Historia

Bretons : Ils ont conquis la France

Dans son nouveau mensuel, le magazine Historia revient sur la naissance énigmatique de la Bretagne. Dans les esprits d’aujourd’hui, elle est associée aux crêpes, au ciré jaune des marins, au personnage – un peu moqué – de Bécassine… Mais la Bretagne est aussi une terre de légendes, dont les habitants ont la réputation – depuis toujours – d’être braves et courageux.

D’abord désignée sous le nom de l’Armorique, la Bretagne voit l’arrivée de populations en masse au cours des Ve et VIe siècles. Ces personnes qui trouvent refuge sur cette terre viennent de Britannia (la Grande-Bretagne). Aujourd’hui encore, les historiens émettent plusieurs hypothèques pour expliquer ce phénomène  migratoire : ceux qui s’installent en Armorique auraient pu vouloir fuir des conflits armés, la Britannia faisant alors face à plusieurs raids irlandais. Il pourrait également s’agir d’une migration militaire, destinée à renforcer un système de défense sur le littoral ; à moins que les nouveaux venus ne soient des opportunistes, qui cherchent à tirer profit d’une terre à exploiter et à piller. Dans tous les cas, il n’y a rien de surprenant à ce que cette terre ait pris, par la suite, le nom de « Bretagne » en référence à la Grande-Bretagne d’où sont issus ceux qui la peuplent désormais. Cette population s’installe durablement et diffuse sa langue de communication, le brittonique. Des différents dialectes bretons qui vont émerger, naissent certains mots français, tels que « balai », « goéland », « bijou » ou encore « califourchon ». 

Au fil du temps, il apparaît clairement que les bretons tiennent à leur indépendance. Ils résistent aux soldats de Charlemagne et aux invasions vikings. Bien que conquise au VIIe siècle par Louis le Pieux, la Bretagne parvient à s’émanciper et à se constituer en royaume en 851. Ce duché devient rapidement un enjeu politique entre la France et l’Angleterre. A la mort prématurée d’Arthur Ier, allié à des Plantagenêts, Philippe-Auguste parvient à mettre sur le trône ducal l’un de ses fidèles, Pierre de Dreux, en 1213. Durant plus d’un siècle, les ducs de Bretagne vont ainsi prêter hommage aux rois de France. Les cartes sont redistribuées lorsque Jean III décède en 1341, sans laisser d’enfant légitime. Nous sommes alors au début de la guerre de Cents Ans. Découvrez comment, au milieu de ce tumulte, la Bretagne va s’engager aux côtés de la France, pour vaincre les anglais. Un homme surnommé « le dogue noir de Brocéliande » va alors se démarquer et gagner la confiance de Charles V. Dès lors, les bretons seront considérés comme des soldats solides, durs à la tâche, sur lesquels on peut compter.

Cette réputation perdure encore au XXe siècle : lors de la Première Guerre Mondiale, la Bretagne subit de nombreuses pertes, parmi les hommes mobilisés, ce qui fera dire au Premier ministre britannique : « Vos Bretons se sont bien battus à Verdun ». C’est encore avec cette image de courage et de détermination que les Bretons se battent lors de la Seconde Guerre Mondiale, entrant dans la résistance. Historia revient sur la bravoure des habitants de l’île de Sein, qui vont s’empresser de rejoindre le Général de Gaulle en Angleterre, suite à l’appel du 18 juin…

Nombreux sont les rois qui ont voulu s’emparer de la Bretagne par la force, en vain. C’est par des unions matrimoniales que le duché va finalement être rattaché au royaume de France : en 1491, Anne de Dreux, qui est montée sur le trône ducal à la mort de son père, épouse Charles VIII. Lorsque celui-ci disparaît en 1498 sans enfant, son successeur, Louis XII, s’empresse de convoler avec sa veuve, pour ne pas perdre la si précieuse Bretagne. Bien que la duchesse de Anne soit également reine de France, le duché est toujours indépendant. Anne et Louis XII ne laissant que des filles, c’est l’aînée, Claude, qui hérite de la couronne ducale. Le successeur de Louis XII, François Ier, a épousé la princesse pour les mêmes raisons qui ont guidé ses prédécesseurs : la Bretagne. Mais la nouvelle reine refusera toujours que son duché soit réuni à la couronne de France. Ce n’est qu’après la mort de la reine Claude que le roi trouvera le moyen d’annexer la Bretagne, en 1532. Cependant, cette province française gardera une certaine autonomie et se soulèvera à plusieurs reprises contre l’autorité royale, au fil des siècles…

La jeune duchesse de Bretagne a également contribué à faire évoluer le rôle de la reine – et des femmes – à la cour de France. Anne de Dreux est la première à constituer autour d’elle une « maison de la reine » composée de nombreuses dames et filles d’honneur, ce qui fera dire à François Ier : « Une cour sans dames, c’est un jardin sans aucune belle fleur ». Dès lors, la reine n’a plus seulement un rôle figuratif  aux côtés de son époux : elle devient un mécène et transforme le caractère de la cour de France : celle-ci gagne en élégance et en raffinement, à travers les modes vestimentaires lancés par la reine, ainsi que par la présence des poètes, hommes de lettres et artistes dont l’épouse du roi s’entoure. Les femmes resteront ainsi « les plus beaux ornements de la cour », jusqu’à la Révolution Française, et ce grâce à l’intelligence de la petite duchesse bretonne.

Tantôt perçus comme rebelles et bornés, tantôt comme patriotes et déterminés, les bretons ont une histoire riche et se sont illustrés à de nombreuses reprises. C’est cette histoire, qui donna naissance à certains mythes bien ancrés, que le lecteur est invité à découvrir…

mensuel N° 939 / mai 2025

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