Histoire des Rois

Jean Ier : un règne de cinq jours

Le 19 août 1315, Louis X épouse en secondes noces Clémence de Hongrie. Le 5 juin 1316, le roi meurt à l’âge de 26 ans, dans des conditions suspectes, laissant la reine enceinte. Beaucoup espèrent que l’enfant à venir sera un fils car, de sa première union avec Marguerite de Bourgogne, Louis X n’a eu qu’une fille, Jeanne, qui ne peut régner en vertu de la loi salique. Il est décidé que le frère du défunt roi, le comte de Poitiers, montera sur le trône si la reine Clémence accouche d’une fille. Dans l’attente de la délivrance de la reine, il régente  le royaume de France. 

Le 15 novembre 1316, au Louvre, la veuve de Louis X met au monde un fils, roi dès sa naissance sous le nom de Jean Ier, dit « le Posthume ». Si beaucoup se réjouissent que Clémence de Hongrie ait accouché d’un enfant mâle, cela anéantit les espoirs de Philippe de Poitiers de monter sur le trône. Le frère de Louis X ne sera que lieutenant du royaume, la mère de l’enfant-roi pouvant revendiquer la régence. 

Jean Ier, par le médailleur Jean Dassier 1676-1763)
Jean Ier le Posthume, par le médailleur Jean Dassier (1676-1763)

L’enfant est en parfaite santé et doit être présenté aux Grands du royaume, comme le veut la tradition lorsque naît un héritier royal. Mahaut d’Artois – cousine de Philippe IV le Bel – obtient le privilège de tenir le petit roi lors de sa présentation, le 19 novembre. La nuit suivante, l’enfant est au plus mal et décède. Jean Ier est inhumé le lendemain, 20 novembre 1316, à la basilique de Saint-Denis, aux pieds de son père. Bien vite, des bruits d’empoisonnement courent pour expliquer la disparition du petit roi. 

Il est possible Jean Ier ait été victime – comme beaucoup de nouveau-nés – de la mort subite du nourrisson, d’autant qu’à l’époque, la mortalité infantile est très élevée. Fléau des familles, elle n’épargne aucune classe sociale, d’où la nécessité d’avoir de nombreux enfants pour espérer en voir quelques uns parvenir à l’âge adulte. 

Mais peu de personnes croient au décès naturel de Jean Ier, dont la disparition profite à la comtesse d’Artois. En effet, Philippe de Poitiers a épousé Jeanne de Bourgogne, fille de Mahaut. Par conséquent, si le frère de Louis X monte sur le trône, Jeanne devient reine de France. Certains accusent même le comte de Poitiers d’être complice de cet infanticide. N’est-il pas parvenu à écarter sa nièce, Jeanne  – née du premier mariage de Louis X avec Marguerite de Bourgogne –  de la succession au trône ? Les accusations cessent dés que le gendre de Mahaut d’Artois est sacré roi, sous le nom de Philippe V, sans doute par peur des représailles. 

Le convoi funéraire de Jean Ier le Posthume
Le convoi funéraire de Jean Ier le Posthume

Aujourd’hui, beaucoup restent persuadés que Jean Ier est mort assassiné car, si les maladies infantiles font des ravages, dans les familles puissantes les ambitions de certains constituent également une réelle menace pour des enfants dont l’existence contrarie leurs plans.  Si l’assassinat pour la prise du pouvoir n’est plus aussi répandue qu’auparavant, plusieurs rois mérovingiens et carolingiens ont fait exécuter des membres de leur famille, dont des enfants. 

Faire disparaître un nourrisson est une chose encore plus aisée, en raison de la fragilité naturelle des nouveau-nés. Philippe V a lui-même perdu un fils au berceau, au début de l’année 1316. On a  fort bien pu utiliser le poison ou exercé une pression trop forte sur le petit Jean Ier, qui aurait écrasé ses parties vitales. Certains avancent même qu’on aurait pu enfoncer une aiguille dans la tête de l’enfant, pour le faire passer de vie à trépas.

Gisant de Jean Ier (basilique de Saint-Denis)
Gisant de Jean Ier (basilique de Saint-Denis)

Trente ans plus tard, alors que le roi Jean II – issu de la branche des Valois – est prisonnier des anglais et que son fils, le dauphin Charles, tente de sauvegarder le royaume de France, un homme du nom de Giannino Guccio prêtant être Jean Ier et, par conséquent, l’héritier de la couronne. Il tente de faire valoir ses droits, affirmant qu’on lui a substitué un enfant mort à la naissance, pour le protéger des ambitions de Mahaut d’Artois et de quelques autres Grands du royaume. Fait prisonnier en Provence, alors qu’il essaie de rallier les puissances étrangères à sa cause, cet homme, qui prétend être un roi de France, meurt en prison à Naples, en 1363. Était-il vraiment ce « roi de cinq jours » ? On ne le saura sans doute jamais, Giannino Guccio emportant  dans la mort le secret de sa véritable identité.

Bibliographie 

Les rois éphémères, par Philippe Delorme
Philippe V (1316-1322) : Frère de Louis X, par Ivan Gobry
– La France, les Femmes et le Pouvoir : l’invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), par Eliane Viennot

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