Membres de la famille Royale

Françoise-Madeleine d’Orléans, duchesse de Savoie

Au début de l’année 1648, Marguerite de Lorraine, seconde épouse de Gaston d’Orléans, est enceinte pour la troisième fois. Frère cadet de Louis XIII, le duc d’Orléans espère enfin la naissance d’un fils, ayant déjà trois filles : sa première femme, Marie de Montpensier, est morte en 1627 en mettant au monde Anne-Marie, duchesse de Montpensier (connue sous le nom de la Grande Mademoiselle). Du second mariage de Gaston sont nées les princesses Marguerite-Louise (Mademoiselle d’Orléans) en 1645, et Elisabeth (Mademoiselle d’Alençon) en 1646. Au grand dam du duc d’Orléans, son épouse accouche d’une nouvelle fille « frêle et délicate », le 13 octobre 1648, à Saint-Germain-en-Laye. Sa naissance, au commencement de la Fronde, passe quasi-inaperçue et la Gazette de l’époque ne fait pas mention de la venue au monde de celle que l’on titre Mademoiselle de Valois. Cette attitude traduit bien le déplaisir de la famille  d’Orléans, qui désire plus que tout la naissance d’un garçon. Deux ans après la naissance de Mademoiselle de Valois, Marguerite de Lorraine met enfin au monde un fils, en 1650.  Hélas, le petit Jean-Gaston décède à l’âge de 2 ans. La duchesse de Montpensier écrit alors : « Cet enfant ne donnait aucune espérance car, à deux ans, il ne parlait ni ne marchait, et n’avait point la connaissance qu’ont les autres à cet âge ». En novembre 1652, la duchesse d’Orléans donne naissance à une quatrième fille, Marie-Anne (Mademoiselle de Chartres). Pour Gaston d’Orléans, c’est une nouvelle déconvenue :  « Monsieur en fut assez fâché ; car il espérait toujours d’avoir un garçon ». La dernière enfant du couple décède, elle-aussi, en bas âge, en 1656. 

Mademoiselle de Valois est une enfant fragile, souvent malade et on doute qu’elle vive longtemps. De ce fait, elle est baptisée dès le 28 juin 1651 et reçoit les prénoms de Françoise-Madeleine. Son parrain est un cousin de son père, le prince de Conti Armand de Bourbon. Sa marraine n’est autre que la première belle-mère de Gaston d’Orléans, Henriette de Joyeuse. Alors qu’elle n’a que 4 ans, Françoise-Madeleine est fiancée à son cousin le duc d’Enghien, Henri-Jules de Bourbon-Condé, né en 1643. Alliés sous la Fronde, les Orléans et les Condé scellent ainsi leurs ambitions politiques par l’union de leurs familles.

Françoise-Madeleine dOrléans, par Louis Edouard Rioult XIX siècle)
Françoise-Madeleine d’Orléans, par Louis Edouard Rioult (XIXe siècle)

La santé de Mademoiselle de Valois, qui ne s’améliore pas une fois passé le stade de la petite enfance, demande des soins continuels. De ce fait, sa mère, Marguerite de Lorraine, tient à garder en toute occasion Françoise-Madeleine auprès d’elle. Quant à Gaston d’Orléans, après la déconvenue de la naissance de sa fille, il s’attache à celle-ci qui est aimée de tous grâce à sa gentillesse et son bon caractère. Comme toute princesse, Françoise-Madeleine a une gouvernante, qui prend soin d’elle et de ses sœurs. C’est la marquise de Nery-Raray, née Catherine d’Angennes, qui assure cette fonction. A sa mort, en 1680, Mme de Sévigné écriera que la marquise « s’était acquitté de cette charge avec tout l’applaudissement qui était dû à une personne d’un aussi grand mérite que le sien ».  Mademoiselle de Valois n’a que peu d’écart avec ses deux aînées et partage avec elles une passion pour la danse et la musique. Une fois en âge de paraître à la cour, les trois sœurs assistent régulièrement à des bals et comédies au palais du Louvre.

