Charlotte de Belgique, chap. 1 : l’épouse de l’archiduc d’Autriche
Voici la première partie de la biographie consacrée à la tragique impératrice du Mexique, née Charlotte de Belgique
Le 7 juin 1840, la reine des Belges, Louise d’Orléans, épouse de Léopold Ier (1790-1865), met au monde son quatrième enfant : une princesse qui reçoit les prénoms de Marie Charlotte Amélie Augusta Victoire Clémentine Léopoldine. Pour le roi, la naissance d’une fille est une déception : après l’arrivée de trois fils – dont l’aîné est mort au berceau – Léopold souhaite encore consolider la dynastie naissante des rois des Belges, en ayant de nombreux héritiers mâles. Cependant, il s’attache assez vite à sa fille, couramment appelée Charlotte. Cela vient d’une délicate attention de la reine Louise, qui a proposé de donner à leur enfant le prénom de la première – et regrettée – épouse de Léopold : la princesse Charlotte de Hanovre.
La petite princesse est très proche de sa mère et de sa famille maternelle, les Orléans, particulièrement de sa grand-mère, la reine Marie-Amélie. Enfant précoce, Charlotte force l’admiration lorsqu’elle paraît en public : à l’âge de 2 ans et demi, elle souhaite déjà apprendre à lire, cultivant, comme son père, l’amour de la lecture. Enfant, elle manie parfaitement la langue française – qu’elle parle avec sa mère – et l’allemand, qu’elle utilise avec son père. L’écriture est également l’une des activités favorites de Charlotte, qui va développer avec sa famille une véritable correspondance, qui durera de nombreuses années. Des Orléans, la princesse a hérité de prédispositions pour les arts : Charlotte dessine, peint et joue du piano à merveille.
En 1848, le grand-père maternel de Charlotte, le roi des français Louis-Philippe Ier, doit abdiquer et les Orléans se réfugient en Angleterre, fuyant la « révolution de Février ». Ils y sont accueillis par la reine Victoria, nièce de Léopold Ier. Ce n’est là qu’une première épreuve pour Charlotte : en août 1850, Louis-Philippe s’éteint. Le 11 octobre de la même année, c’est la reine Louise qui décède de la tuberculose, alors que Charlotte n’a que 10 ans. La princesse ne se remettra jamais de la disparition de sa mère : une grande mélancolie s’installe chez elle, pour ne plus la quitter. Charlotte regrette d’autant plus sa mère que celle-ci avait pour sa fille une profonde affection, écrivant peu avant sa mort que Charlotte ne lui avait jamais causé le moindre souci. Dès lors, la princesse fait tout ce qu’elle peut pour rester digne de sa mère, s’appliquant dans toutes ses tâches, s’efforçant de s’améliorer continuellement. C’est à elle que Léopold Ier montre le plus d’affection, et consacre ses rares moments de liberté. Son fils aîné, Léopold, duc de Brabant (1835-1909), est « d’une grande paresse ». Quant au cadet, Philippe, comte de Flandre (1837-1905), il est d’un caractère plutôt effacé (probablement dû à un début de surdité).
Suite au décès de sa mère, deux femmes de la famille vont prendre Charlotte sous leur protection : sa grand-mère Marie-Amélie – qui correspond souvent avec Léopold et qui rend souvent visite à sa petite-fille – et la reine Victoria, dont les premiers enfants ont l’âge de Charlotte. En 1853, Charlotte accueille sa belle-sœur, Marie-Henriette de Habsbourg, qui vient d’épouser son frère aîné, le duc de Brabant. Les relations entre les deux princesses seront amicales.
Dès 1856, il est question du mariage de Charlotte. Deux « candidats » se présentent pour la princesse de Belgique : tout d’abord le jeune roi du Portugal, Pierre V de Bragance, petit-neveu de Léopold Ier, apparenté au Saxe-Cobourg. La reine Victoria soutient ce choix. Le second prétendant est l’archiduc Maximilien de Habsbourg (né en 1832), soutenu par la reine Marie-Amélie. C’est à ce dernier que va la préférence de Charlotte. Les deux jeunes gens se sont déjà rencontrés au mois de mai, et Maximilien a laissé une bonne impression à Charlotte. Toutefois, l’archiduc ne semble pas nourrir de profonds sentiments pour la princesse de Belgique. Georges de Saxe, cousin de Maximilien, informe Léopold Ier de l’esprit calculateur de l’archiduc qui, selon lui, s’intéresse avant tout aux biens de Charlotte. D’ailleurs, Maximilien demande très rapidement que la dot de la princesse soit augmentée. Par son mariage, Charlotte sait qu’elle va devenir vice-reine de Lombardie-Vénétie, et apprend l’histoire de l’Italie ainsi que l’italien.
