Reines d'Espagne

Élisabeth de Valois, épouse de Philippe II : le devoir d’enfanter

Après la naissance d’un premier prince – le futur François II – en 1544, la dauphine Catherine de Médicis retombe rapidement enceinte. Le 2 avril 1545, elle met au monde une fille. L’enfant est baptisée le 4 juillet 1546. Elle a pour marraine la reine de Navarre Jeanne d’Albret (nièce de François Ier) et pour parrain le roi d’Angleterre Henry VIII. La petite princesse est prénommée Élisabeth, peut-être en l’honneur de la fille de son parrain (la future Élisabeth Ire Tudor). Son père, dauphin de France à sa naissance, devient roi en 1547, à la mort de François Ier.

Elisabeth de France, par François Clouet, vers 1551 (dessin, musée Condé)
Élisabeth de France, par François Clouet, vers 1551 (dessin, musée Condé)

La  « princesse de la paix »

Après la naissance d’Élisabeth, Catherine de Médicis mettra au monde huit autres enfants, assurant l’avenir de la dynastie. Élisabeth est très proche de son frère aîné François, ainsi que de sa sœur Claude (née en 1547) et de la petite Marie Stuart, qui est arrivée en France en 1547 et qui doit épouser le dauphin. Les enfants résident principalement au château de Saint Germain-en-Laye. La fille aînée d’Henri II est décrite comme étant vive, intelligente et d’une grande beauté. Très tôt, le mariage de la princesse devient un enjeu politique : Élisabeth est d’abord promise au fils d’Henry VIII, Edward VI. Mais celui-ci décède en 1553, à l’âge de 16 ans. Il est alors question d’unir la fille d’Henri II au fils du roi d’Espagne Philippe II :  le prince des Asturies Don Carlos. Du même âge qu’Élisabeth, Don Carlos est l’unique enfant de Philippe II, sa mère, Marie-Manuelle du Portugal, étant morte en couches à sa naissance. Le roi d’Espagne s’est remarié avec la reine d’Angleterre, Mary Tudor, et se retrouve veuf à nouveau en 1558. Il décide alors d’épouser lui-même la princesse française, espérant ainsi avoir d’autres enfants pour assurer la dynastie. Il faut également souligner qu’en grandissant, le prince des Asturies montre des signes d’instabilité mentale, qui inquiètent le roi pour l’avenir. Le traité du Cateau-Cambrésis, signé le 3 avril 1559, met fin au conflit entre la France et l’Espagne, scellant le destin d’Élisabeth, appelée symboliquement « la princesse de la Paix » par les espagnols (« Isabel de la Paz »). Élisabeth épouse Philippe II par procuration, le 22 juin 1559 à Notre-Dame de Paris. Le roi d’Espagne est représenté par le duc d’Albe, Ferdinand Alvare de Tolède. La jeune mariée n’a que 13 ans. C’est au cours des festivités organisées pour ce mariage que le roi de France Henri II est mortellement blessé lors d’un  tournois. En raison du deuil qui frappe la famille royale, et du jeune âge d’Élisabeth (qui n’est pas encore nubile), la nouvelle reine d’Espagne ne se met en route que tardivement vers son pays d’adoption, et passe la frontière le 30 janvier 1560.

Elisabeth de Valois, vers 1559 (dessin de François Clouet)
Élisabeth de Valois, vers 1559 (dessin de François Clouet)

Des débuts difficiles en Espagne

Élisabeth rencontre un époux de 32 ans, qui a l’âge d’être son père. La vie à la cour d’Espagne est difficile pour la jeune reine, qui doit supporter une étiquette espagnole très contraignante, qui ne lui laisse que peu de libertés. Elle est loin de sa famille et Philippe II semble se désintéresser d’elle jusqu’à ce qu’elle soit apte à procréer. En effet, le principal devoir d’Élisabeth est d’enfanter. L’ambassadeur de France, Raimond de Fourquevaux, rapporte néanmoins que le roi d’Espagne partage le lit de sa jeune épouse, bien qu’elle ne soit pas encore pubère, mais qu’il  « ne l’importune pas ». En attendant de pouvoir consommer son union, Philippe II s’affiche avec sa maîtresse, Eufrasia de Guzman (dame de compagnie de sa sœur Jeanne) et laisse son épouse à Madrid lorsqu’il part en déplacements, malgré le fait qu’elle souhaite l’accompagner. Les absences répétées du roi et son indifférence plongent Élisabeth dans une profonde « mélancolie » (un état dépressif). En janvier 1561, Élisabeth est atteinte de la variole et le roi multiplie ses visites au chevet de son épouse, l’engageant à accepter d’être saignée. La maladie de la reine est courte durée et son mariage peut enfin être consommé, au printemps 1561. Mais le devoir conjugal se révèle douloureux pour Élisabeth, comme le rapporte l’ambassadeur de France à Catherine de Médicis : « La forte constitution du roi provoque de grandes douleurs à la reine qui a besoin d’un grand courage pour les surmonter ». Si, en public, Philippe II se montre respectueux envers son épouse, il ne manifeste de l’affection à Élisabeth qu’à partir du moment où elle est physiquement capable de lui donner un héritier.

