Citoyennes : Un si long combat (1789-1944)
Alors que le Parlement vient d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, le magazine Historia boucle le mensuel qu’il consacre au long combat qu’ont dû livrer les femmes françaises, pour devenir des citoyennes ayant les mêmes droits que les hommes.
Dès la Révolution Française, les femmes revendiquent le fait d’être des citoyennes, avec des droits similaires à ceux de leur époux, père ou frère(s) : elles veulent des droits civiques et politiques, jusque là réservés aux hommes. En ces temps troublés, certaines d’entre-elles marquent l’Histoire, par les actions qu’elles mènent : Olympe de Gouges rédige la « Déclaration de la Femme et de la Citoyenne », tandis que Théroigne de Méricourt lutte pour que la Femme s’émancipe. Si le divorce est adopté en 1792, il est cependant impensable que les femmes participent à la vie politique. Celles qui tentent de faire naître chez les autres une prise de conscience sont rapidement broyées par le système, les hommes les considérant comme dangereuses : Olympe de Gouges montera à l’échafaud, tandis que Théroigne de Méricourt sera internée par son frère, officiellement pour avoir perdu la raison…
Ces exemples démontrent que les hommes ne sont pas prêts à voir les femmes échapper à leur contrôle. Dès lors, le droit de vote leur est refusé, au motif que la Femme doit pleinement se consacrer à sa famille, à l’éducation des enfants et aux charges domestiques.
Jusqu’en 1848, seuls les hommes ayant un certain niveau de richesse pouvaient se rendre aux urnes pour exprimer leurs opinions. Désormais, le suffrage universel étend ce droit à tous les individus majeurs… de sexe masculin. Face au protestations de certains féministes, il est répondu que la femme vote à travers son époux, le chef de famille. Pour l’écrivaine George Sand, le principal obstacle au vote des femmes réside dans le fait que celles-ci sont toujours considérées comme des « éternelles mineures », vivant sous l’autorité d’un père ou d’un époux. Dès lors, les conditions sociales ne sont pas réunies pour qu’elle puissent s’exprimer librement.
Ce statut de « mineur » existe depuis toujours et, bien avant que les femmes songent à voter, certaines sont bien décidées à sortir de cette tutelle. Les siècles précédant la Révolution Française fourmillent d’exemples de jeunes femmes issues d’un milieu aisé, qui refusent de se remarier après un veuvage, afin de ne pas retomber sous l’autorité d’un époux. D’autres encore préfèrent prendre le voile, les moniales jouissant d’une certaine autonomie. Mais si l’autorité royale tolère que les femmes de la noblesse puissent gérer leurs biens, elle refuse que le « sexe faible » se mêle de politique. Au XVIIe siècle, durant la Fronde, plusieurs princesses se révoltent contre la régente et le Cardinal de Mazarin, pour défendre un époux, un père ou un frère exilé ou emprisonné, et le remplacer à la tête de ses partisans. Mais dès lors que la paix est rétablie entre le roi et les princes, ces femmes courageuses doivent se soumettre et reprendre leur place, dans l’ombre du chef de famille.
Suite à l’adoption du suffrage universel masculin, les femmes ne cessent de militer pour accéder au droit de voter, multipliant les actions symboliques : ainsi, la journaliste Hubertine Auclert écrit en 1880 qu’elle refuse désormais de payer ses impôts, ne pouvant elle-même décider de l’emploi de ceux-ci via le vote. La jeune femme indique laisser aux hommes « le privilège de payer les impôts qu’ils votent et répartissent à leur gré ». Découvrez comment, au cours des trois premiers régimes républicains, les femmes bataillent pour obtenir de pouvoir se rendre aux urnes.
Au début du XXe siècle, certains pays d’Europe donnent aux femmes le droit de vote, à l’exemple de Finlande et de la Norvège. En France, il est régulièrement question de faire de même, mais les avancées sont bientôt réduites à néant par le début de la Première Guerre Mondiale. Trois rendez-vous manqués, qu’Historia vous détaille…
En 1916, alors que la guerre emporte de nombreux hommes, l’écrivain Maurice Barrés défend l’idée du « vote des morts » : il s’agirait de permettre aux veuves de ceux qui sont tombés au front de voter à leur place. A travers ce vote, la femme exprimerait l’opinion de son défunt mari. Cependant, une grande majorité des politiciens redoute ce nouveau mode de vote, qui ouvrirait la voie au suffrage féminin. Cette mesure, abandonnée, n’est pas la seule en faveur du vote des femmes : à la fin de la guerre, de nombreuses propositions sont soutenues par les députés, avant d’être rejetées par le Sénat… quand de plus en plus de nations à travers le monde se prononcent en faveur du droit de vote des femmes.
D’où vient cette peur de voir la Femme voter et participer aux décisions prises pour l’avenir du pays ? Pourquoi les réformes sont-elles bloquées par le Sénat ? Historia vous livre les clefs pour comprendre ce long combat mené par les femmes, de toutes les classes sociales, rejointes et entendues par de plus en plus d’hommes au fil des années, jusqu’à ce qu’elles obtiennent enfin le droit d’être « électrices et éligibles » en 1944, sous la présidence de Charles de Gaulle…
mensuel N° 928 / Avril 2024