Les enfants royaux

02.Nicolas, duc d’Orléans, fils d’Henri IV

Le 13 avril 1607, Marie de Médicis accouche à Fontainebleau d’un second fils, « un bel enfant grand et menu ». La naissance du dauphin Louis, en 1601, ayant été suivie par deux princesses (Elisabeth en 1602 et Christine en 1606), la reine est ravie d’avoir renforcé l’avenir dynastique des Bourbons, avec l’arrivée d’un second prince. Le nouveau-né est titré duc d’Orléans. La veille, avant d’aller se coucher, le jeune dauphin Louis (futur Louis XIII), qui n’a pas encore 6 ans, avait déclaré que « si la reine lui faisait un petit frère, il ferait tirer son canon » ! Le 16 avril, Henri IV écrit au duc de Sully : « Mon ami, Dieu a exaucé les vœux et les  prières de tous les gens de bien de mon royaume et de mes serviteurs, car ma femme vient heureusement  d’accoucher d’un fils ». Le roi ne cache pas sa joie, et envoie également des missives à l’étranger, pour annoncer la naissance du duc d’Orléans : « Ayant plu à Dieu de délivrer la reine ma femme de sa grossesse, et de la faire heureusement accoucher d’un duc d’Orléans,[je vous en averti] pour l’affection que je sais que vous me portez et la part que vous avez au contentement qui me peut arriver » (lettre au duc de Savoie). 

La famille d'Henri IV (le duc d'Orléans est dans le berceau), attribué à Frans Pourbus le Jeune (XVIIe siècle)
La famille d’Henri IV (le duc d’Orléans est dans le berceau), attribué à Frans Pourbus le Jeune (XVIIe siècle)

Bien qu’Henri IV se félicite de la naissance du duc d’Orléans, le nouveau-né montre des signes de faiblesse dès sa venue au monde. On le trouve si « chétif, palle et exténué qu’il ne donnait nul espérance de vie » et le prince souffre également d’une difformité, étant « doué d’une tête énorme sur un corps de squelette ».  Les médecins de l’époque attribuent sa mauvaise constitution « aux fâcheries continuelles que la reine avait souffert le long de sa grossesse ». En effet, Henri IV s’affiche continuellement avec ses maîtresses, qu’il impose à son épouse, et celles-ci se retrouvent souvent enceintes en même tant que Marie de Médicis, qui fait alors des crises de jalousie au roi. Le nouveau-né semble pourtant s’accrocher à la vie, malgré des crises de convulsions. Alors que le petit duc d’Orléans est encore au berceau, Henri IV le promet à la jeune Marie de Bourbon, fille unique de son lointain cousin le duc de Montpensier. Le contrat de mariage des deux enfants est signé le 14 janvier 1608. 

Le roi aime passer du temps avec ses enfants : il n’est pas rare de le surprendre, jouant au destrier et portant sur son dos le dauphin et le petit duc d’Orléans. C’est ainsi que les députés de Bordeaux le découvrent un jour. Henri IV se justifie alors : « Ne trouvez point étrange de me voir ici folâtrer avec ces petits enfants. Je sais faire les enfants et défaire les hommes. Je viens de faire le fol avec mes enfants ; je m’en vais maintenant faire le sage avec vous, et vous donner audience ». Lors du couronnement de Marie de Médicis, le 13 mai 1610, le duc d’Orléans tient les pans du manteau de sa mère, avec le dauphin. 

"Henri IV jouant avec ses enfants", par Pierre-Henri Révoil (1817)
« Henri IV jouant avec ses enfants », par Pierre-Henri Révoil (1817)

Après la mort d’Henri IV, assassiné le 14 mai 1610, Louis XIII veut être un père de substitution pour ses frères et sœurs, en chef de famille. Le jeune roi témoigne beaucoup d’affection au duc d’Orléans – qui appelle son frère aîné « mon petit papa » – et se préoccupe de la santé du petit prince. En raison de sa mauvaise constitution, le duc d’Orléans est constamment souffrant, pris de fièvres, et l’on craint en permanence qu’il ne meurt.