Un premier soupçon de grossesse, au printemps 1562, se solde par une fausse couche. Une autre grossesse est annoncée, au printemps 1564. Hélas, celle-ci est épuisante pour la reine, qui tombe rapidement malade : migraines, vomissements et évanouissements conduisent les médecins à la saigner durant deux jours. Ce « remède » provoque une fausse couche de jumelles, en août. La vie de la reine semble même être en danger suite à cet avortement spontané, qui s’est fait  « avec grandes douleurs et efforts » d’après l’ambassadeur de France. Face à l’état de son épouse, Philippe II vient à son chevet autant qu’il le peut, et le peuple de Madrid se met à prier pour la vie de leur reine, avec une « ferveur inhabituelle ». Miraculeusement, Élisabeth se rétablie mais l’échec de cette grossesse et la maladie de la reine amènent Philippe II à remettre en cause sa vie dissolue : la fausse couche de la reine serait-elle un châtiment de Dieu, qui condamne sa liaison avec Eufrasia de Guzman ? Car la maîtresse du roi est également enceinte ! Philippe II choisit de s’éloigner de la jeune femme, qu’il marie précipitamment avec le prince d’Ascoli. Dès lors, Élisabeth reçoit toute l’attention du souverain, maintenant que celui-ci est convaincu qu’elle est capable d’enfanter.

Philippe II et Elisabeth de Valois, par François Clouet (XVIe siècle, tiré du Livre d'heures de Catherine de Médicis).
Philippe II et Élisabeth de Valois, par François Clouet (XVIe siècle, tiré du Livre d’heures de Catherine de Médicis).

Élisabeth, qui est décrite comme ayant un bon caractère, « française pour le piquant et espagnole pour la dignité » , perd progressivement sa bonne humeur, face aux maladies dont elle est régulièrement victime, mais également à cause de nombreuses fausses couches. La reine souffre continuellement de nausées et d’évanouissements. Son entourage lui met en permanence la pression, pour qu’elle donne un héritier à Philippe II et Élisabeth doit se soumettre à des régimes alimentaires qui entraînent souvent des vomissements. Depuis la France, Catherine de Médicis s’inquiète de savoir sa fille  aussi souvent malade. Elle lui fait des recommandations dans ses lettres, lui conseille de marcher, afin de conserver son corps en bonne santé, pour mener une grossesse à terme. Mais ce n’est pas seulement une mère qui s’inquiète pour son enfant : Catherine de Médicis craint qu’Élisabeth ne puisse enfanter et qu’elle soit renvoyée d’Espagne, ce qui porterait atteinte aux relations, déjà tendues, entre les deux royaumes.

En 1565, la reine mère prend prétexte du « tour de France » qu’effectue le jeune roi Charles IX (son frère aîné François II est décédé en 1561) pour revoir sa fille aînée lors de « l’entrevue de Bayonne » en juin. Élisabeth s’est déplacée sans Philippe II, qui se fait à nouveau représenter par le duc d’Albe. Le roi d’Espagne marque ainsi qu’il n’envisage pas de confier un rôle politique à son épouse, contrairement à ce qu’espérait secrètement Catherine de Médicis. En effet, la reine mère comptait que sa fille influence Philippe II dans sa politique. Au contraire, Élisabeth arrive à Bayonne avec des recommandations de son époux : aussi, lors de cette entrevue, elle appuie la demande de Philippe II, qui souhaite que Charles IX et la reine mère abandonnent leur politique de tolérance vis-à-vis des protestants, pour les faire se convertir au catholicisme. Ayant écouté le discours de sa fille, Catherine de Médicis ne peut que lui répondre : « Vous êtes devenue bien espagnole ».

