07.Louise-Françoise, Mademoiselle de Nantes
Quatrième enfant de la marquise de Montespan et du roi Louis XIV, Louise-Françoise naît à Tournai le 1er juin 1673. Confiée comme ses aînés à Mme de Maintenon, elle reste inconnue de la cour jusqu’au 20 décembre de la même année, date où son père la légitime et lui accorde le titre de Mademoiselle de Nantes. Vivant désormais auprès de ses parents, elle est surnommée « poupotte » par le roi et Athénaïs. A l’inverse du duc du Maine, qui considère sa gouvernante comme sa mère et dénigre Athénaïs de Montespan, Louise-Françoise n’aime pas la veuve du poète Scarron et devient vite la préférée de la marquise de Montespan. Très proche de sa sœur cadette, Mlle de Tours, elle supporte très mal la mort de cette dernière en 1681.
Louis XIV espère pour ses filles illégitimes un grand mariage et accorde la main de Mlle de Nantes à Louis III de Bourbon, prince de Condé, petit-fils du Grand Condé. Le mariage a lieu le 24 juillet 1685. Louise-Françoise n’a que 12 ans ; le duc de Bourbon est quant à lui âgé de 17 ans. En raison du jeune âge des mariés, certains courtisans parlent du mariage de « marionnettes ». Si Louise-Françoise a hérité du charme et de la beauté de sa mère, son époux a un physique bien disgracieux : petit et bossu, il louche et a une verrue sous l’œil. Ce prince multiplie également les scandales en trompant sa femme ouvertement et en fréquentant des bordels. Tandis qu’elle se désole de son mari, Louise-Françoise trouve du réconfort auprès de ses parents et du Grand Condé qui la considère comme sa fille. A la fin de l’année 1686, la duchesse de Bourbon est atteinte de la petite vérole, à Fontainebleau. Son mari se désintéresse de son épouse et retourne à ses scandales. Louise-Françoise est veillée par le Grand Condé (qui interdit même au roi l’entrée à la chambre de sa fille par peur de la contagion) et par sa mère. Mais bien vite on la croit perdue et la marquise de Montespan s’enfuit cacher ses larmes, désespérée de perdre Louise-Françoise qui lui ressemble beaucoup et qui a, entre autre, hérité du célèbre esprit des Mortemart. Contre toutes attentes, la duchesse survit et la mort emporte à sa place le Grand Condé, qui avait contracté la maladie, le 11 décembre 1686.
Au sein du ménage Bourbon, l’entente est cordiale entre les époux. Louise-Françoise et Louis III mènent leur vie chacun de leur côté. Mlle de Nantes n’étant pas encore nubile au moment de son mariage, la consommation de celui-ci est différée. Le roi donne son autorisation en avril 1686, à la grande satisfaction du jeune époux. La jeune duchesse remplit parfaitement son devoir conjugal en donnant naissance à neuf enfants, qui – fait rare pour l’époque – atteindront tous l’âge adulte :
– Marie-Anne-Eléonore (1690-1760) , Mlle de Condé, et future abbesse de Saint-Antoine des Champs (sans alliance)
– Louis-Henri (1692-1740), duc d’Enghien puis duc de Bourbon (en 1710), qui épouse Marie-Anne de Bourbon-Conti (sans postérité), puis Caroline de Hesse-Rheinfels-Rotenbourg (dont postérité)
– Louise-Elisabeth (1693-1775), Mlle de Bourbon, qui épouse Louis-Armand de Bourbon-Conti (dont postérité)
– Louise-Anne (1695-1741), Mlle de Charolais (sans alliance)
– Marie-Anne (1697-1758), Mlle de Clermont, qui épouse Louis de Melun (sans postérité)
– Charles (1700-1760), comte de Charolais (sans alliance)
– Henriette-Louise-Gabrielle (1703-1772), Mlle de Vermandois et future abbesse de Beaumont les Tours (sans alliance)
– Elisabeth-Alexandrine (1705-1765), Mlle de Sens (sans alliance)
– Louis (1709-1771), comte-abbé de Clermont, épouse secrètement Elisabeth Claire Le Duc (danseuse d’Opéra)
La duchesse de Bourbon reste très proche de sa mère qu’elle visite souvent après que celle-ci ait quitté la cour en 1691. Délaissée par son époux, Louise-Françoise tombe sous le charme de son cousin, le prince de Conti, François-Louis de Bourbon. Au contraire du duc de Bourbon, celui-ci est cultivé et bel homme. Au cours de l’année 1696, Louise-François et le prince de Conti deviennent amants. Leur liaison discrète est protégée par le Grand Dauphin qui apprécie sa demi-sœur. En effet, Louise-Françoise fait partie des intimes de l’héritier du trône et préfère la petite cour de Meudon, pleine de jeunesse et promesses d’avenir, à celle, vieillissante, de Louis XIV. La romance avec François-Louis de Conti s’achève en 1697, lorsque celui-ci est élu roi de Pologne et doit quitter la cour. Après des adieux déchirants, la duchesse de Bourbon met au monde une fille en octobre de la même année : Mlle de Clermont. Celle-ci est probablement la fille du prince de Conti bien que déclarée comme celle du duc de Bourbon. François-Louis se voit obligé de rentrer en France après son échec en Pologne (son rival, Auguste II l’ayant pris de vitesse), mais ne revient pas vers Louise-Françoise, qui lui rappelle sans doute douloureusement son passé glorieux. Celle-ci se retrouve seule tandis que son époux devient père d’une bâtarde : une certaine dame de Blanchefort lui a donné une fille, Louise-Charlotte (1700-1754), reconnue sous le nom de Mlle de Dampierre.