Le 5 novembre 1611, le duc d’Orléans est victime de convulsions, que les médecins soignent avec des saignées, des clystères (des lavements) et usent même de sangsues sur la tête de l’enfant. Un tel traitement a pour conséquence un affaiblissement du petit malade. Louis XIII est tourmenté par la maladie de son frère, auprès duquel il se rend dès qu’il le peut. Lors de sa dernière visite, le duc d’Orléans lui dit : « Bonsoir mon petit papa, vous me faites trop d’honneur de prendre la peine de venir me voir ». Le 15 novembre 1611, Louis XIII apprend que son frère est au plus mal : « Tous les médecins qui avaient vu ce prince l’avaient jugé incapable de vie ». Le roi demande à tout son entourage ce qu’il peut faire pour le sauver. On lui recommande de prier pour l’âme du prince. L’enfant-roi s’exécute et « prie Dieu, la larme à l’œil »Les prières de Louis XIII ne sauveront pas le duc d’Orléans, qui s’éteint au château de Saint-Germain, dans la nuit du 16 au 17 novembre à l’âge de 4 ans, d’une crise d’épilepsie ou d’une fièvre léthargique (« un endormissement joint à quelques convulsions »). Peu avant sa mort, le prince confiait « avoir vu en songe un ange qui lui disait que son bon papa [Henri IV] avait envie de le voir, et qu’il le verrait bientôt »

Le duc d'Orléans (gravure par Daniel Dumonstier, XVIIe siècle)
Le duc d’Orléans (gravure par Daniel Dumonstier, XVIIe siècle)

Louis XIII est informé de la mort du duc d’Orléans à son réveil, le 17 novembre : il en est « saisi, blêmit, demeure pensif », très affecté par la disparition de son jeune frère. L’autopsie du duc d’Orléans a lieu le 18 novembre. Les médecins trouvent le crâne « rempli de catarrhes et tout gâté, plein d’eau noire et le cervelet s’émiait aux doigts en le maniant » et concluent que l’enfant ne pouvait vivre longtemps avec « un cerveau mal composé ». Le 19 novembre, Marie de Médicis annonce au cardinal de Sourdis la mort de son fils, « après avoir été travaillé de convulsions  auxquelles il était si sujet dès sa naissance ». La reine-mère poursuit :  » Il était si sujet à de grandes maladies qu’il me souvient que le feu roi [Henri IV] disait toujours que pour [cet enfant-là] il ne fallait point espérer longue vie […] Je le regrette néanmoins pour les bonnes qualités et inclinations que je reconnaissais en lui, et l’espérance qu’il donnait d’une parfaite bonté »

Le duc d’Orléans est inhumé le 22 novembre 1611, à Saint-Denis. A sa naissance, le duc d’Orléans avait été ondoyé selon l’usage, mais n’a pas été baptisé avant de mourir. Il n’a donc pas reçu de prénom, ce que confirme Louise Bourgeois, sage-femme de la reine Marie de Médicis. Toutefois, certains historiens donnent au petit duc d’Orléans le prénom de Nicolas, prénom qui lui est attribué depuis le XVIIIe siècle, né de la confusion avec la lettre « N » (« Nemo », qui veut dire « non nommé » en latin) qui figure sur les actes évoquant l’enfant. Le titre de duc d’Orléans passera au troisième et dernier fils de Marie de Médicis, Gaston (jusqu’alors duc d’Anjou), en 1626.

Bibliographie : 

–  Recueil des lettres de Henri IV (volume 7), publié en 1858
– Louis XIII, par Pierre Chevalier
Journal sur l’enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601-1628), par Jean Héroard
Naissance et petite enfance à la cour de France (Moyen-âge – XIXe siècle) sous la direction de Pascal Mormiche et Stanis Perez

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