupe la place virtuelle de premier ministre du roi et siège au Conseil : la France s’endette dans la guerre de sept ans, perd la bataille Rossbach en 1757 et le Canada. Le royaume est dans une crise financière grave : Louis XV doit aller jusqu’à faire fondre son argenterie, geste que fait également la marquise de Pompadour, pour donner l’exemple.

Mme de Pompadour, par François Boucher (1759)
Mme de Pompadour, par François Boucher (1759)

En 1763, le traité de Paris met fin à la guerre de sept ans tout en humiliant la France qui y perd beaucoup. Mais Jeanne-Antoinette est trop épuisée pour se réjouir de la fin de la guerre. Le train de vie de la cour, la lutte permanente contre de potentielles rivales et contre le clan anti-Pompadour (rassemblant les enfants du roi) ainsi que la mort de la petite Alexandrine l’ont affaiblie. Souffrant de troubles respiratoires et cardiaques, Jeanne-Antoinette est malade continuellement, victime de bronchites, fièvres et crachements de sang. En février 1764 elle contracte une pneumonie. Mme de Pompadour voit Louis XV pour la dernière fois le 14 avril. Après avoir reçu l’extrême-onction, Jeanne-Antoinette meurt le 15 avril 1764, au château de Versailles, à l’âge de 42 ans. Elle est la seule favorite à mourir dans la demeure royale. Le roi organise ses obsèques mais ne peut y assister. Les funérailles ont lieu à l’église de Notre-Dame le 17 avril. En regardant le convoi funéraire depuis son balcon, Louis XV déclare : « Voilà les seuls devoirs que j’ai pu lui rendre… une amie de vingt ans ». Le souverain manifeste un profond chagrin à la mort de celle qu’il n’a jamais vraiment cessé d’aimer. Si elle n’était plus son amante depuis de nombreuses années, la marquise de Pompadour avait su maintenir sa position auprès du roi, en devenant l’amie indispensable. Jeanne-Antoinette est inhumée à Paris, en l’église des religieuses Capucines, auprès de sa fille. 

pour en savoir plus : “Madame de Pompadour” d’Evelyne Lever

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