Élisabeth de Valois, reine d'Espagne ( attribué à Juan Pantoja de la Cruz, 1565)
Élisabeth de Valois, reine d’Espagne ( attribué à Juan Pantoja de la Cruz, 1565)

Enfanter à tout prix

Élisabeth annonce une nouvelle grossesse mais, comme en 1564, elle est constamment malade. La tradition veut que la reine rédige son testament lorsque le terme approche, au grand étonnement de Catherine de Médicis, qui écrit : « Ce sont des choses dont l’on ne doit pas affubler l’esprit d’une jeune femme étant dans l’état où est ma fille ». Quant à Philippe II, il craint qu’Élisabeth ne meurt en couches, comme sa première épouse. Il semble même qu’Élisabeth soit frappée, à ce moment-là, par une crise de paludisme, d’où de violentes fièvres. Le 12 août 1566, la reine accouche d’une princesse, qui reçoit les prénoms d’Isabelle Claire Eugénie. Si la petite infante est considérée comme « l’enfant du miracle » (c’est la première grossesse qu’Élisabeth mène à terme), ce n’est pas le garçon tant espéré et, prévenue de la naissance de sa petite-fille, Catherine de Médicis soupire : « Nous eussions bien autant aimé un fils ». Philippe II ne se montre pas déçu de la naissance d’une infante, à laquelle il s’attache de suite. L’ambassadeur de France note que le roi « est aise de la fille qu’il avait plu à Dieu de lui donner » et qu’il « l’aime, à ce qu’il dit, pour le présent mieux qu’un fils ».

Élisabeth se remet difficilement de ses couches et, passé la déception de n’avoir pas donné un héritier mâle à la couronne, la reine découvre les joies de la maternité, écrivant à Catherine de Médicis : « Je veux vous dire le contentement que j’ai de me voir mère ». Cependant, la jeune reine sait qu’elle se doit de donner d’autres enfants à Philippe II et est à nouveau enceinte au début de l’année 1567. Les grossesses d’Élisabeth, toujours difficiles à supporter, « réjouissent son cœur et altèrent sa santé », si bien que le roi doit renoncer à un voyage au Pays-Bas, l’état de son épouse étant jugé préoccupant. La reine est encore victime de fièvres, migraines et vomissements, et est en permanence entourée de médecins, qui usent de saignées et de purgations… ce qui affaiblit encore davantage Élisabeth. C’est une seconde fille qui naît le 10 d’octobre. La déception du peuple et la cour est, cette fois, manifeste car ce n’est toujours pas l’enfant mâle que l’on attendait. Il semble néanmoins que Philippe accueille la petite Catherine Michelle avec la même joie que sa sœur aînée. L’ambassadeur Fourquevaux écrit à Catherine de Médicis au sujet de sa nouvelle petite-fille : « C’est une très belle petite princesse et qui a, pour cette heure, les traits plus doux que l’aînée [ …] Il n’est possible de voir une créature plus jolie ». Pour Élisabeth aussi, l’arrivée de Catherine Michelle est frustrante car elle enchaîne les grossesses difficiles qui se soldent par une fausse couche ou par la naissance d’une fille. Malgré ses efforts, elle a l’impression d’échouer dans son devoir de reine. Élisabeth ne néglige pas ses filles pour autant et se révèle être une mère affectueuse, en dépit de sa santé fragile : elle veille à l’achat de jouets pour les deux infantes et l’on note que la reine « ne peut vivre sans elles »,  s’arrangeant toujours « de façon à ne les perdre guère de vue ».

Les infantes Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle, par Sofonisba Anguissola (1570)
Les infantes Isabelle Claire Eugénie et Catherine Michelle, par Sofonisba Anguissola (1570)

L’infant Don Carlos : le prince malade

S’il est impératif qu’Élisabeth donne naissance à un fils, c’est que l’infant Don Carlos montre des signes d’inquiétude depuis son plus jeune âge. Héritier de la couronne et orphelin de  mère, il a fait l’objet de toutes les attentions depuis sa naissance. Mais très vite, le prince se révèle être un enfant indocile, souvent malade. Son physique est disgracieux, on le dit boiteux, avec le dos voûté. Les comptes-rendus à son sujet affolent Philippe II car on lui écrit  que Don Carlos a « l’âme agitée » dont « l’esprit s’affaiblit et tend à s’égarer ». Même le grand-père de l’enfant, Charles Quint, avait une « impression défavorable » à son sujet. Il semble donc que Philippe II avait pour but d’écarter ce fils de sa succession, d’où son remariage avec la jeune Élisabeth de Valois et l’urgence d’avoir un autre garçon. Don Carlos se sent frustré d’avoir vu lui échapper la jolie fiancée qu’on lui avait d’abord destinée : « Souvent, on l’entendit, en sortant de chez la reine, se plaindre du roi son père, qui lui avait dérobé un pareil trésor ». Quant à Élisabeth, dont on loue la bonne âme, elle se prend d’amitié pour son beau-fils. L’écrivain Brantôme (qui séjourne trois ans à la cour de  Madrid) note que l’infant « ne paraissait jamais devant la reine sans une émotion de tendre respect, qui semblait transformer sa nature ».