De ses quatre filles survivantes, Gaston d’Orléans ne cache pas sa préférence pour la jeune Françoise-Madeleine : « On s’y attacha d’abord comme on s’intéresse à la faiblesse ; on l’aima plus tard pour sa gentillesse ». La petite princesse a également fait la conquête de sa demi-sœur, la duchesse de Montpensier, qui écrit à son sujet : « La petite […] a toujours eu une tendresse particulière pour moi ». La Grande Mademoiselle compte vingt années de plus que la jeune Mademoiselle de Valois. Refusant de se marier, en repoussant les partis qui s’offrent à elle, Anne-Marie d’Orléans souhaite que son père place auprès d’elle l’une de ses jeunes demi-sœurs afin de l’adopter ! La Grande Mademoiselle, seule héritière des biens des Bourbon-Montpensier, possède une immense fortune et sait que la seconde épouse de son père est de condition bien inférieure à la sienne. En se plaçant comme protectrice de l’une de ses sœurs, elle lui assure ainsi un avenir. Sa préférence va naturellement à Françoise-Madeleine qu’elle affectionne au point que la petite Mademoiselle de Valois l’appelle sa « petite mère ». En revanche, la Grande Mademoiselle dit à qui veut l’entendre qu’elle « n’aime pas ses sœurs » Marguerite-Louise et Elisabeth. La duchesse de Montpensier écrit au sujet de Françoise-Madeleine: « Quand elle était petite, elle était forte jolie […] Elle causait fort, je l’aimais, elle m’appelait « sa petite maman ». Je l’avais demandée deux ou trois fois pour l’avoir avec moi ».  Cependant, Gaston d’Orléans refuse de se séparer de sa dernière-née et de la laisser partir chez sa fille aînée, lui déclarant : « Ma fille de Valois c’est mon divertissement, c’est pourquoi je vous l’ai refusée ». 

Mademoiselle de Valois anonyme, 1663)
Mademoiselle de Valois (anonyme, 1663)

Un temps pressentie pour épouser le duc de Savoie Charles-Emmanuel II, Anne-Marie d’Orléans est finalement écartée au profit de Françoise-Madeleine. En effet, la duchesse de Montpensier compte sept ans de plus que duc de Savoie et, si sa fortune est élevée, l’âge avançant il est de moins en moins certain qu’elle puisse un jour enfanter. Le choix de Françoise-Madeleine semble donc plus sûr. A l’époque, la Grande Mademoiselle est âgée de 34 ans tandis que Mademoiselle de Valois va sur ses 13 ans. Bien qu’un contrat de mariage ait été signé entre les Condé et les Orléans prévoyant l’union de Françoise-Madeleine et du duc d’Enghien, « les évènements se chargèrent de rompre cette union ». En effet, avec la disparition de Gaston d’Orléans, en février 1660, les Condé n’ont plus d’intérêt à s’allier avec une princesse sans fortune. D’après la duchesse de Montpensier, la veuve du duc d’Orléans s’arrangea donc pour faire épouser sa dernière-née au prince de Savoie : « Ma belle-mère fit si bien par ses intrigues en Savoie que Madame Royale [la mère de Charles-Emmanuel II] se résolut de marier de fils avec ma sœur de Valois ». En effet, la mère du duc de Savoie est encore très présente. Né en 1634, Charles-Emmanuel a perdu son père, Victor-Amédée Ier, en 1637. C’est sa mère, Chrétienne de Bourbon (sœur de Louis XIII et de Gaston), dite Madame Royale, qui a assuré la régence. Si elle privilégie Françoise-Madeleine pour épouser son fils, c’est également en raison du caractère docile de la princesse.

