Désigné Coupable
Je fais partie de ceux pour qui l’histoire familiale, l’histoire de nos ancêtres, est importante pour comprendre qui l’on est, et d’où l’on vient. Lorsqu’un livre s’inspire d’une histoire vraie, avec des protagonistes ayant vraiment existé, on se prend souvent de sympathie pour eux. Cela est d’autant plus vrai quand les faits se déroulent au XXe siècle, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale… une époque pas si lointaine que ça.
Le livre de Camille Duwez, Désigné coupable, m’a également touchée car derrière l’histoire des arrière grands-parents de l’auteure, se cache un secret de famille, qui a chamboulé l’existence de sa grand-mère, Paulette. C’est pour répondre au besoin qu’avait celle-ci de connaître la vérité, que l’auteure s’est lancée dans un véritable travail de fourmi, parcourant d’abord les archives de presse, avant d’avoir accès au dossier juridique. Car, à l’origine de ce secret, il y a un meurtre, un procès et, pour conséquence, une fratrie brisée, éclatée, des enfants qui se sont retrouvés, du jour au lendemain, sans leurs parents et sans explication… Comme le rapporte Paulette elle-même, lorsqu’elle se hasardait à poser des questions, elle n’obtenait comme seule réponse : « Si on te demande, tu réponds que tu ne sais pas ! ».
Tout commence en 1947, à la cité minière de Sains-en-Gohelle, dans le nord de la France. Oswald Moreau, père de six enfants, est un mineur courageux et sans histoire, heureux que la guerre soit enfin terminée. Comme beaucoup d’hommes, il a été mobilisé au début du conflit. Les houillères du bassin minier manquant de bras pour assurer la continuité du travail, Oswald s’est vu démobilisé et a pu retrouver les siens au bout de quelques mois. Depuis, il chérit chaque moment qu’il passe avec son épouse et ses enfants.
Ce bonheur est menacé lorsqu’un meurtre est commis dans un village voisin, au cours d’un cambriolage : les gendarmes s’intéressent de plus en plus à la famille Moreau, au fur et à mesure que progresse l’enquête. Les temps sont durs, la vie de mineur est éprouvante et il faut regarder à économiser sur toutes les dépenses pour pouvoir subvenir aux besoins d’une famille nombreuse. Dans la cité minière, il suffit d’un rien pour qu’une rumeur prenne de l’ampleur, surtout lorsque le curé-maire – homme à la fonction respectable – sème le doute dans les esprits des habitants et des enquêteurs…
Ce roman, inspiré de l’histoire véridique de la famille Moreau, transporte le lecteur dans le monde minier de l’après-guerre, à une époque où les conditions de travail sont difficiles et les accidents fréquents. Beaucoup d’enfants doivent quitter les bancs de l’école pour descendre dans les mines une fois adolescents, pour aider financièrement leur famille. Si les compagnies minières fournissent à leurs ouvriers un logement, du chauffage et des soins médicaux, tout peut basculer pour le mineur et sa famille, si celui-ci perd son emploi. Aussi, il est nécessaire que plusieurs membres du foyer soient embauchés, pour assurer l’avenir de toute la maisonnée.
Parallèlement à la vie des mineurs, ce roman nous plonge également dans le système judiciaire de l’époque et nous renseigne sur les moyens dont dispose la police, pour tenter de résoudre une affaire criminelle. Le lecteur devient le spectateur d’un procès, où les témoignages se succèdent pour juger de la culpabilité d’un prévenu, en l’absence des méthodes scientifiques dont nous disposons aujourd’hui. A la fin des années 1940, on fait hélas peu de cas des enfants, qui voient leur vie basculer lorsque les parents ne peuvent soudainement plus s’occuper d’eux. Le « regroupement familial » n’existe pas et une fratrie peut alors être éclatée et les enfants éparpillés dans des structures ou familles d’accueil selon l’âge et le sexe.
La petite Paulette avait 8 ans au moment des faits. A l’époque, elle n’a rien compris. Des années plus tard, elle se souviendra seulement des multiples visites des gendarmes, jusqu’au jour où son père n’est pas rentré, où sa mère a été arrêtée, et où une dame qu’elle ne connaissait pas l’a emmenée loin de sa maison… pour toujours. Au terme de ses recherches, Camille Duwez peut donner des réponses à sa grand-mère, alors que tous ceux qui ont joué un rôle dans cette affaire sont décédés. Son travail minutieux, la petite-fille de Paulette nous le fait partager à travers ce roman, faisant ainsi revivre ses arrière grand-parents, et leur donnant – enfin – la parole.
Désigné Coupable, de Camille Duwez, paru en mars 2023 aux éditions Publiwiz