Les enfants royaux

05. Marie-Thérèse, fille de Louis XIV

Le 2 janvier 1667, à Saint-Germain-en-Laye, la reine de France Marie-Thérèse d’Autriche donne naissance à une troisième fille, la « Petite Madame » (pour la distinguer de Madame, la belle-sœur du roi). Contrairement à l’usage, Louis XIV fait célébrer la naissance de sa fille par un Te Deum, d’ordinaire réservé à l’aîné des enfants du couple royal. Baptisée le 21 janvier 1668 au palais des Tuileries, la princesse reçoit les prénoms de sa mère. Louis XIV lui choisit pour parrain et marraine le duc d’Enghien (fils du Grand Condé) et Marguerite de Lorraine (veuve de Gaston d’Orléans, oncle du monarque). Contrairement à ses deux sœurs aînées, mortes au berceau, Marie-Thérèse ne semble pas être victime de la consanguinité (ses parents sont cousins germains). Très aimée par le roi et la reine, la Petite Madame est déjà pressentie pour épouser le demi-frère de sa mère, Charles II de Habsbourg (1661-1700), et régner un jour sur l’Espagne.

La reine et ses enfants : le dauphin, la Petite Madame et le duc d'Anjou (détail d'un tableau de Jean Nocret, 1670)
La reine et ses enfants : le dauphin, la Petite Madame et le duc d’Anjou (détail d’un tableau de Jean Nocret, 1670)

En février 1672, Marie-Thérèse est touchée par une maladie infantile, dont beaucoup d’enfants sont victimes à l’époque. Les médecins de la cour lui trouvent du pus dans une oreille et diagnostiquent « un abcès dans la tête qui pousse en dedans ». La Petite Madame perd l’ouïe, puis la parole, et est prise de convulsions. Durant son agonie, Marie-Thérèse est veillée par la reine et la Grande Mademoiselle – cousine du roi – mais également par les maîtressed du souverain, la duchesse de la Vallière et la marquise de Montespan. Louis XIV est au plus mal devant l’état de sa fille et ne dort plus, n’a plus goût à rien. La Petite Madame expire le 1er mars, à Saint-Germain-en-Laye, à l’âge de cinq ans. Le confesseur de la reine rapporte que celle-ci aurait dit, en apprenant le décès de sa fille : « Quoique mon affliction soit aussi grande que le peut être celle d’une mère chrétienne sur la mort de son enfant qui promettait beaucoup, j’aime mieux qu’elle soit morte dans son enfance pour jouir plus tôt du bonheur éternel, que d’avoir vécu plus longtemps dans l’incertitude de son salut pour être reine d’Espagne ».

Malgré son chagrin, la reine Marie-Thérèse accepte la mort de sa fille avec soumission, voyant là un signe de la Providence. Elle confie d’ailleurs à Mme de Brienne : « Dieu sait ce qu’il fait. J’aimerais mieux perdre tous mes enfants que d’en voir un seul en péril de Salut ». La reine se console en pensant que, désormais, sa fille est un ange partie rejoindre ses sœurs au paradis. Marie-Thérèse de Bourbon est inhumée à Saint-Denis. Sur les cinq enfants que la reine a déjà mis au monde, quatre sont déjà décédés et celui qu’elle porte alors (le sixième et dernier) ne survivra pas non plus aux ravages de la consanguinité et des maladies infantiles. 

Marie-Thérèse de Bourbon, par Jean Nocret (vers 1671)
Marie-Thérèse de Bourbon, par Jean Nocret (vers 1671)

Au XVIIe siècle, les princesses disparues sont généralement peu pleurées, la préférence allant aux garçons qui doivent perpétuer la lignée.  Cependant, dans le cas de Marie-Thérèse, cette enfant sera beaucoup regrettée par son père. Au delà de l’affection qu’il portait à sa fille, Louis XIV  se retrouve par la suite en difficultés sur le marché matrimonial. En effet, ses trois filles étant décédées en bas âge, le roi n’est pas en mesure de proposer une princesse de son sang (une fille ou une sœur) à une puissance étrangère, pour nouer une alliance. La phrase de son aïeul Henri IV, pour consoler Marie de Médicis d’avoir accouché d’une fille en 1602, prend alors tout son sens : « Il faut des princesses pour en faire des reines »… ce qui avait permis à la France de renforcer ses liens avec l’Espagne, la Savoie et l’Angleterre au début du XVIIe siècle. Les nièces de Louis XIV, filles de Philippe d’Orléans, vont donc être des atouts précieux pour leur oncle une fois en âge de convoler. L’aînée d’entre-elles, Marie-Louise viendra remplacer la Petite Madame lors des négociations avec l’Espagne, pour marier Charles II avec une princesse française. 

Bibliographie : 

Lettres de Madame, duchesse d’Orléans, née princesse Palatine par Elisabeth-Charlotte de Bavière
Marie-Thérèse d’Autriche : épouse de Louis XIV, par Joëlle Chevé