Ainsi, en octobre 1662, Mademoiselle de Valois est fiancée à son cousin Charles-Emmanuel II. Une fois les fiançailles concluent, le jeune prince adresse à Françoise-Madeleine une lettre passionnée l’assurant de son affection et du « feu que votre mérite et tant d’autres belles qualités qui sont en vous ont allumé dans mon âme. Elles me laissent une impatience inconcevable de voir de plus près ce que j’admire de loin, et de vous faire connaître , par toutes sortes de preuves, que je suis avec une fidélité et une passion sans pareille , votre très humble esclave et serviteur »

Détail du tableau de Jean Nocret "Louis XIV et la famille royale" (1670)
Détail du tableau de Jean Nocret « Louis XIV et la famille royale » (1670) : Françoise-Madeleine (à droite) est représentée avec ses sœurs sous le symbole des Trois Grâces.

Le mariage par procuration entre Mademoiselle de Valois et Charles-Emmanuel II est signé le 4 mars 1663 au Louvre. Partie pour son pays d’adoption le lendemain, Mademoiselle de Valois rencontre Charles-Emmanuel II à Annecy où a lieu le mariage, le 3 avril. La nouvelle duchesse de Savoie fait son entrée à Turin le 14 mai 1663. Séparée de sa famille, Françoise-Madeleine s’applique désormais à plaire à son mari et à sa belle-mère. Les époux s’entendent bien et Charles-Emmanuel apprécie les talents de danse de la nouvelle duchesse de Savoie. Quant à Françoise-Madeleine, elle suit le duc fréquemment à la chasse et dans ses déplacements malgré sa santé toujours chancelante. C’est pour cette raison qu’un médecin français a été autorisé à accompagner la jeune princesse en Savoie. Bien souvent, elle se trouve mal et doit rester dans ses appartements où Madame Royale vient lui tenir compagnie.

La passion amoureuse du jeune couple ducal ravit les savoyards, qui surnomment leur petite duchesse « la Colombine d’amour » en raison de sa « rare bonté et beauté ». Malgré les marques d’affection que son peuple et son époux lui témoignent, Françoise-Madeleine doit s’aliter en décembre 1663. Averti, son cousin Louis XIV lui envoie un certain Vaizou, qui a déjà soigné le cardinal de Mazarin. Le 27 décembre, Madame Royale décède et Françoise-Madeleine perd avec elle un précieux soutien. Extrêmement touchée par la mort de sa belle-mère, la jeune duchesse voit sa santé se dégrader davantage. Françoise-Madeleine s’éteint à Turin, le 14 janvier 1664 à l’âge de 15 ans, laissant un mari inconsolable. Lorsque la Grande Mademoiselle apprend la mort de sa jeune sœur, elle en éprouve « un sensible déplaisir » et fait porter le deuil à ses gens. 

Françoise-Madeleine d'Orléans, par l'Ecole Française (XVIIe siècle)
Françoise-Madeleine d’Orléans, duchesse de Savoie, par l’Ecole Française (XVIIe siècle)

On ignore de quel mal souffrait la jeune duchesse, qui a toujours été d’une santé fragile. On a avancé qu’elle était atteinte de tuberculose ou encore qu’elle était enceinte et qu’elle mourut en couches (les deux n’étant pas incompatibles). Charles-Emmanuel organise de splendides funérailles pour sa mère et son épouse. En hommage à la duchesse de Savoie, trop tôt disparue, il est écrit : « Fugitif éclat de la beauté ! Françoise, des Bourbons de France, fleurs des rois, reines des fleurs, dernier lis et présent éphémère du printemps, venue tard, enlevée trop tôt, comme sont les lis, ne produit que des larmes ! ». L’éphémère duchesse de Savoie est inhumée en l’église-cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin. 

Bibliographie :

Mémoires de la Grande Mademoiselle par Anne Marie d’Orléans, duchesse de Montpensier
Portraits du Grand Siècle, par Charles-Louis Livet 
Mémoires de l’Académie de Savoie, Volume VII, par l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Savoie  (1864)