Les enfants royaux

10.Thérèse Félicité, fille de Louis XV

 Dans la nuit du 15 au 16 mai 1736, la reine Marie Leszczynska accouche d’une septième fille, au château de Versailles.  Un courtisan note alors à un correspondant « La reine est accouchée, Monsieur, et ne vous point dire de quoi, c’est vous dire assez que c’est une fille, cela n’aidera pas à égayer la cour qui n’est déjà que trop triste ».  Titrée « Madame Sixième » (en raison du décès, avant sa naissance, de l’une de ses sœurs aînées), la petite princesse rejoint ses nombreuses sœurs et le dauphin dans l’aile des Princes. Par souci d’économie, il est décidé, en 1738 par le cardinal de Fleury, qu’à l’exception des deux filles aînées de Louis XV, les autres princesses partiraient pour l’abbaye de Fontevraud. Madame Troisième parvient à faire fléchir son royal père et demeure finalement à Versailles, tandis que les quatre dernières-nées entament, le 16 juin, un voyage de treize jours pour rejoindre Fontevraud. Les princesses ont entre cinq ans et treize mois. Il n’est pas prévu qu’elles regagnent la cour avant une dizaine d’années.

Les quatre sœurs sont installées dans le « logis Bourbon », un endroit humide où les hivers sont rudes pour la petite Madame Sixième, qui est souvent malade.  Les témoignages en provenance de l’abbaye sont unanimes : des quatre enfants, Madame Sixième est la plus attachante et la plus spirituelle. A la fin du mois de septembre 1744, la jeune princesse souffre d’une fièvre persistante. Elle contracte la petite vérole, maladie qui ne laisse guère d’espoir aux religieuses. En hâte, on baptise l’enfant Marie Thérèse Félicité, le 27 septembre. Marguerite-Susanne Melsion, nourrice de Madame Sixième, et son époux Martin Tascher, font office de marraine et de parrain. La petite princesse décède le lendemain, 28 septembre, âgée de seulement huit ans.

Portrait d'une jeune princesse (Thérèse Félicité de France ?) , par David Luders (1745)
Portrait d’une jeune princesse (Thérèse Félicité de France ?) , par David Luders (1745)

Thérèse Félicité est inhumée le 29 septembre dans le caveau de l’abbaye – le « cimetière des rois » – qui renferme les dépouilles des rois d’Angleterre, les Plantagenêt. Depuis son départ de Versailles, Madame Sixième n’avait pas revu ses parents. En apprenant la mort de sa fille, dont elle n’a gardé qu’un lointain souvenir, Marie Leszczynska écrit : « Ce qui augmente ma douleur est une consolation pour un tendre cœur. Ma pauvre enfant est bien heureuse ; je l’envie ». Il faut dire qu’à cette période, Louis XV vient tout juste de se relever d’une grave maladie (probablement la  dysenterie) et la cour a d’autres préoccupations que de pleurer une princesse, élevée loin de Versailles, qui « n’avait compté pour rien, ni pour personne » (Bruno Cortequisse). 

Thérèse Félicité est la seule fille de Louis XV qui ne revint pas de l’abbaye de Fontevraud. Ses sœurs regagnent la cour de Versailles, en 1748 pour Madame Victoire (née en 1733) et en 1750 pour Mesdames Sophie et Louise (respectivement nées en 1734 et 1737). Avant de quitter Fontevraud, Madame Louise « voulut faire une dernière visite au tombeau de sa sœur », afin de s’y recueillir. 

Il n’existe aucun portrait officiel de la princesse Thérèse Félicité, disparue prématurément. Elle pourrait cependant avoir été représentée, à titre posthume, par le peintre allemand David Luders (1710-1759), qui séjournait en France au moment du décès de Madame Sixième. 

Bibliographie 

– Les reines de France au temps des Bourbons : la reine et la favorite, par Simone Bertière  
Mesdames de France : les filles de Louis XV, par Bruno Cortequisse
Fontevrault et ses monuments : Histoire de cette royale abbaye depuis sa fondation jusqu’à sa suppression, par l’Abbé Edouard
–  Marie Leszczynska, Madame Louis XV, par Jacques Levron