Histoire des Reines

Catherine et Diane : la reine contre la favorite

La Renaissance française connaît l’époque du triangle amoureux formé par le roi Henri II, Catherine de Médicis et la maîtresse du roi, Diane de Poitiers. Le cœur du monarque appartenant depuis l’enfance à Diane, la petite italienne n’a d’avance aucune chance de s’attirer l’amour de son époux.

Née d’une mère française appartenant à la famille des Bourbons – et donc cousine de François Ier -, Catherine de Médicis se retrouve orpheline alors qu’elle n’est âgée que de quelques jours : sa mère, Madeleine de la Tour d’Auvergne, succombe d’une fièvre tandis que son père, Lorenzo de Médicis, décède une semaine plus tard de la tuberculose. Héritière de la fortune des Médicis, Catherine est placée sous la protection de son oncle, le pape Clément VII.  Ce dernier entreprend de la marier au fils cadet de François Ier, le prince Henri d’Orléans. Pour beaucoup, cette union entre le fils d’un roi et une fille « de marchands » et est une mésalliance. Néanmoins, François Ier a des ambitions en Italie : il désire le duché d’Urbino et souhaite unir ses troupes à celles de Clément VII pour chasser Charles Quint d’Italie.  Le 27 octobre 1533, le jeune duc d’Orléans épouse donc Catherine de Médicis. Tous deux ont 14 ans et le prince est déjà conscient que son mariage avec Catherine n’est pas des plus glorieux. A la cour, on ne tarde pas à remarquer qu’Henri n’accorde que peu d’attention à son épouse.  A l’inverse, il passe beaucoup de temps avec Diane de Poitiers, veuve du grand Sénéchal, qui compte vingt ans de plus que lui. D’ici trois ans, elle deviendra sa maîtresse et sera sans doute la seule femme qu’Henri aimera. Les liens qui uniront son époux à la future duchesse de Valentinois seront le drame de Catherine de Médicis, qui voue à Henri un amour à sens unique.  Diane de Poitiers est nommée de suite dame d’honneur de Catherine. C’est à elle que François Ier décide de confier la jeune fille puisque toutes deux sont de lointaines cousines ! Moins d’un an après son mariage, Catherine apprend la mort de son oncle, Clément VII. Avec lui, meurent les traités signés avec François Ier. Tous les bénéfices politiques et financiers qu’espérait le roi de France s’évanouissent. La position de Catherine se voit menacée sans l’annonce d’une grossesse pour conforter sa place à la cour.

Henri II et Catherine de Médicis en 1536 par Corneille de Lyon

 Au sein de cette cour, la jeune Catherine ne peut vraiment compter que sur une alliée : Diane de Poitiers. En effet, celle-ci est en conflit permanent avec la maîtresse du roi, Anne de Pisseleu, duchesse d’Etampes. En échange de la protection de Diane, Catherine lui rapporte toutes les informations qu’elle entend à la cour et qui peuvent servir sa  cousine et dame d’honneur. En échange, Diane tente de rapprocher Henri de son épouse. En 1536, le fils aîné de François Ier meurt après avoir bu un verre d’eau glacé. Henri et Catherine se retrouvent dauphin et dauphine de France et la nouvelle position de Catherine ne réjouit pas la cour puisque cette « fille d’épicier » va devenir reine de France. Néanmoins, après trois années de mariage, Catherine n’a toujours pas donné d’enfant à la couronne et peut donc être répudiée pour stérilité. Pour certains, le problème vient d’Henri qui aurait  une malformation l’empêchant de mettre son épouse enceinte. Or, en 1538, une piémontaise  du nom de Philippa Duci, amourette d’une nuit du dauphin, met au monde une petite fille. Henri fait venir son enfant en France et la reconnaît. Désormais, c’est la dauphine qui est accusée de ne pas pouvoir porter d’enfant. Même si le roi François Ier assure à sa belle-fille qu’il tient à ce que rien ne change, Catherine redoute une répudiation.  Bien qu’Henri ait eu un rejeton d’une autre, Diane de Poitiers ne lui en tient pas rigueur, sachant qu’elle est aimée. D’ailleurs, pour lui prouver combien il tient à elle, Henri donne à sa fille illégitime le prénom de sa maîtresse et  lui confie son éducation une fois que Phillipa Duci est écartée. Diane de Poitiers éleva la petite Diane d’Angoulême comme sa fille, si bien que certaines rumeurs ont fait de la duchesse de Valentinois la véritable mère de l’enfant.  Malgré les paroles rassurantes de François Ier, il apparaît évident que le dauphin veut rompre au plus vite avec son épouse stérile. C’est alors que Diane intervient et, au lieu de se réjouir du prochain départ de la « Florentine », elle pousse Henri dans le lit de la dauphine en lui disant qu’il doit lui faire un héritier (alors que le dauphin évite la couche de son épouse aussi souvent que possible). Si cette réaction de la part de la duchesse de Valentinois a de quoi surprendre, Diane a en réalité ses raisons : Catherine n’est pas fort jolie mais il est possible qu’Henri se remarie avec une jeune princesse parée de beaux atouts et de charmes. A l’époque, bien qu’approchant de ses 40 ans, Diane a conservé sa beauté, mais une nouvelle jeune épouse pourrait lui faire de l’ombre. Au moins avec Catherine comme rivale, la duchesse de Valentinois n’a rien à craindre. Il semble que l’obstination de Diane ait porté ses fruits : le 19 janvier 1544, Catherine de Médicis met au monde un garçon (le futur François II). Cette naissance fait enfin taire toutes les rumeurs colportées sur l’incapacité de Catherine à enfanter.