Le mariage de Charlotte et de Maximilien est célébré le 27 juillet 1857, à Bruxelles. C’est naturellement auprès de Marie-Amélie que Charlotte est venue chercher quelques conseils pour sa nuit de noces. Il semblerait pourtant qu’il ne se soit rien passé au cours de cette nuit-là et Charlotte paraît le lendemain avec une mine « résignée ». De toute évidence, le mariage n’a pas été consommé mais l’affaire ne s’ébruite pas. Fière, Charlotte cachera toujours la réalité des choses à ses proches, leur assurant que tout va bien dans son couple. Charlotte est bien accueillie au sein de sa famille d’adoption et s’entend particulièrement bien avec Margareth de Saxe, épouse de Charles-Louis de Habsbourg, frère de Maximilien, du même âge qu’elle. En revanche, les rapports avec son autre belle-sœur, Elisabeth de Wittelsbach – dite Sissi -, sont plus tendus. En effet, l’archiduchesse Sophie, mère de Maximilien, ne tarit pas d’éloges sur Charlotte, ce qui agace l’épouse de son fils aîné, l’empereur François-Joseph.
En Italie, Charlotte fait bonne impression au peuple, en parlant leur langue. Le couple s’installe à Trieste où Maximilien fait construire le Château de Miramare. Charlotte semble conquise par sa nouvelle patrie et l’exprime dans ses lettres, adressées à sa famille. Cependant, son époux commence déjà à s’éloigner d’elle, prétextant des déplacements qui vont de paire avec ses fonctions. Lentement, Charlotte sombre dans la mélancolie, ce qui se traduit par des périodes où elle se trouve dans un état d’abattement. Officiellement, on la dit souffrante. Autour d’elle pourtant, tout le monde attend l’annonce d’une maternité. Bientôt, cette absence de grossesse deviendra un sujet tabou. Comme si l’échec de son couple ne suffisait pas, la Lombardie est annexée en 1859 par le roi de Sardaigne, selon les termes de l’Armistice de Villafranca qui met fin à la campagne d’Italie, opposant l’Autriche à la France et à la Sardaigne. Maximilien est anéanti d’avoir perdu sa couronne et Charlotte tombe en dépression. A s’ajoutent cela de nombreux décès dans l’entourage de la princesse qui, à chaque fois, affectent la jeune femme : sa belle-sœur, Margareth de Saxe, décède en 1858 à l’âge de 18 ans. Chez les Orléans, Hélène de Mecklembourg-Schwerin – belle-fille de Marie-Amélie – meurt la même année, à l’âge de 44 ans, alors que la famille venait tout juste de subir la perte de la duchesse de Nemours, morte en couches en 1857, à l’âge de 35 ans.
En 1861, Napoléon III propose la couronne impériale du Mexique à Maximilien. L’empereur des français souhaite y créer un empire catholique, afin de remettre de l’ordre dans un pays en proie à l’anarchie et limiter l’influence des Etats-Unis, où sévit alors la guerre de Sécession. Bien entendu, Napoléon III assure que les troupes françaises resteront au Mexique, pour soutenir militairement Maximilien et Charlotte, le temps que la situation soit stabilisée. Le couple hésite à accepter une couronne, qui a déjà été rejetée par d’autres princes. Avant d’accepter, Maximilien veut être certain du soutien du peuple mexicain, et que ce dernier soit d’accord avec sa nomination à la tête du pays, en manifestant son opinion au cours d’un vote. Charlotte, qui a été profondément blessée dans son orgueil lors de la perte de la Lombardie, est plutôt favorable au projet mexicain. Il semble néanmoins que le vote au Mexique ait été truqué en faveur de Maximilien : il y a en effet plus de votants que de personnes pouvant voter ! A regarder les chiffres, c’était comme si l’ensemble du peuple, y compris les enfants, avait exprimé leur choix…
La grand-mère de Charlotte se montre fortement opposée à l’acceptation de la couronne mexicaine, déclarant que le Mexique est un pays bien trop dangereux. Quant à la reine Victoria, elle ne peut se retenir de dire que Charlotte et Maximilien « seront assassinés ». Avant de partir pour le Mexique, Maximilien doit cependant signer le « pacte de famille » qu’on lui présente le 21 mars 1864 : il doit renoncer à ses droits à la succession au trône d’Autriche (il est alors en seconde position après son neveu Rodolphe). Pour l’archiduc le coup est dur et il songe, l’espace d’un moment, à renoncer au Mexique. Charlotte et l’archiduchesse Sophie tentent de faire revenir l’empereur François-Joseph sur sa décision, mais rien n’y fait. Les deux frères se querelleront pendant plusieurs heures, avant que Maximilien accepte finalement de signer sa renonciation, à contre cœur.
Bibliographie :
– Maximilien et Charlotte, par André Castelot
– Louise, reine des Belges (1812-1850), par Madeleine Lassère
– Charlotte de Belgique : Impératrice du Mexique, par Paul Mourousy
– L’impératrice Charlotte, le soleil noir de la mélancolie, par Dominique Paoli