02. Charles le Gros : un empereur germanique sur le trône de France
La France connait de grands rois sous les premiers carolingiens : Charlemagne, Louis Ier le Pieux et Charles II le Chauve. Puis, la puissance des rois baisse, notamment face à la montée de la noblesse, dont les charges deviennent héréditaires fin IXe /début Xe siècle. Le roi Louis II le Bègue, fils de Charles le Chauve, ne règne que deux ans, de 877 à 879. Entre autre, de par son bégaiement quasi-permanent et sa constitution maladive, il aura du mal à s’imposer aux grands du royaume qui acquièrent de plus en plus de titres, de charges et de terres. A sa mort, ses deux fils aînés Louis III et Carloman II, lui succèdent, associés au pouvoir. Tous deux sont jeunes et doivent faire face aux invasions normandes. En 882, Louis III meurt de maladie à l’âge de 19 ans, laissant son frère gouverner seul le royaume. Ce dernier décède en 884 d’une chute de cheval. Il n’avait que 20 ans.
Les deux frères ne laissent, à leur mort, ni épouse ni enfant. Dans la logique des choses, la couronne doit revenir à leur demi-frère Charles, né du second mariage de Louis II avec Adélaïde de Frioul. L’enfant en question est né posthume, en 879, et est trop jeune pour régner. A aucun moment les grands du royaume n’envisagent une régence : il leur faut un roi. Ils vont alors chercher l’Empereur d’Occident, Charles le Gros, fils de Louis le Germanique. Ce dernier est donc le petit-fils de Louis Ier le Pieux, appartient à la famille des carolingiens et est un cousin du petit Charles. En juin 885, Charles le Gros reçoit à Ponthion la couronne de France et les serments de fidélité des grands seigneurs. Le règne de Charles III le Gros est marqué, comme les règnes précédents, par les invasions normandes. Ces hommes qui prennent le nom de « viking » débarquent de Suède, de Norvège et du Danemark. A la fin de l’année, les normands arrivent à Paris. Ils sont repoussés par le comte de Paris, Eudes, âgé de 21 ans. Ce dernier demande alors de l’aide à Charles le Gros qui n’arrive avec ses troupes qu’en octobre 886. Plutôt que de se battre, Charles III le Gros préfère acheter le départ de l’ennemi en versant un tribut de 7000 livres et lui donne l’autorisation d’aller en Bourgogne (autant dire le droit de piller la région). Eudes et les parisiens refusent de s’associer à ce marché honteux et déshonorant.
De toute évidence, le roi est incapable de faire preuve de courage et de défendre le royaume de France qui lui a été offert. En novembre 887, Charles le Gros est déposé. Il mourra de maladie seul et abandonné de tous en janvier 888, sans descendance. Pour certains, cet empereur ne fut jamais roi des francs, car il n’était pas digne de la couronne. Ainsi, il n’est pas rare de le voir sous l’appellation de « Charles le Gros » plutôt que « Charles III le Gros ». Simple cousin carolingien de la lignée directe, il ne parvint pas à s’imposer à la France qu’il dénigra au profit de son empire germanique. Le règne de Charles le Gros marque un tournent dans l’histoire du règne des carolingiens : pour la première fois depuis sa création par Pépin le Bref, c’est un cousin et non un fils de roi qui ceint la couronne. L’Histoire montrera que cette première exception ne devait pas être la dernière.
Bibliographie
– La dynastie des Carolingiens et leurs alliances : des origines à leur extinction, par Michel Démorest
– Les Carolingiens (741-987), par Christian Bonnet et Christine Descatoire
– Les Carolingiens : une famille qui fit l’Europe, par Pierre Riché