Les enfants naturels de Louis XV

01. Charles-Emmanuel de Vintimille

Le 2 septembre 1741, Pauline Félicité de Nesle, comtesse de Vintimille, met au monde un fils, au château de Versailles. La jeune femme est la maîtresse de Louis XV depuis 1739. En septembre de la même année, le roi avait marié sa nouvelle conquête à Jean-Baptiste-Félix de Vintimille, marquis de Luc, auquel une grosse somme d’argent fut versée pour sa complaisance. D’après certains, l’union du comte de Vintimille et de Pauline de Nesle n’a  jamais été consommée. Pourtant, lorsque la jeune femme annonce sa grossesse en 1740, son époux manifeste tout d’abord une « joie extrême ». Puis, il se ravise et clame qu’il n’a « aucune part à cette grossesse » et que cela est « l’ouvrage du Roi ». Il est exact que Louis XV se montre très prévenant à l’égard de Pauline de Nesle durant toute sa grossesse, qu’elle passe auprès de lui.  D’après le marquis d’Argenson, le monarque n’a jamais montré à la reine de telles marques de sollicitude au cours de ses nombreuses grossesses. Après la délivrance, Louis XV « va voir l’accouchée quatre ou cinq fois par jour ». Hélas, le 10 septembre, la comtesse de Vintimille décède des suites de l’accouchement, à l’âge de 29 ans. Le roi se montre « inconsolable » et dans « une affliction épouvantable » en apprenant la disparition de sa maîtresse.  Le monarque se rend responsable de sa mort, l’ayant mise enceinte.  Louis XV voue une grande tendresse à l’enfant, comme le rapporte le marquis d’Argenson en novembre : « Le Roi regarde l’enfant que Mme de Vintimille a laissé comme son fils ; on lui amène souvent secrètement dans son cabinet ».  Ceci est bien la preuve que Louis XV ne doute pas être le père du petit garçon. Le fils de la comtesse de Vintimille passe un peu plus d’un au château de Versailles où il loge près de sa tante, Louise de Nesle, comtesse de Mailly, sœur de Pauline mais également maîtresse de Louis XV, avant et après la faveur royale de sa défunte sœur.

La comtesse de Vintimille par Jean-Marc Nattier, 1740
La comtesse de Vintimille par Jean-Marc Nattier, 1740

A la fin de l’année 1742, l’enfant rejoint la famille des Vintimille et est baptisé, le 19 décembre, Charles-Emmanuel Marie Magdelon de Vintimille, le comte étant légalement est son père puisqu’époux de la défunte mère. Si Louis XV se sépare ainsi de son fils naturel, c’est qu’il n’a pas envie de reproduire l’exemple de Louis XIV, qui légitimait ses bâtards et les installait à la cour, auprès de la famille royale. En outre, les Vintimille possèdent des biens et ont les moyens de prendre l’enfant en charge. A la cour cependant, Charles-Emmanuel de Vintimille gardera le surnom de « Demi-Louis » tant il ressemble au roi. Louis XV revoit son fils naturel au moins une fois, une dizaine d’années plus tard. A l’époque, sa favorite, la marquise de Pompadour, souhaite unir Charles-Emmanuel de Vintimille à sa fille légitime, Alexandrine Lenormant d’Etiolles. N’ayant pas eu d’enfant du roi, Mme de Pompadour voit dans cette union le moyen d’avoir avec le souverain  une descendance commune. La marquise organise alors la venue de Charles-Emmanuel et de son gouverneur en son château de Bellevue où se rend régulièrement Louis XV. Tandis que le jeune garçon s’amuse avec la petite Alexandrine, Mme de Pompadour glisse au roi  : « Ce serait là un fort beau couple ». Cependant, Louis XV, en apprenant l’identité du petit garçon, ne relève pas les propos de sa favorite et lorsque la marquise déclare, pour flatter le monarque, que Charles-Emmanuel ressemble à son père, Louis XV réplique : « Je ne savais pas que vous connaissiez si particulièrement le marquis de Luc ». L’affaire d’une possible union entre Alexandrine Lenormant d’Etiolles et le fils naturel de Louis XV en restera là : non seulement le roi ne semble pas y porter de l’intérêt mais la fille de Mme de Pompadour meurt en 1754. 

Portrait présumé de Charles-Emmanuel de Vintimille (anonyme)
Portrait présumé de Charles-Emmanuel de Vintimille (anonyme)

Charles-Emmanuel de Vintimille fait carrière dans l’armée : en 1758, il fait partie du Régiment de Bourbon-Cavalerie. Il devient ensuite capitaine l’année suivante puis gouverneur de Porquerolles et de Lingoustier en 1764.  L’année suivante, il est promu colonel du régiment Royal-Corse. Enfin, en 1781, il devient maréchal de camps. Il ne semble pas que sa montée en grade dans l’armée soit due à sa royale naissance, mais plutôt à son mérite : dans son dossier militaire, on peut lire à propos de Charles-Emmanuel de Vintimille : « Excellent colonel, mène parfaitement son régiment, commande bien, se conduit à merveille à la tête de ce corps ». Le 26 novembre 1764, Charles-Emmanuel épouse Adélaïde Marie Marguerite de Castellane, fille du vicomte d’Esparron. Le couple aura trois enfants :

– Charles Félix René (1765-1806), comte de Vintimille et marquis de Luc, épouse Marie-Gabrielle de Lévis en 1783 (dont postérité)
– Adélaïde Pauline Constantine (1767-1828), épouse Henri Adhémar de Lostanges en 1785  (dont postérité)
– Candide Dorothée Louise (1767-1825), épouse Jean-Baptiste de Félix d’Ollières en 1788 (sans postérité)

Adélaïde de Castellane enchaîne les grossesses (elle met au monde ses deux filles en janvier et décembre 1767) et ne se repose pas assez lorsqu’elle est enceinte. Elle décède d’une fausse-couche, le 29 mars 1770, à cause de « sa trop grande ardeur pour la danse durant la carnaval ». Elle n’avait que 24 ans. Charles-Emmanuel de Vintimille ne se remariera pasLorsqu’ éclate la Révolution Française, le marquis de Luc prend la sage décision de quitter la France. On ne sait rien de ses années d’émigration si ce n’est qu’il représente les princes de la famille royale à Turin pendant quelques temps. Charles-Emmanuel rentre en France en 1800. Il est d’abord placé sous surveillance à Fontainebleau puis, en 1808, il s’installe à Versailles puis à Saint-Germain en Laye. C’est là qu’il décède le 14 février 1814 à l’âge de 72 ans. 

Bibliographie

– Louis XV, par Michel Antoine
– Les bâtards de Louis XV et leur descendance, par Joseph Valynseele et Christophe Brun
– Les enfants de Louis XV: descendance illégitime, par Henri Vrignault