Diane de Poitiers et Henri II par François Clouet

 En 1547, Henri monte sur le trône et la timide Catherine devient reine de France. Henri II en profite pour mettre sa maîtresse encore plus en avant : Diane l’accompagne partout de sorte que le roi apparaît toujours entouré de la reine et de la duchesse de Valentinois.  Le roi fait également cadeau à Diane du château de Chenonceau, ce qui fait enrager la jeune reine : en effet, Catherine prétend que François Ier lui avait promis ce château. Elle ne pourra le réclamer à Diane qu’après a disparition d’Henri II. Désormais, le roi s’arrange pour que Catherine soit en permanence enceinte afin de mieux s’isoler avec Diane. Quant aux enfants de la reine, elle ne fait que les mettre au monde. Sitôt nés, ils lui sont retirés et confiés à la duchesse de Valentinois sur ordre du roi. Pourtant, Catherine ne se plaint presque jamais car elle aime trop son époux pour aller contre son bon vouloir. Elle fait bonne figure à Diane de Poitiers. De son côté, la maîtresse royale soigne la reine lorsqu’elle est malade, toujours parce qu’elle craint un possible remariage d’Henri en cas de veuvage. Catherine enrage devant cette « vieille femme » qui conserve l’amour du roi. La reine finit même  par percer le plancher de la pièce qui se trouve au dessus de la chambre de Diane, pour pouvoir observer de quels procédés use sa rivale pour garder le cœur d’Henri. Il est bien évident que le défunt époux de Diane a dû lui donner bien des leçons car la maîtresse du roi a l’art et la manière de faire, chose que la reine, malgré ses efforts, ne parvient pas à acquérir.  Si Henri II laisse volontairement Catherine en dehors de la politique, Diane de Poitiers y joue le rôle important de conseillère. Ainsi, elle favorise le mariage du dauphin François avec Marie Stuart, de la famille des Guises. La reine haït cette famille qui ne cherche qu’à monter en puissance à la cour par des unions avantageuses, toujours plus proches de la couronne. Catherine est également rancunière : lorsqu’il était question de la répudier, les Guises avaient proposés à Henri l’une des leurs, la jeune Louise de Lorraine.

Catherine de Médicis (en 1540) et sa rivale, Diane de Poitiers (en déesse-lune)

Il y a cependant une chose qui va faire de la reine et de Diane de Poitiers des alliées : en 1551, la gouvernante de Marie Stuart, Lady Fleming (née Jane Stuart, fille illégitime de Jacques IV d’Ecosse), met au monde un fils, Henri, qui a pour père le roi ! Alors qu’Henri II fait tout pour cacher cette liaison à Diane, lady Fleming se vante d’avoir eu les faveurs du monarque et se voit déjà favorite. Catherine et la duchesse de Valentinois s’unissent pour faire renvoyer la jeune femme de la cour : l’équilibre du triangle amoureux ne doit pas être menacé !  Si cet épisode rapproche le roi de Diane, ce dernier ne se soucie pas davantage de son épouse. Lorsqu’en juin 1556, Catherine manque de mourir lors de son dernier accouchement au cours duquel elle met au monde des jumelles, Henri II ne semble guère s’en émouvoir. Il n’a jamais aimé sa femme. Jusqu’à la mort tragique d’Henri en juillet 1559, la reine devra supporter la présence continuelle de Diane de Poitiers, qu’aucune femme du royaume ne pourra remplacer dans le cœur d’Henri. Lorsque  le roi de France est mortellement  blessé au cours d’un tournoi, le 30 juin 1559, Catherine prend les choses en main et interdit à Diane de le voir. La duchesse ne reverra pas son amant qui meurt le 10 juillet. La mort d’Henri II fut un drame pour Catherine : dans la logique des choses, Diane de Poitiers devait mourir la première et la reine espérait bien qu’après le décès de sa maîtresse, Henri se rapproche d’elle davantage et sollicite ses conseils.  La haine que la reine voue à Diane de Poitiers ne tarde pas à se manifester : la duchesse de Valentinois est contrainte de quitter la cour, de restituer les bijoux de la couronne et d’échanger son  château de Chenonceau, que convoite Catherine, contre celui de Chaumont.  A la mort d’Henri II, Catherine de Médicis s’impose enfin à la cour de France. La reine avait très tôt adopté la devise de « haïssez et attendez », qui traduit fidèlement les sentiments qu’elle avait à l’égard de Diane de Poitiers et la conduite qu’elle adopta envers la favorite.

Bibliographie 

– Les reines de France au temps des Valois : le beau XVIe siècle, par Simone Bertière
– Reines et favorites : Le pouvoir des femmes, par Benedetta Craveri
– La lune et le serpent : Diane de Poitiers et Catherine de Médicis, deux rivales dans le cœur du roi, par Marie-Christine de Kent
– Diane de Poitiers, par Didier Le Fur 

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