Charles VIII, le roi maudit victime d’une porte
Au mois d’avril 1498 le couple royal se trouve à Amboise, miné par le désespoir de ne toujours pas avoir d’héritier. Mariés depuis l’année 1491, Charles VIII et Anne de Bretagne n’ont pourtant pas souffert du drame de la stérilité. Moins d’un an après leur union, la reine accouchait d’un petit prince bien constitué, Charles-Orland, nouveau dauphin. Très féconde, Anne de Bretagne est constamment enceinte. Hélas, après la naissance du dauphin, toutes ses grossesses se soldent par une fausse-couche ou la naissance d’un enfant mort-né. En 1495, le dauphin décède, victime de la rougeole. Devant cette fatalité, on pense que Charles VIII est puni par le ciel, pour sa trop grande convoitise du royaume de Naples. L’Eglise lui conseille de faire pénitence. Le roi multiplie les prières, les jeûnes, les fondations pieuses, et mène une vie chaste, allant jusqu’à faire chasser les filles de « petites vertus » de sa cour. En août 1497, la reine accouche d’un fils et distribue aussitôt des amulettes et des médailles bénies aux nourrices, afin de protéger l’enfant. Malgré les amulettes et les prières, le petit prince décède au bout d’une semaine. Anne de Bretagne désespère de donner un héritier à Charles VIII et y voit, elle aussi, un signe de la colère de Dieu. En effet, il faut rappeler que Charles VIII et Anne de Bretagne n’étaient pas promis l’un à l’autre. Dauphin, Charles était fiancé à Marguerite d’Autriche, venue en France pour parfaire son éducation. Quant à Anne, elle avait épousé le père de la jeune Marguerite, Maximilien. La France convoitant le duché de Bretagne, on avait réussi à faire casser le mariage d’Anne et de Maximilien d’Autriche, et la petite Marguerite avait été répudiée juste avant ses noces. Pour la reine Anne, le ciel punit la France d’avoir fait rompre deux unions par convoitise, en n’accordant aucun héritier à son roi. En septembre 1497, Anne de Bretagne est de nouveau enceinte. Malgré les pieuses offrandes du couple royal pour remercier Dieu de cette grossesse, celle-ci ne donne pas un nouveau dauphin à la France : c’est une fille que la reine met au monde prématurément, à Ambroise, en mars 1498. L’enfant ne vivra pas.
Dans cette atmosphère morose, on cherche à distraire le roi. On compte sur la jeunesse de la reine, qui n’a que 21 ans, pour donner un dauphin à la France. Pour l’heure, à Amboise, Charles VIII est convié à un jeu de paume. Mais alors qu’il traverse une galerie dans les sous-sols du château, la tête du roi heurte le haut d’une porte. Le monarque ne semble pas avoir souffert de ce coup…mais quelques instants plus tard, il tombe évanoui. On n’ose déplacer le roi et celui-ci est installé sur une paillasse. Les médecins tentent, en vain, de le sauver. Le 7 avril 1498, Charles VIII meurt à l’aube de ses 28 ans, d’un banal accident. Mais le jeune roi a-t-il vraiment été victime d’un accident ? L’autopsie révèle que le coup reçu à la tête n’a pu, à lui seul, entraîner la mort. Le monarque ne laisse aucun héritier et une jeune veuve déjà convoitée par son successeur : son cousin Louis d’Orléans. Celui-ci s’est réjoui à chaque fois que le roi perdait un enfant… ce qui le rapprochait du trône de France. Pour autant, a-t-il fait assassiner Charles VIII ? Avant de se rendre au jeu de paume, le souverain a mangé une orange provenant d’Italie. Était-elle empoisonnée ? On sait que les Borgia sont passés maîtres dans la pratique des poisons ! Mais si le duc d’Orléans accède au trône avec la disparition de son cousin, nul ne l’a jamais accusé de la mort de ce dernier. Il semble que celui qui va devenir Louis XII n’ait pas le profil d’un meurtrier (si cela avait été le cas, Anne de Bretagne n’aurait certainement pas accepté d’épouser l’assassin de son premier mari !). D’autre part, Charles VIII, se méfiant de son cousin, faisait constamment surveiller les agissements de celui-ci.