Si Don Carlos se montre respectueux envers la reine, il développe un sentiment de haine envers son père, lorsqu’il comprend que celui-ci veut le priver de ses droits à la couronne. Pour calmer ses craintes, on va le fiancer à l’une de ses cousines, Anne de Habsbourg (fille de l’infante Maria et de l’empereur Maximilien II). Suite à une chute accidentelle, en 1562, le prince des Asturies doit subir une trépanation. Si l’infant survit, l’opération « acheva de lui ôter le peut de raison qui lui restait ». Don Carlos fait des crises de folie et aurait tenté de tuer son gouverneur, lequel démissionne. Jugé dangereux, le prince est éloigné des affaires du royaume, mais cette mise à l’écart ne fait que fragiliser davantage son état psychologique : il tente même de poignarder le duc d’Albe, furieux des missions qui lui sont confiées plutôt qu’à lui. Tourmenté, surveillé sans cesse, Don Carlos aurait confié  : « L’homme a qui j’en veux, c’est mon père ; tout ce que je souhaite, c’est d’avoir sa vie ». Le roi soupçonne bientôt le prince des Asturies de comploter contre lui : Don Carlos est arrêté, sans que l’on puisse dire si c’est à cause de son état mental, ou pour trahison envers son roi. Aux membres de son Conseil, Philippe II annonce : « Mon devoir envers Dieu et mon devoir aux intérêts de l’État ont pu seuls me décider à faire ce que j’ai fait ». L’affaire n’est cependant pas ébruitée et le roi ne change rien à ses habitudes, tandis que son fils est emprisonné. Dès lors, Philippe II écrit à sa sœur Maria, au début de l’année 1568, qu’il faut renoncer à « l’idée de marier l’infant avec la princesse Anne ». Élisabeth intervient pour rendre visite au prince des Asturies mais se heurte à un refus. Don Carlos tombe malade est décède le 24 juillet 1568. A sa mort, des bruits courent selon lesquels le roi aurait fait empoisonner ce fils devenu gênant.

Don Carlos, infant d'Espagne, par Alonso Sánchez Coello (1560)
Don Carlos, infant d’Espagne, par Alonso Sánchez Coello (1560)

La grossesse de trop

La santé de la reine ne s’améliore pas après la naissance de l’infante Catherine Michelle. Elle perd souvent connaissance et a de terribles migraines, que les médecins ne parviennent pas à comprendre. Élisabeth se croit à nouveau enceinte en janvier 1568. Sa taille, ses mains et son visage sont gonflés et elle confie à l’ambassadeur de France que « l’enfant ne cesse de sauter et de frétiller en son ventre ». Mais bien qu’elle pense sentir un bébé bouger et qu’elle soit  malade, la reine n’est pas enceinte et ne débute une nouvelle grossesse qu’au printemps 1568, devoir dynastique oblige. En effet, depuis la mort de Don Carlos, la naissance d’un nouvel héritier mâle devient pressante et tous les espoirs sont tournés vers Élisabeth. Mais son corps, visiblement de constitution fragile, est épuisé par les grossesses à répétition. Les gonflements de plusieurs parties du corps de la reine, depuis janvier 1568, peuvent également suggérer une rétention d’eau, et donc une maladie des reins, que les médecins ne soupçonnent pas, mais qui ronge la souveraine. A la mi-septembre, l’ambassadeur de France note que la reine souffre « d’une colique et d’une douleur dans le bras qui lui est descendue dans la jambe » et qu’elle a eu « des vomissements infinis avec une telles tranchées qu’on a été en crainte qu’elle dû mal accoucher ». Les médecins ne veulent pas croire que la vie de reine est en péril mais les inquiétudes de Fourquevaux se révèlent fondées : Élisabeth est prise de fièvres et de syncopes le 1er octobre et la médecine est impuissante. Son état empire et la reine demande à se confesser. Elle reçoit l’extrême-onction le 2 octobre. Tout le peuple est en prière ainsi que Philippe II, qui ne quitte pas le chevet de son épouse. Le seul regret d’Élisabeth est ne pas avoir su donner un fils au roi d’Espagne. Elle s’inquiète également pour l’avenir de ses filles, et demande au roi de toujours se préoccuper d’elles. Sentant sa fin approcher, la reine s’entretient avec Fourquevaux : elle lui fait dire à Catherine de Médicis et à Charles IX de maintenir la paix avec l’Espagne. Élisabeth fait une fausse couche, à cinq mois de grossesse, le 3 octobre. Cette fois encore, il s’agissait d’une fille. Elle décède dans les heures qui suivent, à l’âge de 23 ans.

