Guerre de Sécession (1861-1865) : la fracture durable des deux Amérique
Le magazine Historia consacre un numéro spécial à la guerre de sécession, ce duel fratricide qui oppose les américains du Nord à ceux du Sud. Dans cette lutte pour l’unification nationale, l’abolition de l’esclavage est au cœur de la discorde, qui conduit à quatre années de guerre civile et reste dans l’Histoire des États-Unis comme une tragédie nationale qui coûta la vie à 630.000 personnes. C’est la première fois que des américains s’opposent à d’autres. Cet épisode sanglant de l’Histoire des États-Unis engendre une fracture dans le pays, dont les conséquences se font encore ressentir aujourd’hui.
Au milieu du XIXe siècle, le Nord et le Sud prennent des chemins économiques, démographiques et culturels très différents, aux intérêts divergents. Il apparaît bientôt que l’esclavage est au cœur de cette opposition : les propriétaires d’esclaves, au Sud, font face aux anti-esclavagistes, au Nord. Alors que cette partie des États-Unis s’urbanise de plus en plus et attire de nouvelles populations, le Sud, plus pauvre, tient à sa main-d’œuvre servile pour travailler dans les plantations, en particulier les champs de coton. Les points de vue et ambitions des deux Amériques sont si éloignés qu’un nordiste est bientôt qualifié de Yankee (colon nord-américain) auquel s’oppose le Cavalier (colon de Virginie devenu planteur sudiste). Découvrez comment l’imaginaire collectif représente chaque représentant des deux camps, jusqu’à en donner une image bien éloignée de la réalité, à l’exemple du roman « Autant en emporte le vent », paru plusieurs décennies après la guerre de Sécession.
L’économie des sudistes reposant sur l’esclavage, il est impensable pour eux de supprimer la servitude des Noirs. Se sentant menacés par le Nord, où l’abolition de l’esclavage gagne de plus en plus de partisans, les États du Sud adoptent bientôt leur propre Slave Code et promulguent des lois contre le métissage, concernant autant les esclaves que les Noirs libres.
C’est dans ce climat de tensions qu’Abraham Lincoln est élu président des États-Unis. Homme politique issu du parti Républicain, son élection est accueillie comme une provocation par les sudistes. Si on pense d’abord que l’affrontement nord/sud sera court, le conflit va s’enliser et des combats sanglants se succèdent, à coups d’émeutes et de batailles de plus en plus violentes. Revivez cette guerre sur terre et sur mer, dans laquelle sont utilisés les voies de chemin de fer, mais également des navires et sous-marins.
L’acte d’émancipation des esclaves, signé par le président Lincoln en janvier 1863, intensifie l’enjeu de l’abolition de l’esclavage mais également les combats : on glisse vers une stratégie d’anéantissement de l’ennemi à qui on ne laisse rien : le pays est littéralement mis à feu et à sang avec destruction des ressources des adversaires (plantations, réserves de nourritures, villes incendiées) et massacre des populations, sans distinction d’âge ou de sexe.
La photographie, qui se développe à cette époque, permet de révéler au public l’horreur de la guerre, en capturant des images apocalyptiques après une bataille ou le siège d’une ville. Au delà des frontières, on suit de loin la guerre civile et, si certains nordistes avaient espéré l’aide et/ou le soutien de quelques pays européens, on constate vite que beaucoup décident de rester neutres, au nom de « l’équilibre des puissances ».
Réélu en novembre 1864, Lincoln est assassiné le 14 avril 1865. Le président savait sa vie menacée et demeurait fataliste sur son destin. Les nordistes font de lui un martyr, mort pour avoir défendu ses convictions. Dès lors, le fossé avec les sudistes se creuse encore un peu plus…
Si la guerre s’achève en décembre 1865, avec l’abolition de l’esclavage, les États-Unis peinent à se relever et la reconstruction au pays s’avère difficile à cause des tensions qui restent vives entre les sociétés nordiste et sudiste . Peu à peu, on voit apparaître un système de ségrégation raciale qui différencie les Blancs des Noirs. Même si les Afro-américains sont désormais libres, ils n’accèdent pas pour autant aux mêmes droits civiques que les autres.
Un homme sur cinq ayant pris part aux combats dans la guerre de sécession n’est pas revenu chez lui. Cette tragédie nationale laisse au pays de profondes blessures qui n’arrivent pas à cicatriser. Encore aujourd’hui, les États-Unis choquent le monde par les rivalités qui existent entre Noirs et Blancs. Comme au milieu du XIXe siècle, les présidents du XXIe siècle sont loin de faire l’unanimité et ne parviennent pas à ressembler les américains derrière eux : Donald Trump a souvent été accusé de racisme et d’incitation à l’insurrection (comment ne pas se souvenir de l’invasion du Capitole, en janvier 2021 ?). Quant à Joe Biden, il est déjà qualifié par une partie des américains comme un président fantoche.
Les incident de ces derniers mois mettent en lumière que la réconciliation nationale n’a jamais pu aboutir et qu’il existe toujours au États-Unis un climat de tension et de méfiance au sein de la population.
spécial N°59 mai/juin 2021