Au fil des années, Louise-Françoise se brouille avec son frère, le duc du Maine et sa sœur, la duchesse d’Orléans. Elle ne conserve de bons rapports qu’avec son frère cadet, le comte de Toulouse. Cependant, le débat sur le rang intermédiaire des fils bâtards de Louis XIV, survenu après la mort du roi, brouillera Louise-Françoise avec son frère cadet. La mort de la marquise de Montespan, en juin 1707, rapproche quelques temps la duchesse de Bourbon de sa sœur. Cependant, toutes deux se querellent pour marier leurs filles aux meilleurs partis de la cour. Le 4 mars 1710, Louise-Françoise se retrouve veuve, le duc de Bourbon décédant d’une tumeur au cerveau. Elle ne regrettera pas cet époux qu’elle n’a jamais aimé. La princesse est désormais duchesse douairière de Bourbon. En avril 1711, c’est le Grand Dauphin qui décède, brisant les espoirs que Louise-Françoise avait placés dans son règne futur. C’est cette même année que Louise-Françoise s’éprend de Léon de Madaillan, fils du marquis de Lassay et colonel du régiment d’Enghien, de huit ans son cadet. Cependant, jusqu’à la mort de Louis XIV, en septembre 1715, Louise-Françoise et son amant se font discrets. La duchesse veille aux intérêts de ses enfants qui lui rendent bien mal. Ses filles n’ont pas reçu une bonne éducation et certaines multiplient les scandales amoureux, ruinant leur chance de faire un bon mariage. L’aînée, Éléonore, a hérité de la « folie des Condé » : retardée mentalement, elle est très vite destinée à l’Eglise. Quant à la jeune Mlle de Vermandois, éduquée au couvent de Fontevraud, elle est au cœur d’un drame en 1722 : un jeune prêtre de 20 ans tombe amoureux d’elle et tue d’un coup de pistolet son confesseur, qui tentait de lui faire entendre raison. Un temps pressentie pour épouser Louis XV (puisque plus vertueuse que ses sœurs), Mlle de Vermandois se fera finalement religieuse. Les fils de Louise-Françoise rejettent l’autorité de leur mère une fois que sa liaison avec Lassay est rendue publique et le jeune duc de Bourbon préfère passer du temps avec sa maîtresse, la marquise de Prie, plutôt que de faire un enfant à son épouse.
Honteuse et fatiguée de sa descendance, Louise-Françoise entreprend de se faire construire un château bien à elle : de 1722 à 1728 est édifié le Palais Bourbon. Ce château devient son refuge face aux tourments et tracas que lui causent ses enfants : son fils aîné, le duc de Bourbon, tombe en disgrâce en 1726 ; le comte de Charolais passe pour un être violent et sanguinaire, qui se rend coupable de meurtres dans le seul but de se divertir ! Quant au comte de Clermont, bien qu’il soit abbé, il ne cesse de s’afficher avec des danseuses d’opéra. Leurs sœurs ne réussissent guère mieux leur vie : Mlle de Charolais collectionne les amants (on évoque même un mariage secret avec le duc de Richelieu) tandis que Mlle de Clermont sombre dans la dépression après la mort accidentelle de son amant, épousé secrètement, en 1724. Quant à Louise-Elisabeth, devenue princesse de Conti, elle fuit un époux violent pour se réfugier chez sa mère : seule la mort du prince de Conti, en 1727, mettra fin au calvaire de la jeune femme. Louise-Françoise se détournera de tous ses enfants, hormis de Louise-Elisabeth qui lui ressemble beaucoup.
Après la mort de son fils aîné, en 1740, la duchesse douairière rentre en conflit avec le comte de Charolais pour la tutelle du jeune duc de Bourbon, âgé de 4 ans. Louise-Françoise n’obtiendra pas la tutelle de son petit-fils et se brouille définitivement avec son fils puîné. Malgré les travers des Bourbon-Condé, Louise-Françoise est très appréciée par Louis XV. Elle reste l’une des rares personnalités de la cour à appartenir au temps de Louis XIV et à être admise dans le cercle intime de la famille royale. Le jeune roi témoignera toujours de l’amitié et du respect à celle qu’il considère comme sa grand-mère. Souvent, Louise-Françoise évoque ses souvenirs avec le monarque, lui parlant de ses parents et de son grand-père, le Grand Dauphin. Louise-Françoise décède le 16 juin 1743 à l’âge avancé pour l’époque de 70 ans, au Palais-Bourbon. Dans son oraison funèbre, l’évêque de Valence dira : « Ornement de la cour, elle a enchanté le monde par toutes les vertus que le monde admire, elle en a fait les délices par les bontés de son cœur et la douceur de son caractère ».
Bibliographie
– Mademoiselle de Nantes : fille préférée de Louis XIV, par Jacques Bernot
– Les bâtards du Soleil, par Eve de Castro