Philippe II est inconsolable de perdre son épouse, qui s’était toujours soumise à sa volonté. Le peuple est également effondré par la perte de cette bonne reine, qui a su se faire aimer par les espagnols. Élisabeth est inhumée au Panthéon des Infants de L’Escurial à Madrid (n’étant pas mère de roi, elle n’a pas été inhumée au Panthéon des Rois), dans le même cercueil que son enfant mort-né. L’écrivain Brantôme, son contemporain, écrit à son sujet : « Elle fut une belle fille et d’un courage fort constant, abandonnant ce monde et désirant fort l’autre, on parle fort sinistrement de sa mort comme ayant été avancée. Elle était la princesse la meilleure de son temps, et autant aimée de tout le monde ». Bien qu’elle n’ait pu donner naissance à un héritier mâle, Élisabeth a tout fait pour s’acquitter de son devoir, multipliant les grossesses rapprochées malgré une santé chancelante, acceptant ainsi de se sacrifier pour assurer une descendance à Philippe II. En raison de son jeune âge et de sa courte existence, Élisabeth n’a pas eu le temps de jouer le rôle politique qu’espérait sa mère, d’autant que seule la naissance d’un garçon pouvait renforcer sa position à la cour d’Espagne. Les morts rapprochées de Don Carlos (juillet) et de la reine (octobre) donneront, par la suite, naissance à des soupçons. Il se murmurera alors que le prince des Asturies et Élisabeth, d’abord promis l’un à l’autre, auraient eu une liaison, et qu’ils auraient payé cette trahison de leur vie. Pourtant, au moment des faits, personne ne doute du chagrin de Philippe II face à la maladie et au décès de son épouse. Quant à Élisabeth, elle a toujours fait montre d’un comportement exemplaire et vertueux.

portrait posthume d'Elisabeth de Valois, par Sofonisba Anguissola (vers 1599)
portrait posthume d’Élisabeth de Valois, par Sofonisba Anguissola (vers 1599)

Bien qu’elle disparaisse prématurément, la jeune est unanimement regrettée par le peuple, car il ne faut pas longtemps à Philippe II pour reprendre sa politique antifrançaise. Afin d’avoir un héritier mâle, le roi se remarie en 1570 avec sa nièce Anne de Habsbourg, que l’on avait jadis promise à Don Carlos. Mère du futur Philippe III, la nouvelle reine sera, elle aussi, constamment enceinte.  Si Élisabeth n’a pas donné à Philippe II le fils tant désiré, elle laisse au roi deux filles en parfaite santé. Le souverain tiendra sa promesse de toujours se soucier des deux infantes, comme le montrent les nombreuses lettres qu’il leur écrira tout au long de sa vie. En grandissant, l’infante Isabelle deviendra la confidente de Philippe II, celle avec qui le roi travaillera des heures dans son cabinet. Il aura toute confiance en cette fille aînée et, au moment de sa mort, le roi « voulut qu’elle lui fermât les yeux ». Isabelle deviendra gouvernante des Pays-Bas Espagnols. Quant à l’infante Catherine, née en 1567, elle sera mariée au duc de Savoie Charles Emmanuel Ier. Constamment enceinte, elle décèdera en couches en 1597.

Bibliographie :

– Le lit, le pouvoir et la mort : reines et princesses de la Renaissance aux Lumières, par Bartolomé Bennassar
– Grands seigneurs et grandes dames du temps passé : Un ambassadeur français à la cour de Philippe II (1565-1572), par Charles de Moüy
– Le corps d’une reine : Histoire singulière d’Élisabeth de Valois (1546-1568), par Sylvène Édouard
– Histoire d’Élisabeth de Valois, reine d’Espagne (1545-1568), par Antoine Théodore, (marquis) du Prat

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